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POINT DE VUE

Motivaction

Mario Paquette1

Myriam Perrier2

Avoir un impact sur la motivation des différents acteurs d’une organisation en matière de sécurité est un défi. L’existence et la visibilité des conséquences positives des choix sécuritaires sont une variable cruciale dans l’engagement des personnes, mais également au développement d’une culture intégrant davantage la santé-sécurité.

Il est bien connu que la motivation est porteuse d’action. En effet, rares sont les occasions où aucun motif n’est à l’origine d’une action ; les décisions inconscientes, aléatoires ne constituent qu’une infime et négligeable partie de nos vies en comparaison avec les choix que nous appuyons sur une foule de motifs variables. Tentez d’identifier la dernière fois où vous avez fait un choix sans aucun motif ni actuel ni acquis par le passé. Presque impossible ? Le domaine de la santé-sécurité ne fait pas exception à ce concept plutôt simple. Il suffit donc de déterminer sur quels motifs reposent les choix de santé-sécurité. Cet article vise en premier lieu à mettre en lumière les raisons pour lesquelles une personne agit d’une certaine façon pour ensuite comprendre l’origine de la motivation des personnes et offrir des pistes vers la réconciliation entre les actions requises en regard de la santé-sécurité de la part de tous les niveaux d’une organisation et la motivation nécessaire pour poser ces dites actions.

Ignorance, choix et habitudes

Penchons-nous d’abord sur le Pourquoi d’une action donnée. Quatre raisons de base peuvent être à l’origine d’une action ayant potentiellement des conséquences négatives
sur la santé-sécurité.
1. Une personne ignore le Quoi.
2. Une personne ignore le Comment.
3. Une personne fait face à un Obstacle.
4. Une personne fait un CHOIX, malgré sa connaissance du Quoi, du Comment et l’absence
d’Obstacle.

Quoi

La personne ignorant le Quoi ignore complètement la nature et la nécessité de l’action
à poser. Elle ne voit tout simplement pas la conséquence. Elle manque soit de  connaissances, d’informations ou d’expérience. Par exemple, un travailleur dans un nouveau milieu pourrait ignorer la nécessité de porter les ÉPI appropriés par
le fait qu’il n’est pas au courant de la présence d’un produit très acide dans le procédé qui
pourrait le brûler gravement.

Comment

La personne ignorant le Comment ne sait pas comment faire la tâche sécuritairement. Par
exemple un jeune travailleur qui n’aurait jamais appris la bonne technique et posture
pour soulever des objets tout en préservant la santé de son dos. Le fait de lui montrer
et d’effectuer certaines formations de rappel pour les techniques les plus complexes
règlera le problème du Comment.

Face à un Obstacle

La personne faisant face à un Obstacle rencontre un élément qui l’empêche de faire ce que l’on s’attend d’elle en matière de santé-sécurité, même si elle sait quoi faire et comment le faire. Par exemple, un travailleur devant emprunter la porte piétonnière pour sortir d’un  bâtiment pourrait bien circuler par la porte des véhicules si la porte piétonnière est bloquée par de la marchandise. La personne sait quoi faire, c’està-dire circuler par la porte piétonnière. Elle sait aussi comment faire pour circuler par cette porte. Mais,
en l’absence d’autres alternatives, l’obstacle l’empêche d’appliquer les meilleures pratiques de santé-sécurité.

Ces trois premières circonstances, bien qu’elles puissent justifier certaines situations, sont
à l’origine d’un faible pourcentage des actions posées au quotidien et qui ont otentiellement
des conséquences négatives sur la santé-sécurité.

Choisir malgré la connaissance

Qu’arrive-t-il lorsqu’une personne fait un choix, malgré sa connaissance du Quoi, du
Comment et l’absence d’Obstacle ? Les choix effectués par les personnes constituent donc
l’une des variables les plus cruciales face aux actions et inactions en termes de santé-sécurité dans une organisation. Les personnes font énormément de choix pouvant potentiellement affecter leur santé et leur sécurité sans pour autant ignorer le Quoi, le Comment et sans qu’il y ait d’obstacles. Par exemple, l’excès de vitesse sur la route. À ces choix s’ajoutent les habitudes. Les habitudes sont en quelque sorte des choix et peuvent être considérées comme telles, car le développement d’une habitude, qu’elle soit sécuritaire ou non, implique la répétition consciente d’une action à plusieurs reprises avant
que cette action se transforme en habitude.

La motivation derrière les choix

Chaque personne dans l’organisation est un acteur indépendant et stratégique qui prend des décisions en fonction de l’ensemble de ses connaissances et expériences passées. Cet ensemble constitue les antécédents d’une personne. Ainsi, les gens puisent leurs motivations au sein de ces antécédents et en considérant leurs intérêts actuels pour prendre les meilleures décisions possible. Il est d’ailleurs important de garder en tête que
la majorité des décisions ayant affecté négativement la santé-sécurité aient été, à un moment ou un autre, une bonne décision aux yeux de l’acteur stratégique ayant pris cette  décision. Prenons l’exemple d’un conducteur de camion qui n’appose pas les cales de roues
pour le déchargement de son camion. Pour lui, dans sa situation actuelle d’un déchargement beaucoup plus court qu’à l’habitude et selon son expérience puisqu’un mouvement imprévu de son camion n’est jamais survenu en 15
ans d’expérience, il a déjà fonctionné ainsi, etc., il est gagnant de ne pas apposer les cales de roues. En quelques minutes, il a établi sa stratégie et les conséquences qu’il entrevoit en lien avec sa stratégie lui apparaissent comme étant les plus positives, autant pour lui que pour son organisation. Malheureusement, un incident survient. Le camion se déplace légèrement entrainant la chute du charriot élévateur et des blessures pour son collègue de travail.

Ce qui se produit dans de pareilles circonstances peut être démontré en illustrant les  conséquences perçues par le travailleur (inscrit en noir dans la figure 1) et les  conséquences ignorées ou insoupçonnées (inscrit en bleu dans la figure 1), celles qui ne sont pas perçues, ou tout simplement pas vivantes pour le travailleur.

Le défi le plus grand est de faire de toutes ces conséquences ignorées ou insoupçonnées des conséquences perceptibles et vivantes pour le travailleur. Cela facilite la motivation envers la décision comprenant le plus de conséquences positives réelles et le rejet de celle ayant le plus de conséquences négatives réelles.

Influencer vers les bons choix

Pour avoir un impact sur les choix effectués par les différents acteurs d’une organisation, il faut  d’abord s’assurer que les personnes connaissent le Quoi et le Comment. Une fois ces deux éléments couverts, il est judicieux de ne pas multiplier les démarches visant à
expliquer le Quoi et le Comment. Par exemple, distribuer des informations sur les  techniques pour soulever manuellement des objets sans affecter la santé de son dos ne sera utile que pour les personnes ne connaissant pas déjà ces techniques. La répétition
constante peut créer un sentiment d’agacement et une impression d’être infantilisé chez
les personnes où les actions ne sont pas dues à un manque de connaissance.

Réduire au minimum les obstacles et les traiter le plus rapidement possible lorsqu’ils surviennent fait également partie des bases permettant de poser les bonnes actions tout en
démontrant l’intérêt nécessaire envers les enjeux de santé-sécurité.

L’influence majeure sur le choix se situe toutefois au niveau des conséquences. Rendre
les conséquences ignorées ou insoupçonnées visibles pour qu’elles puissent orienter les choix constitue une étape majeure en prévention. Dévoiler ces conséquences se fait selon deux axes : le renforcement négatif et le renforcement positif. Le renforcement négatif se produit lorsqu’une personne fait un choix en fonction d’éviter une conséquence négative, par exemple une blessure, une réprimande, une mesure disciplinaire, etc. Ainsi, si les  conséquences négatives sont réellement perçues, les actions d’une personne devraient être motivées en fonction d’éviter ces conséquences. Il est donc important de s’assurer que les personnes sont bien connectées aux risques et à leur réelle gravité. Cela peut se faire par des témoignages et exemples de collègues, des discussions constructives, par la mise en lumière des impacts qu’une blessure pourrait avoir sur la vie personnelle et également par l’application des sanctions annoncées, etc. Le renforcement positif agit lorsqu’une personne fait un choix en fonction des conséquences positives y étant liées. Donner vie à des conséquences ignorées ou insoupçonnées positives tel que le désir de se protéger et de protéger l’autre, la reconnaissance en lien avec la santé-sécurité, l’impression d’avoir bien fait les choses et le développement du travail d’équipe
en matière de santé-sécurité a un impact immense sur la motivation des gens envers les bonnes actions en santé-sécurité. Il est important que les organisations et leurs acteurs s’attaquent beaucoup plus sérieusement pour faire vivre et valoriser ce type de conséquences. Celles-ci, lorsqu’elles sont incluses et pleinement intégrées aux perceptions
et à la réalité des différents acteurs contribuent de façon exceptionnelle à l’engagement
du personnel et à une meilleure intégration de la santé-sécurité dans la culture organisationnelle.

 


1 – Mario Paquette – CONSEILLER SÉNIOR, GROUPE-CONSEIL PERRIER
[mario.paquette@groupeperrier.com]
2 – Myriam Perrier- CONSEILLÈRE , GROUPE-CONSEIL PERRIER [myriam.perrier@groupeperrier.com]