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FINANCEMENT

Mutuelle de prévention ou régime rétrospectif?

Lyse Dumas1

Plusieurs entreprises vont bientôt recevoir un avis à l’effet qu’elles deviennent assujetties au régime rétrospectif.

Par exemple, en 2018, le régime rétros­pectif s’applique aux entreprises dont la cotisation au risque de l’unité excède 310 000 $. Ces entreprises ont reçu une infor­mation selon laquelle elles devraient changer de régime et deviendraient assujetties au ré­gime rétrospectif à compter de 2018.

Toutefois, pour celles qui sont regroupées dans une mutuelle de prévention, la Commission  des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) offre aussi la
possibilité de demeurer dans cette mutuelle selon certains critères déterminés par règlement. Pour 2019, plusieurs entreprises auront à évaluer les enjeux liés aux deux possibilités.

Le règlement sur le financement à l’article 90 détermine les critères d’exception :
Article 90
1. il était partie à une telle entente pendant au moins trois des quatre années qui précèdent l’année de cotisation et il n’était pas assujetti à l’ajustement rétrospectif
de sa cotisation au cours des trois années qui précèdent l’année de cotisation. 

L’employeur devra donc prendre la décision de maintenir l’entreprise en mutuelle ou
d’opter pour le régime rétrospectif qui est un régime plus à risque. Pour une entreprise performante, le régime rétrospectif peut être une avenue intéressante. Pour d’autres, cela peut représenter un potentiel de cotisation plus élevée puisque celle­-ci sera ajustée à l’expérience réelle de l’année.

La demande de maintien en mutuelle de pré vention doit être signifiée à la CNESST avant le 30  septembre de l’année précédant l’année de cotisation visée et elle peut être logée trois années consécutives.

Cette mesure permet à l’entreprise qui de­ vient nouvellement assujettie au régime rétrospectif de prendre le temps de mettre en place les procédures nécessaires. Passer d’une mutuelle de prévention au régime rétrospectif engendre une augmentation potentielle de cotisation et un exercice financier plus rigoureux. Les ges­tionnaires responsables de la gestion de la santé et de la sécurité de même que les gestionnaires
financiers de l’entreprise doivent comprendre les nouveaux enjeux.

Advenant une situation semblable, l’entre­prise devrait procéder à une évaluation financière afin de déterminer quel serait le choix le plus avantageux compte tenu de son expérience antérieure, entre le maintien en mutuelle et l’assujettissement au régime rétrospectif.

Le fait d’avoir été en mutuelle de prévention permet habituellement de bénéficier d’un taux
personnalisé plus avantageux qu’en étant seul. Ce taux ne représente donc pas la performance réelle de l’entreprise et, dans ce contexte, l’em­ployeur nouvellement assujetti au régime rétros­pectif, pourrait recevoir des ajustements à la hausse de sa cotisation puisque son taux pourrait ne pas être représentatif de son expérience réelle.

Dans le cas d’une entreprise avec une expé­rience positive, l’adhésion au régime rétrospectif avec un taux personnalisé performant (en raison de l’appartenance à une mutuelle), peut s’avérer intéressant puisqu’un taux très bas limite la cotisation maximale qui pourrait être payée advenant une mauvaise année.

Le taux personnalisé influencé par la mu­tuelle devient donc en ce sens une protection contre une cotisation rétrospective élevée puisque la cotisation maximale ne peut être
supérieure à 150 % de la cotisation au risque de l’entreprise (cotisation moins les frais fixes).

Comme l’appartenance à la mutuelle de pré­vention aura un effet à la baisse sur le taux personnalisé pendant au moins quatre ans, l’employeur doit en tenir compte lorsque  viendra le temps de prendre une décision no­tamment sur le choix de limite pour lequel il
optera annuellement. En effet, un exercice doit se faire avant le début de l’année de cotisation et il consiste en la détermination du choix de limite par réclamation pour l’année à venir.

L’employeur au régime rétrospectif doit donc déterminer annuellement quelle portion de chacune des réclamations il supportera avant que l’assurance ne prenne la relève. Ce choix se doit d’être bien fait et de tenir compte non seulement du portrait financier de l’employeur mais aussi du fait que ce dernier appartenait à une mutuelle de prévention.

D’autres éléments doivent également faire l’objet d’une analyse lorsque vient le temps de
déterminer la pertinence de changer de régime. C’est le cas notamment des prévisions organisa­tionnelles telles que : négociation de convention collective, prévision  d’augmentation importante du chiffre d’affaire dans un court délais, modi­fication organisationnelle importante, mise à pied, etc..

Ces différents éléments peuvent avoir une incidence sur la performance de l’entreprise et jouer dans la décision d’opter ou non pour le changement de régime. L’existence d’un dépar­tement de ressources humaines est également un élément qui doit être déterminant dans la décision que prendra l’employeur.

Ainsi, la décision d’opter pour un régime ré­trospectif ou pour le maintien en mutuelle de prévention ne doit pas se prendre sans avoir au préalable procédé à une évaluation financière des impacts afin que la meilleure déci­sion soit prise. Cette évaluation doit se faire avant septembre 2018  afin d’être à même d’aviser la CNESST de la décision de l’entre­prise pour 2019.


1 – Lyse Dumas – CRIA, DIRECTRICE EXÉCUTIVE DES COMPTES CLIENTS POUR LE QUÉBEC, MORNEAU SHEPELL LTÉE [LDUMAS@MORNEAUSHEPELL.COM]