Prudence - Les hasards de la conduite hivernale
Crédit : Shutterstock

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

La conduite hivernale – Prêts pour affronter l’hiver?

Par Denis Corriveau

AUTEUR ET FORMATEUR EN SÉCURITÉ ROUTIÈRE
[denis.corriveau@outlook.com]

Il semble parfois que dame Nature raffole déstabiliser même les conducteurs les plus aguerris en jouant à cache-cache au détour de la route, quand les conditions de conduite sont difficiles. Sans surprise, c’est l’hiver qu’elle fait le plus tempêter, alors que froid, neige, blizzard, verglas et glace noire sont aux rendez-vous.

Aujourd’hui, nous levons le voile sur les dessous de ces cinq conditions défavorables, qui se transforment trop souvent en situations d’urgence. Autant d’occasions pour mettre à l’épreuve habileté et patience.

Mais d’abord, il est nécessaire de déboulonner un mythe : lire à la une des médias que le mauvais temps a causé un accident est une vraie fausse nouvelle. Comment les conditions routières médiocres peuvent-elles être à l’origine des accidents, alors que c’est le conducteur qui conduit ? N’a-t-il pas la responsabilité de s’ajuster à tout instant aux diverses adhérences de la chaussée, aux invisibilités de la route, à l’affluence de la  circulation et à la nature de l’environnement ? Pourquoi alors le 100 conducteur perd-il  le contrôle de son véhicule, alors que les 99 autres qui l’ont précédé maintiennent le cap sur cette même section du chemin et dans les mêmes conditions ?

Définitivement, adopter une conduite adaptative demeure la clé qui permet d’éviter les pièges des incontournables lois de la physique et, conséquemment, de réduire au minimum les risques de collision. De fait, les conducteurs qui affichent une attitude positive ralentissent l’allure de leur véhicule lorsque nécessaire. Ils s’accordent plus de temps pour prendre la juste décision, le maintien continu du véhicule en contrôle et le raccourcissement des distances de freinage déjà affreusement longues sur les surfaces glissantes.

Décortiquons une fois pour toutes ces cinq conditions de conduite qui risquent de faire grincer des dents au cours des prochains mois.

1- Le froid

Il ne semble pas y avoir d’études démontrant qu’un conducteur gelé, dans le sens de frigorifié, conduit plus maladroitement qu’un autre. Pourtant, le postulat ne serait pas étonnant, car tout inconfort réduit l’attention dans l’accomplissement d’une tâche qui exige une suite ininterrompue de prises de décisions conséquentes.

Voici un truc simple à mettre en pratique : actionner sans délai le chauffage de l’habitacle et du siège. Aussi, s’habiller chaudement en retenant par ailleurs qu’un manteau attaché au cou gêne la liberté de mouvement des bras lors de manœuvres du volant. De même, des gants et des mitaines confectionnés avec un matériau glissant créent une difficulté supplémentaire à la manipulation des commandes.

Il est également bon de savoir que conduire avec des couvre-chaussures amples ou des bottes à semelles et talons épais atténuent les fines perceptions sensorielles des pieds, empêchant de sentir les nuances de pression aux pédales d’accélération et de freinage.

Quant au fonctionnement du véhicule, le froid apporte trois désagréments majeurs :

Modification de la pression des pneus

La pression d’air à l’intérieur d’un corps varie en fonction de la température ambiante. Plus précisément, un abaissement de la température d’environ 5°C réduit la pression d’air dans
le pneu d’un PSI (livre par po, de l’anglais Pound-force per Square Inch). On n’a qu’à voir ce qui se produit à un ballon laissé au congélateur.

Voici une situation classique : le garagiste gonfle les pneus d’hiver à la pression recommandée par le manufacturier, supposons 30 PSI, alors que la température dans le garage est de 25 °C. Qu’arrive-t-il ensuite quand celle extérieure indique -20°C ? Les pneus ne sont plus qu’à 21  PSI ! À cela, il faut ajouter qu’un pneu, même bien scellé sur sa jante, perd naturellement plus ou moins un PSI par mois.

Pour compenser ce phénomène, il s’agit de maintenir la pression de gonflage des pneus d’hiver de trois à quatre PSI de plus que celle que recommande le manufacturier du véhicule.

Cette occurrence est aussi vraie l’été : la pression d’air du pneu s’accroit d’environ un PSI quand la température ambiante s’élève de 5 °C. Il n’y a toutefois pas lieu de s’en alarmer, parce que de grands écarts de température à la hausse n’arrivent jamais. Il est d’ailleurs moins dangereux de rouler avec des pneus un peu plus durs que trop mous.

Gonfler les pneus à l’azote, un gaz inerte et plus stable que l’air, semblerait alors une solution de choix pour stabiliser la pression du pneu l’hiver. Double bémol toutefois, les manufacturiers de pneus ne s’entendent pas sur les bienfondés de ce procédé et, si cela s’avère théoriquement exact, peu de garagistes suivent les strictes procédures de mise en pratique.

Dégradation de la batterie

Le froid dégrade la capacité de la batterie, mais ne la détériore pas comme le fait la chaleur. Quand le mercure est vraiment bas, elle fournit peu de puissance au démarreur pour lancer le moteur. À titre d’exemple, soumise à une température de -30 °C, l’énergie de la batterie tombe à 25%. Il faut prévoir le coup, c’est-à-dire brancher le chauffe-moteur dès que la température atteint -5°C, ce qui permet de liquéfier l’huile du moteur.

Se procurer une batterie ayant un ampérage élevé et conserver dans le véhicule, à l’année, des câbles de recharge ou un chargeur de batterie opérationnel dans la remise sont deux excellentes idées.

À l’approche de la saison froide, en plus de se préparer mentalement à métamorphoser sa manière de conduire, il est sage de mettre à l’agenda une inspection mécanique du véhicule. La sécurité, le rendement et l’économie en seront les gagnants à moyen et à long terme.

Corrosion

Il ne faut pas croire que ce sont les basses températures hivernales qui font naitre la corrosion sous la voiture. Mais indirectement certes puisque les averses de neige et de pluie glacent les routes durant la saison froide et, pour sécuriser les déplacements, les épandeuses y jettent du sel et parfois du calcium.

Dans ces conditions extrêmes, les déglaçants sont responsables de l’effritement des sur
faces métalliques, mais uniquement lorsqu’ils s’associent à ce silencieux complice appelé humidité. Ainsi, la corrosion est à l’œuvre quand le mercure est supérieur au point de congélation.

Et puisqu’au Québec il se produit de formidables écarts de température, nous détenons le triste titre de Paradis de la rouille et des nids de poule. En raison de cette connivence entre le fer, l’eau et l’air, l’hiver, si le véhicule dort dans un garage, il faut garder la température inférieure à 5°C et maintenir une bonne aération.

2 – Une forte précipitation de neige

Les études révèlent que le Québec reçoit en moyenne 20 % moins de neige depuis le milieu des années 1980. Mais quand il neige, les précipitations sont parfois abondantes et durent longtemps. Lorsqu’elles sont considérables, trois occasions commandent de se prémunir de bonnes habitudes.

Avant de partir :

• consulter d’abord l’état des routes et la météo à venir ;
• ne pas mettre le nez dehors si les conditions climatiques se détériorent ;
• s’il devient absolument nécessaire de prendre la route, partir beaucoup plus tôt ;
• ne pas viser et ne pas mentionner d’heure d’arrivée, ou déterminer une plage horaire
pour s’enlever une source de stress ;
• accepter d’arriver à destination plus tard que prévu et aviser les personnes concernées si
nécessaire ;
• au démarrage du véhicule, entrouvrir une fenêtre et positionner les commandes pour
obtenir un dégivrage et un désembuage rapide et continu ;
• désobstruer la grille de ventilation ;

• déblayer entièrement toutes les glaces, les phares et les feux pour bien voir et être vu
facilement ;
• enlever la croute de neige ou de glace sur le toit du véhicule, car en roulant, la vitesse,
les vibrations et la chaleur pourraient la faire s’envoler ;
• secouer les balais des essuie-glaces pour les désencombrer de la neige ou de la glace et
optimiser leur rendement ;
• enlever la neige accumulée dans les rainures des jantes pour prévenir un important déséquilibre des roues qui se traduirait par une forte vibration du volant ;
• dégager la plaque d’immatriculation ;
• secouer la neige des semelles des bottes avant de monter à bord, empêchant ainsi qu’elles glissent sur les pédales.

Pendant le trajet :

• allumer les feux de croisement dès la mise en marche du véhicule, même s’il fait jour ;
• porter le regard plus loin encore afin de saisir rapidement les indices de la circulation
et d’anticiper les mouvements des autres véhicules, particulièrement aux intersections ;
• réduire la vitesse, même avec un véhicule à traction intégrale ;
• aborder les virages à vitesse réduite et accélérer doucement à leur sortie, surtout avec une propulsion ;
• augmenter davantage la distance avec le véhicule devant ;
• ne pas effectuer de dépassements à moins d’être persuadé de les exécuter sans danger ;
• se méfier des bourrasques et des vents latéraux, particulièrement au volant
d’un petit  véhicule ou d’un véhicule utilitaire sport (VUS);
• réduire les conversations pour diminuer les exhalaisons de buée s’il est difficile de maintenir les glaces exemptes de frimas ;
• régler l’allure du véhicule de façon à arriver aux intersections quand le feu de circulation
est vert, si la chaussée est glacée ;
• anticiper les ralentissements et les arrêts en devançant le moment de freinage, ce qui
favorise la compensation d’une possible mauvaise évaluation de la vitesse, de l’adhérence
et, par conséquent, de la distance de freinage ;
• freiner en longueur pour ne pas surprendre le conducteur derrière ;
• ne jamais laisser tomber sa garde ;
• se féliciter d’avoir chaussé le véhicule de bons pneus d’hiver, sans pour autant surestimer
leur rendement.

Bloqué par la neige

À la difficulté de voir et d’être vu, à l’allongement des distances de freinage
et à l’augmentation des risques de dérapage se greffe un sérieux
problème, celui des routes bloquées. C’est pourquoi, dès que le conducteur est surpris par une chute de neige majeure, il doit rebrousser chemin pour éviter d’être coincé par des véhicules embourbés, d’importantes congères ou des routes carrément fermées à toute
circulation.

Malgré les bonnes intentions et les actions vigilantes, se trouver immobilisé exige de :

• conserver son calme et rassurer les passagers ;
• actionner les feux de détresse ;
• disposer quelques triangles de signalisation ou fusées routières pour indiquer sa présence ;
• ne pas s’aventurer à pied, rester dans le véhicule ;
• signaler sa situation et sa position au service de police ;
• se maintenir au chaud en laissant toutefois tourner le moteur le moins possible ;
• garder une fenêtre entrouverte et dégager l’embout du tuyau d’échappement de même que le dessous du véhicule pour éviter d’être asphyxié par les émanations indétectables de dioxyde de carbone (CO);
• ouvrir et refermer la porte régulièrement pour éviter qu’elle se coince dans la neige ;
• se tenir à l’affut des autres usagers de la route ;
• procurer de l’aide et du réconfort aux automobilistes qui se trouvent dans la même situation.

3 – Le blizzard

On ne trouve pas le terme tempête de neige sur le site d’Environnement Canada. On y parle plutôt de précipitation de neige et de blizzard. Ce dernier est défini comme une violente tempête d’hiver caractérisée par une visibilité réduite, par des averses de neige ou de la poudrerie élevée et des vents forts qui peuvent être accompagnés de températures  froides. Mais attention, pour appeler un blizzard blizzard, les vents doivent souffler à plus de 40 km/h pendant plus de quatre heures et réduire la visibilité à 400 mètres ou moins.

Le blizzard est la pire des situations. C’est l’enfer et quart ! Tout d’abord, les routes sont impraticables à cause de l’accumulation très rapide de la neige. Ensuite, la visibilité est nulle. Le conducteur n’y voit que le blanc du blanc : ni repères au sol, ni signalisation, ni ombre, ni ligne d’horizon. C’est le néant ! Skieurs et motoneigistes ont parfois rencontré ce phénomène optique effroyable aussi appelé blanc dehors (whiteout).

Si, par mégarde, le conducteur enlise son véhicule au cœur d’un blizzard, il commettrait une grave erreur d’aller chercher du secours à pied. En n’y voyant rien, il perdrait tout sens d’orientation et cela pourrait prendre une tournure tragique. Sans compter le facteur de refroidissement éolien. À titre d’exemple, à une température de -10°C, un vent de 70 km/h induit une sensation de froid équivalant à -20°C.

Le verglas 

Quand le thermomètre du tableau de bord affiche une température sous le point de congélation, pluie, brouillard, bruine et brume n’augurent rien de bon. Ces précipitations sont chargées de cristaux de glace. Lorsqu’elles touchent le sol, une couche plus ou moins épaisse de verglas s’y forme.

Eau glacée ou glace mouillée, c’est du pareil au même : le coefficient d’adhérence devient quasiment nul.

Les distances de freinage
sont vingt fois plus longues
que sur une chaussée sèche.
VINGT FOIS !

La route se transforme ainsi en véritable patinoire, les écoles ferment et on recommande de ne pas sortir.

Aujourd’hui, il est possible de consulter des applications et des sites permettant de connaitre en temps réel l’état des routes, voire de prédire les conditions météorologiques des semaines d’avance. Imaginez un peu, il y a 100 ans, les gens étaient incapables d’anticiper la détérioration des conditions atmosphériques et ils sortaient quand même. Pas étonnant qu’on y dénombrât sept fois plus de morts sur les routes pour une population dix fois moindre.

Ainsi, les conducteurs sagaces sauront désacraliser leurs habitudes et adopter les stratagèmes de conduite énumérés au début de cet article.

La glace noire

Expression utilisée au Québec depuis 1990, la glace noire est définie comme la formation
d’un mince film de glace transparent, collé à la surface du sol. Parce qu’elle ne reflète pas la lumière, elle prend la couleur de la chaussée où elle se trouve, devenant ainsi difficilement décelable, même par les conducteurs les plus précautionneux.

L’imprévisible phénomène se produit lorsque l’humidité au sol, comme la pluie, la bruine verglaçante, la fonte de neige, les vapeurs d’eau et les gaz d’échappement, se glace. Ainsi, quand la température tombe sous 0 °C, la glace noire peut se trouver partout sur les routes ombragées, soit près des viaducs, des parois rocheuses, des structures élevées,
des boisés, des ponts et des cours d’eau. La nuit, il faut être spécialement sur ses gardes,
car la faible luminosité, la fatigue générale et visuelle sont présages d’inquiétantes
illusions d’optique.

Un test pour interroger la route :

• vérifier qu’il n’y a aucun véhicule derrière et qu’aucun ne vient en sens inverse ;
• aviser les passagers de son intention pour éviter des cris de stupeur ;
• appuyer progressivement sur la pédale de freinage ;
• si le véhicule ralentit normalement, l’adhérence est bonne ;
• si le conducteur sent les vibrations de la pédale de frein et entend les bruits normaux de
grincement typique de l’ABS, il roule sur de la glace noire;
• dans ce cas, réduire impérieusement la vitesse ;
• maintenir la nouvelle allure ;
• se concentrer davantage sur la qualité de la chaussée ;
• refaire ce test plus loin, quand la petite voix intérieure refait surface ;
• demeurer vigilant.

Bonne saison hivernale et bonne route.