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MALADIES PROFESSIONNELLES EN HAUSSE

DERNIÈRES STATISTIQUES DE LA CNESST
Les principaux risques

Jean-Pierre Gauvin1

Les statistiques annuelles décrivant la prévalence de maladies professionnelles et d’accidents du travail dans tous les milieux de travail nous informent sur notre évolution en matière de santé et sécurité du travail. Elles permettent de confirmer les progrès et les tendances tout en donnant des pistes de réflexion quant aux routes qu’il nous reste à prendre.

Une lecture des dernières statistiques pu­bliées par la CNESST et couvrant la période annuelle terminée le premier janvier 2018  est éloquente (1). Voici les élé­ments qui ont retenu mon attention.

Accidents sexistes

Les accidents sont sexistes ! Ils sont surtout l’apanage des hommes.

Aux statistiques accidents, les hommes sont représentés à 62  % contre 38  % pour les femmes. Quant à la prévalence de maladies professionnelles, les hommes y détiennent le monopole avec 91 % des maladies profession­nelles recensées contre 9 % pour les femmes. Ceci est possiblement attribuable aux fonc­tions généralement différentes chez les femmes qui exercent des métiers où les risques sont plus faibles ainsi qu’à une expérience de tra­vail et une période d’exposition à des agents toxiques qui est plus courte que celle vécue par les hommes.

Travailleurs âgés et maladies professionnelles

Les travailleurs plus âgés sont majoritaires au chapitre des maladies professionnelles. En effet, 94 % des travailleurs ayant souf­fert d’une maladie associée au travail avaient plus de 45  ans. Ceci illustre clairement que les années passées dans un environnement à risque augmentent la dose d’agents agres­seurs, cette dose devenant importante après 15 à 20 ans d’exposition. Dans le cas de cer­tains agents susceptibles d’être associés à une longue période de latence tels le cancer, l’amiantose et la silicose, la maladie est encore
inexistante chez les jeunes travailleurs même si c’est souvent l’exposition à un jeune âge qui est la cause prédominante de maladies obser­vées à l’âge adulte.

Décès accrus

En 2017, la prévalence de surdité professionnelle atteignait 72,5 % des maladies professionnelles observées. De même le nombre de décès attribuables aux maladies professionnelles augmente constamment.

À tous les ans depuis 1990, nous observons une augmentation du nombre de décès attribuables aux maladies professionnelles. De 2,7  % qu’ils étaient en 1990, le nombre de décès attribuables aux maladies profession­nelles atteignait 4,7  % en 2012. Ce chiffre continue d’augmenter et selon la CNESST, le nombre de décès attribuables à une ma­ladie professionnelle aurait augmenté d’en­viron 22,6  % en 2017  comparés à 2016. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation. Alors qu’en 1987  seulement 9,2 % de la population avait plus de 55 ans, ce groupe d’âge représente aujourd’hui plus de 20 % de la population (2).Avec le vieillis­sement de la population, la hausse du taux de maladies telles la surdité et les cancers, des pathologies liées à l’âge, est une conséquence inévitable.

L’accroissement des maladies profession­nelles reconnues est possiblement occasionné également par une meilleure connaissance des facteurs de risque liés au travail ainsi que des méthodes diagnostiques plus efficaces pour reconnaitre les maladies susceptibles d’être
associées au travail. Étant plus habiles au­jourd’hui à reconnaitre les agents agresseurs présents au travail, par exemple l’amiante, le la silice ou le bruit, ceux-­ci sont maintenant plus souvent identifiés et les maladies, lors­qu’elles surviennent chez des travailleurs ayant été exposés, sont plus facilement reconnues. Il est dorénavant possible en effet d’associer au­jourd’hui une maladie survenant à l’âge de la retraite à des conditions de travail qui préva­laient 20  ans plus tôt, lorsque le travailleur était exposé à un agent causal. Il résulte de ces outils de dépistage évolués un accroissement du nombre de travailleurs dont la maladie n’est plus considérée comme un fait normal, mais est plutôt le résultat des conditions de travail passées. Ce nombre est plus élevé qu’il ne l’aurait été sans nos nouveaux outils de dépistage.

Attention aux jeunes travailleurs

Quelles leçons devons-nous tirer de ces statistiques ?

Le travail implique souvent une exposition à des agents agresseurs susceptibles de s’accumuler au fil des ans. Plus les expositions débutent tôt dans la vie, plus la dose totale accumulée lorsque le corps aura atteint un âge où la maladie pourra apparaitre sera élevée. Dans un monde où l’espérance de vie était courte, les travailleurs exposés à des agents toxiques risquaient moins d’atteindre un âge où la maladie aurait pu se déclarer. D’autant plus que les moyens diagnostiques dont nous  disposions il y a quelques décennies étaient
peu aptes à faire la différence entre des pa­thologies dites normales ou simplement liées à la vieillesse et des maladies directe­ment causées par des agents dangereux pré­sents au travail.

Sur ces bases, il importe d’être plus que jamais attentifs aux risques présents en mi­lieu de travail, particulièrement lorsque ces risques touchent davantage les jeunes recrues. En effet, une jeune personne, parce qu’elle compte encore un grand nombre d’années de vie devant elle, risque davantage, si elle continue à être exposée à des facteurs de risque, d’accumuler une dose importante tout au long de sa vie professionnelle. De plus lorsque les agents toxiques comportent une longue période de latence comme l’amiante, la silice ou les agents cancérogènes, il devient plus probable, compte tenu de l’es­pérance de vie plus longue aujourd’hui (elle est maintenant estimée à plus de 80 ans), que la maladie puisse apparaitre avant la mort naturelle de cette personne. Devant une tâche comportant des risques d’expositions à de tels agents toxiques, il est évident que si cette tâche est effectuée par une jeune personne, le risque d’effet à long terme sur la santé est plus élevé que si l’exposition touchait une personne plus âgée. Sur cette base, les jeunes
travailleurs devraient bénéficier de plus d’at­tention afin de réduire davantage leurs expositions et de réduire leur risque de développer plus tard une maladie professionnelle.

Un regard à la distribution des accidents et maladies professionnelles nous indique également que celle­ci n’est pas équitable, certains corps de métier étant plus forte­ment représentés. Il importe en conséquence de poursuivre nos efforts de surveillance environnementale et de contrôle et de faire en sorte que tous les travailleurs puissent bénéficier au travail d’un environnement sain et non susceptible d’être associé à des lésions ou des maladies occasionnées par le tra­vail. Mettons-­nous au boulot ! Le travail ne fait que commencer.


1 – Jean-Pierre Gauvin – MSC.A, CIH, ROH, SE, A(ACRP), HYGIÉNISTE ENVIRONNEMENTAL CERTIFIÉ, PROFESSEUR ADJOINT, MÉDECINE, UNIVERSITÉ MCGILL, DIRECTEUR GÉNÉRAL, CONTEX ENVIRONNEMENT INC. [gauvin@contex.ca]

Références bibliographiques

  1. CNESST, Statistiques annuelles 2017, Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail du Québec, 2018 Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018. Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2018.
    ISBN 978-2-550-81707-9 (version imprimée). ISBN 978-2-55081708-6 (PDF).
  2. IRSST, Principaux indicateurs de SST pour les lésions professionnelles survenues au Québec en 2010-2012, présentation lors du 39 congrès de l’AQHSST – Victoriaville 18 mai 2017. [https : //www.congresaqhsst.ca/…/principaux-indicateurs-desst-pour-les-lesions-profess…] Vérifié le 14 janvier 2019