Un risque insoupçonné


Un risque insoupçonné

Les poussières combustibles sont présentes dans différents secteurs d’activités. Elles représentent un danger méconnu et souvent sous-estimé. Destructeurs,
les accidents reliés aux poussières combustibles sont souvent impressionnants et dramatiques.

Nicolas Millot

Le 6 mai 2016, à Amos au Québec, l’inflammation de poussières combustibles dans une benne à planure lors de travaux de soudage cause des brulures mortelles à un travailleur. Cet accident s’est produit dans une usine de l’industrie du bois (1).

Le 7 février 2008, dans l’usine d’Imperial Sugar Company à Port Wentworth dans l’état de Georgie aux États-Unis, l’accumulation de poussière de sucre dans un convoyeur dans un espace confiné a causé l’explosion de l’usine tuant 14 personnes et blessant 36 travailleurs.

Ces deux exemples d’accidents catastrophiques mettent en évidence le danger des poussières combustibles.

Poussière combustible

On entend par poussière combustible toute matière fine ayant la capacité de s’enflammer et de provoquer une explosion lorsqu’en suspension dans l’air. Plus précisément, les poussières combustibles sont constituées de particules oxydables, solides, dont le diamètre est inférieur à 420 µm et qui présentent un risque d’inflammation lorsqu’elles sont dispersées dans l’air à des concentrations suffisantes (2).

Que ce soit dans l’industrie du bois, des matériaux synthétiques, de l’industrie chimique telle que le plastique ou la peinture, dans l’industrie agroalimentaire telle que la farine ou le sucre, ou l’industrie du textile comme le coton ou encore l’industrie du métal tel que l’aluminium ou le magnésium, les poussières combustibles sont présentes dans un grand nombre d’industries.

Les explosions de poussières combustibles peuvent concerner toutes les branches de l’industrie lorsque des produits manipulés peuvent se retrouver sous la forme de fines particules de matières oxydables.

Les secteurs d’activités économiques recensés les plus à risque sont l’industrie du bois, l’industrie agroalimentaire, le plastique et les métaux (3).

SIMDUT 2015

Le SIMDUT 2015 a ajouté la sous-­classe des poussières combustibles à la classification du SGH. À noter aussi l’ajout de la sous-­classe des asphyxiants simples.

Le contenu de l’étiquette SIMDUT pour les poussières combustibles doit contenir les informations suivantes :
• Attention
• Peut former des concentrations de poussières combustibles dans l’air

Par contre, il n’y a pas de pictogramme obligatoire.

L’information doit être placée pour être visible des travailleurs concernés par l’exposition ainsi que toute autre personne susceptible de se retrouver dans l’environnement considéré.

Dangers des poussières combustibles

Les dangers qui leur sont reliés proviennent généralement de la formation d’un nuage de poussière à partir de diverses sources de production. Les sources incluent une couche de poussière déposée ou une accumulation entrainant la création d’une atmosphère explosive dangereuse. Le danger peut également découler de la formation de couches de poussières qui ne sont pas susceptibles de former un nuage, mais qui peuvent s’enflammer par leur propre échauffement ou du fait de l’exposition à des surfaces chaudes ou à des flux thermiques et ainsi constituer un danger d’incendie ou de surchauffe d’un matériel. La couche enflammée peut aussi agir comme source d’inflammation d’une atmosphère explosive (4).

Lorsque des nuages de poussières explosives et des couches de poussières peuvent exister, il convient d’éviter les sources d’inflammation.

Si, par contre, la source d’inflammation ne peut être évitée, on doit alors prendre des mesures pour réduire la probabilité de sources de poussière et/ou d’inflammation de sorte que la concomitance des deux soit suffisamment faible pour rendre le risque négligeable.

Qu’avons-nous appris de ces accidents

L’analyse des accidents similaires survenus ces deux dernières décennies a permis de tirer certaines conclusions. Ainsi, on peut prévenir les explosions dues aux poussières. Même si le risque existe dans de nombreux secteurs d’activités économiques, la plupart des compagnies qui ont des poussières combustibles n’ont pas conscience du risque. Il y a donc tout un travail d’information et de sensibilisation à faire.

Méconnu, parfois même insoupçonné, le danger relié aux poussières combustibles demeure une notion qui devrait être intégrée dans les programmes de prévention à travers une approche globale. La vigilance devrait se situer à tous les niveaux. Par exemple, le risque de poussières explosives devrait être clairement identifié sur les fiches signalétiques des produits, ce qui n’est pas souvent le cas.

La conception ou la modification d’un procédé peut augmenter le risque surtout si le procédé est confiné. Cela augmente alors le risque que représente l’accumulation de poussières combustibles dans un tel environnement.

La présence de flamme nue, le coupage, le soudage, l’arc électrique, les décharges électrostatiques, la friction mécanique et une surface chaude sont tous des sources d’ignition variées et multiples qui peuvent mettre le feu aux poudres sans crier gare.

L’un des moyens de contrôle les plus efficaces demeure bien évidemment la ventilation mécanique par captation à la source (5). Or, bien souvent, celle-ci est déficiente, inefficace ou mal utilisée.

L’entretien ménager ayant pour objectif le nettoyage des surfaces recouvertes de poussières devrait également s’intéresser aux endroits difficiles d’accès en plus des surfaces apparentes. On pense alors aux conduites qui sillonnent le haut des plafonds, aux luminaires, à la structure du bâtiment, car l’accumulation de poussière à ces endroits par un manque de nettoyage régulier représente un danger. Certaines pratiques qui remettent la poussière en suspension dans l’air demeurent dangereuses. L’utilisation d’air comprimé pour nettoyer les surfaces en est un bon exemple.

Prévention du risque

Une évaluation des risques est donc requise afin de les anticiper pour les prévenir. Une coopération étroite entre spécialistes est donc nécessaire pour être en mesure de définir le niveau de risque et de le contrôler. Une démarche rigoureuse doit être mise en place impliquant différents acteurs du milieu. L’une des premières questions à se poser est bien évidemment de déterminer si le matériau est combustible ou non. Ensuite, il faut identifier les caractéristiques des matériaux et des manières de les traiter comme l’appareil utilisé, le montage, le dispositif et l’installation utilisés pour les poussières présentes. Un autre élément important consiste à identifier les parties du matériel, du procédé ou des mélanges de poussières explosives qui peuvent être confinées. Enfin, il reste à déterminer la probabilité que la poussière se dégage de ces sources et, par conséquent, la probabilité de la présence d’une atmosphère explosive poussiéreuse dans différentes parties de l’installation (2).