SÉCURITÉ ROUTIÈRE

L’AQUAPLANAGE – Sport nautique ?

Denis Corriveau1

L’aquaplanage est un danger qui nous guette, peu importe la saison. Une météo capricieuse, des conditions changeantes sont autant d’éléments à prendre en compte afin d’adapter notre conduite.

Un conducteur au pied lourd circule sur une chaussée recouverte d’eau ou de neige fondante. Cette substance incompressible s’accumule devant les pneus avant de son véhicule. Elle est suffisamment importante pour se glisser entre ceux-ci et le sol, puisque les rainures de leur bande de roulement n’arrivent pas à l’évacuer complètement. Ils se
soulèvent donc et flottent littéralement comme un ski nautique. Sa voiture ne se dirige alors plus. Et sa capacité de freinage est affaiblie. Voilà. C’est ça l’aquaplanage.

Ce phénomène de sustentation hydrodynamique a été découvert par la NASA en 1962 sur les pistes d’atterrissage. Si on l’appelle aquaplanage au Québec, ou plus rarement hydroplanage, on s’approprie le plus souvent le terme anglophone aquaplaning ailleurs dans la francophonie.

Quatre facteurs expliquent la manifestation de l’aquaplanage

Vitesse du véhicule

Sans surprise, plus la vitesse est élevée dans ces circonstances, plus il y a de risque que la matière fluide forme une vague et se glisse sous les pneus avant. Par exemple, à 100 km/h, chacun doit évacuer jusqu’à 5 litres d’eau ou de gadoue à la seconde.

Incapacité d’évacuation des pneus

La formation de cette pellicule d’eau ou de bouillie neigeuse sous les pneus antérieurs dépend essentiellement de son incapacité à être rejetée par les sillons de la bande de roulement. Le dessin, la largeur et la profondeur de la semelle, de même que la pression d’air, y jouent certes un rôle déterminant.

Comme le vin, les propriétés d’adhérence des pneumatiques peuvent-elles se bonifier au fil des kilomètres parcourus ? Le marché en offre maintenant une catégorie dite à rainures extensibles et émergentes. Comme leur nom l’indique, au fur et à mesure que leur gomme s’use, les canaux d’évacuation, dissimulés dans le caoutchouc, s’ouvrent et de nouveaux apparaissent. Cette technologie permet ainsi d’améliorer leur cohérence sur sol mouillé et, conséquemment, de réduire les dangers d’aquaplanage.

Surface de la route

L’épaisseur de la couche d’eau ou de névasse qui recouvre le sol est sans contredit un facteur crucial de l’aquaplanage. Mais il y a aussi ce qui se trouve en dessous : ornières, ondulations et rainurage de la chaussée.

Alourdissement de la partie arrière du véhicule

Sur une chaussée recouverte d’eau, des pneus moyennement usés peuvent aquaplaner à une vitesse aussi basse que 80 km/h. Au reste, le phénomène se produit en deçà de cette vitesse si l’arrière du véhicule est chargé. La même situation s’observe en montant une colline.

Pour réduire les risques d’aquaplanage

• Ralentir en fonction de la condition de la surface de roulement ;
• porter attention aux réactions anormales de l’automobile ;
• observer les traces laissées par les pneus de la voiture qui précède – si elles disparaissent
rapidement, la probabilité de flottement augmente ;
• suivre ces mêmes traces, sauf si elles se trouvent dans des ornières ayant une masse
aqueuse importante ;
• éviter les mouvements brusques du volant ;
• garder le régulateur de vitesse hors fonction ;
• maintenir l’antidérapage et l’antipatinage engagés s’ils sont désactivables.

Que faire quand les pneus aquaplanent ?

• Manipuler le volant avec une grande douceur afin de conserver ou de recouvrer la
trajectoire voulue ;
• réduire la vitesse en relâchant la pédale d’accélérateur
plutôt que de freiner ;

• se soumettre aux réactions de l’antidérapage et de l’antipatinage sans leur résister, s’ils
s’enclenchent.

Des béquilles intelligentes à la rescousse

Les dispositifs de l’antidérapage et de l’antipatinage sont conçus pour rétablir l’adhérence perdue, à la place du conducteur. Ils le feront mieux que lui. Ils sont malgré tout d’une efficacité limitée lors d’aquaplanage.

Intéressons-nous d’abord à leur fonctionnement, alors que nous verrons plus loin comment il faut réagir quand leur mécanisme s’actionne.

L’antidérapage

L’antidérapage est un système hautement sophistiqué d’évitement de collision, dont le rôle est de seconder le conducteur dans la maitrise de son véhicule sur une chaussée glissante. Dans la littérature spécialisée, on le désigne sous les noms de contrôle électronique de la stabilité (ESC, de l’anglais Electronic Stability  Control) et correcteur électronique de trajectoire (ESP, de l’anglais Electronic Stabilité Program). Quand celui-ci détecte la perte d’adhérence d’un pneu, le conducteur voit sa voiture ralentir et, sur certains modèles, il sent la pédale de freinage descendre. Il entend aussi un léger bruit émanant du système.

Comment cela fonctionne-t-il ? À chaque centième de seconde, des capteurs analysent la vitesse de révolution et l’angle de braquage des roues, tout comme l’accélération transversale et le mouvement de lacet (c’est la rotation autour de l’axe). Ces capteurs calculent alors la différence entre la direction où le conducteur veut aller et celle réellement suivie. En somme, aussitôt qu’ils décèlent la dérive des pneus avant ou arrière, le moteur ne répond plus à l’accélérateur.

Concrètement, dans un virage, dès que ceux avant n’adhèrent plus et cherchent à passer tout droit, la roue arrière intérieure ralentit d’elle-même. Si ceux postérieurs entreprennent une glissade de côté, la ou les deux roues extérieures décélèrent.

De toutes les innovations de sécurité active offertes sur le marché, l’antidérapage demeure celui qui permet l’évitement du plus grand nombre d’accidents. Pour en donner une
juste idée, une étude de Green and Woodroff a démontré que les voitures et les VUS ainsi équipés seraient respectivement moins impliqués dans 55 % et 75 % des collisions causées
par une perte de maitrise.

L’antipatinage

L’antipatinage, aussi appelé traction asservie, détecte la moindre diminution de l’adhérence des roues motrices. Quand cela se produit, ce système ralentit la vitesse de rotation de la ou des roues tournant à vide, allant jusqu’à couper la puissance du moteur si nécessaire, souvent avant que le pilote n’ait eu le temps de relâcher la pédale d’accélérateur.

Il est par ailleurs possible de désactiver ce composant en maintenant le bouton-poussoir enfoncé pendant quelques secondes. Cela s’avère utile si le conducteur roule dans une bonne épaisseur de neige ou pour s’en extraire s’il s’y est enlisé. C’est à cette seule condition que la méthode du balancier fonctionne : avancer puis reculer en alternance, de façon à gagner quelques centimètres à chaque fois pour se dégager.

Pour maximiser le rendement de ces dispositifs, à l’instar du freinage avec l’antiblocage (ABS), le conducteur rompu à la prévention des impondérables aura chaussé son véhicule de pneus conformes, appropriés à la saison, identiques et adéquatement gonflés.

Que faire si ces mécanismes s’enclenchent ?

• Ne leur offrir aucune résistance ;
• éviter de freiner ou de corriger la trajectoire ;
• se contenter de retirer graduellement le pied de l’accélérateur ;
• puis maintenir résolument le volant pour le diriger dans le sens où l’on veut aller ;
• abaisser la vitesse.

Bonne route !


1 – Denis Corriveau – AUTEUR ET FORMATEUR EN SÉCURITÉ ROUTIÈRE
[denis.corriveau@outlook.com]