MOT DU RÉDACTEUR SCIENTIFIQUE Émanations des moteurs diésel : NOVICES ET COMPLEXES


MOT DU RÉDACTEUR SCIENTIFIQUE Émanations des moteurs diésel : NOVICES ET COMPLEXES

Maximilien Debia

Devenues d’intérêt prioritaire au niveau mondial depuis qu’elles ont été classées comme cancérogènes pour l’hu main (cancers du poumon), les émanations des moteurs diésel (ÉMD) désignent le mélange complexe de substances sous forme gazeuse ou particulaire résultant de la combustion du carburant (p.ex., CO, CO2, NO, NO2, SO2, aldéhydes, benzène, 1,3-butadiène, sulfates, hydrocarbures aromatiques polycycliques, carbone, etc.) (1). Le type de moteur, de carburant, d’huile, le type d’opération ainsi que les moyens techniques de maitrise (filtres à particules, systèmes à l’urée) sont autant de facteurs qui influencent la composition et la concentration des ÉMD.

Par leur contribution aux concentrations ambiantes des principaux contaminants atmosphériques, les ÉMD entrainent des effets considérables et importants sur la santé de la population générale et des couts pour la société selon un tout récent rapport de Santé Canada (2). Et si la population générale se voit ainsi directement concernée, que dire des impacts sur les travailleurs ? En fait, les ÉMD, auxquelles plus de 150 000 travailleurs québécois seraient exposés, se classeraient même, d’après Labrèche et coll. (3), au côté de l’amiante et de la silice, parmi les expositions professionnelles responsables du plus grand nombre de cas de cancer du poumon au Québec. Quant à Vermeulen et coll. (4), c’est à 6 % qu’ils évaluent la part des décès par cancer du poumon ayant un lien avec les ÉMD en milieu de travail.

La grande diversité des composantes constitutives des ÉMD va de pair avec la multiplicité des indicateurs mesurables pour en estimer l’exposition. Cela explique les divergences internationales en termes de règlementation et de surveillance en milieu de travail. Ni l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH) ni le Québec n’ont encore émis de normes spécifiques à la fraction particulaire des ÉMD ou de recommandations pour l’ensemble des travailleurs exposés. Au Québec, seul le secteur minier est règlementé par la mesure des poussières combustibles respirables, en voie d’être remplacée par celle du carbone total (5). Plusieurs pays utilisent pourtant différents indicateurs afin de maitriser les expositions de l’ensemble des travailleurs aux ÉMD. La Suisse (6) recommande une exposition maximale de 100 µ g/m3 de carbone élémentaire respirable alors que la Suède propose de respecter 1 ppm de NO2 pour une journée de travail (7). La question reste ouverte à savoir quelles mesures de l’exposition seraient les plus appropriées. Quels que soient l’indicateur utilisé et le milieu où les ÉMD sont produites, rappelons cependant que pour respecter l’esprit du Règlement sur la santé et la sécurité du travail du Québec (RSST) au regard des substances cancérogènes, tous les efforts devraient viser à réduire au minimum l’exposition des travailleurs aux ÉMD.


Références bibliographiques

1.  IARC (2012) Diesel and gasoline engine exhausts and some nitroarenes, vol 105, Lyon, France, 714 p.

2.  Santé Canada (2016) Direction de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs. Évaluation des risques pour la santé humaine des gaz d’échappement des moteurs diésel. Rapport, 53 p.

3.  Labrèche F et coll. (2013) Estimation du nombre de cancers d’origine professionnelle au Québec, Études et recherches R-789, Montréal, IRSST, 60 p.

4.  Vermeulen R et coll. (2014) Exposure-Response Estimates for Diesel Engine Exhaust and Lung Cancer Mortality Based on Data from Three Occupational Cohorts. Environmental Health Perspectives : 122(2) 172-177.

5.  Projet de règlement modifiant le Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines (2015) Gazette officielle du Québec, 28 octobre 2015, 147e année, nº43.

6.  SUVA (2013) Valeurs limites d’exposition aux postes de travail 2013. Référence 1903.f. Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, Lucerne, 150 p.

7.  SWEA (2011) Occupational Exposure Limit Values-AFS 2011:18. Swedish Work Environment Authority, Solna, 84 p[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]