GESTION

Personnel en santé = Entreprise en santé

PARTIE 1 – COMPRENDRE

Marie Laberge1

Un milieu de travail qui reconnait le risque en regard à la santé mentale et qui agit en ce sens contribue à réduire la pression exercée sur la personne globalement, améliorant sa performance et son mieux-être et par effet collatéral, la performance économique de l’organisation.

L’humain est partie intégrante et indissociable de toute mission d’entreprise. Peu importe qu’il s’agisse de produits ou de services, l’entreprise dépend des personnes à l’une ou l’autre des étapes de son processus d’affaires. C’est ce qui explique qu’une entreprise dont le personnel est en santé performe mieux que celles aux prises avec des enjeux d’absentéisme et de couts d’assurances liés aux accidents et maladies, incluant les problèmes de santé mentale.

L’état de situation

La Commission de la santé mentale du Canada a publié en 2011, une étude menée par Alain Marchand et son équipe de chercheurs (1). L’étude nous apprend que 21 % de la population active était aux prises avec un problème de santé mentale ou une maladie mentale, ce qui représente une perte de productivité estimée à environ 6,3 milliards de dollars.

On apprend également que toutes les catégories de population active sont touchées par le problème, toutefois, deux catégories sortent du lot. Sans grande surprise, il s’agit des personnes qui débutent leur carrière et celles qui se trouvent à la croisée des chemins en termes d’accomplissement des ambitions. En effet, il est reconnu que l’investissement humain pendant ces périodes est plus exigeant qu’à d’autres moments et que les contraintes sont plus importantes, notamment, au niveau du temps disponible, de l’organisation et dela conciliation vies personnelle et professionnelle. Ces conflits vécus entre les différentes sources de besoins génèrent ainsi du stress, facteur de risque déterminant ayant des effets sur la disponibilité des personnes au travail : présentéisme, renouvellement de personnel, absences liées à la santé psychologique et physique des personnes.

Le phénomène n’est d’ailleurs pas en voie de disparaitre. Au Québec, une personne sur cinq, soit 20 % de la population toutes catégories confondues, souffrira d’une maladie mentale au cours de sa vie (2). L’Organisation mondiale de la santé estime d’ailleurs que d’ici 2020, la dépression se classera au deuxième rang des principales causes d’incapacité, juste derrière les maladies cardiaques.

Le phénomène démystifié

Les problèmes de santé mentale et la maladie mentale sont intimement liés au stress. Pour mieux comprendre le phénomène, voyons d’abord à distinguer les problèmes de santé mentale de la maladie mentale. La Commission de la santé mentale du Canada décortique le phénomène en 4 phases (figure 1) :

1) En santé : personne en santé, dont le fonctionnement est normal, incluant la personne rétablie d’une maladie mentale.
2) En réaction : personne rencontrant de la détresse fréquente et qui s’autolimite dans le
but de se protéger.
3) Blessée : personne dont le niveau de détresse est exacerbé provoquant une déficience fonctionnelle aggravée.
4) Malade : personne dont la déficience fonctionnelle est grave et persistante, étape où la
maladie mentale peut être diagnostiquée.

Ce qui est le plus important à retenir concernant ces différentes phases, c’est qu’il est possible de ne pas toutes les franchir et que le retour en arrière d’une phase à l’autre est possible et souhaitable. Ainsi, une personne à même de reconnaitre les signes précurseurs dès l’étape de la réaction pourra rapidement mettre en oeuvre des stratégies ayant pour effet de ne pas la faire basculer dans la phase blessée, bien au contraire, de la ramener à la phase santé. À l’extrême, une personne ayant vécu l’expérience de la dépression majeure, donc malade, sera considérée en santé lorsqu’elle sera rétablie.

Plusieurs manifestations de toutes sortes peuvent être observées chez et par les personnes, afin d’agir au bon moment et de maintenir un bon état de santé ou encore, se rétablir. Ces manifestations peuvent se traduire par des phénomènes d’ordre :
• physiques comme la fatigue ;
• psychologiques et cognitifs comme la tristesse et les troubles de la mémoire ;
• organisationnels comme les absences fréquentes.

Une lumière rouge devrait d’ailleurs s’allumer lorsque de tels signes sont observés pendant quelques jours, voire quelques semaines chez un collègue, un proche ou soi-même. On les reconnait du fait qu’ils sont inhabituels à la personne les manifestant.

Travail et santé

Mais en quoi le milieu de travail peut-il y changer quelque chose, d’autant que les facteurs de stress n’ont pas toujours pour origine le travail comme tel ? En effet, certains facteurs de stress sont plutôt liés à la société et à l’individu (figure 2) (3). La réponse à cette question est à la fois simple et complexe. Simple en raison du fait que les effets du stress sont les mêmes et non spécifiques, peu importe leur origine. Complexe en ce sens où les origines étant multiples, les soins le seront d’autant plus en raison des effets variés sur la santé globale.

À titre d’exemple, une personne composant habituellement bien avec une charge de travail occasionnellement élevée vivra du stress excessif au moment où l’un de ses proches vivra un enjeu de santé grave. Sa charge de travail s’additionnant à la charge émotive et de disponibilité due au stress vécu au niveau domestique, elle deviendra plus à risque de développer des problèmes graves tels que la dépression, l’anxiété, les maladies cardiovasculaires et les problèmes de dépendances. Tous ces problèmes, ainsi que d’autres, sont le fruit d’une surexposition à un ou des facteurs de stress. Ils nécessitent, de par leur gravité, des interventions ciblées et interdépendantes, tant au niveau des soins psychologiques et psychiatriques dans certaines situations, que des soins médicaux plus traditionnels (médication, repos, etc.).

Dans l’exemple présenté précédemment, le milieu de travail ne pouvant intervenir directement sur la sphère de vie personnelle de son employé verra à intervenir sur sa sphère de vie professionnelle. Cela aura pour effet de réduire la pression exercée sur la personne globalement et par conséquent, d’optimiser sa présence et sa contribution à la mission de l’organisation. Dans un contexte favorable, il se peut même que le milieu de travail devienne un havre de tranquillité pour cette personne.

Conclusion

Ce premier article permet de comprendre que l’être humain est équipé pour réagir et composer avec le stress. Là où le bât blesse, c’est au niveau de l’accumulation des facteurs de stress, qu’ils aient pour origine l’individu, le travail ou la société. On parle alors de stress excessif pour la personne, condition ayant pour effet d’affecter l’état de santé globale.

Un milieu de travail qui reconnait le risque en regard à la santé mentale et qui agit en ce sens contribue à réduire la pression exercée sur la personne globalement, améliorant sa performance et son mieux-être et par effet collatéral, la performance économique de l’organisation. Dans l’état actuel de la disponibilité de la main d’oeuvre, quoi de plus pertinent que de veiller à conserver à l’emploi et à optimiser la contribution du personnel déjà en place, et ce, avant même d’envisager de recruter de nouvellespersonnes.

Dans le second article, il sera question de la perception des milieux de travail sur cet état de situation et des solutions qui s’offrent à eux pour mieux agir en matière de mieux-être au travail.


1 – Marie Laberge – EXPERTE-CONSEIL ET CONFÉRENCIÈRE EN MANAGEMENT DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ, ENVIRONNEMENT ET MESURE DE PERFORMANCE [info@marielabergeconsultante.com]
[marielabergeconsultante.com]

Références bibliographiques

    1. Projet IRSC-FRSQ 2007-2015 : Développer de meilleurs diagnostics, interventions et politiques en santé mentale au travail : une approche multidisciplinaire [http://www.ertsm.umontreal.ca/projets/projetirsc-frsq-2007-2012/], consulté le 21 février 2019.
    2. [https : //www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/sante-mentalemaladie-mentale/], consulté le 21 février 2019.
    3. Brun, J.-P., Autres, La série : La santé psychologique au travail… de la définition du problème aux solutions. Chaire de gestion en santé et sécurité du travail de l’Université Laval. 2003.
  1. Pour en savoir davantage
    [https : //www.mentalhealthcommission.ca/],consulté le 21 février 2019.
    [https : //www.cchst.ca/oshanswers/psychosocial/mentalhealth_risk.
    html], consulté le 21 février 2019.
    [https : //cmha.ca/fr/documents/le-stress], consulté le 21 février 2019.
    [https : //www.cchst.ca/oshanswers/psychosocial/stress.html], consulté
    le 21 février 2019.