VOYAGE EN AVION
Risques liés à la qualité de l’air
À l’heure où j’écris cet article, je suis en avion. Environ 8 millions de personnes seront comme moi passagers en avion aujourd’hui. Parmi ce nombre, plusieurs se diront incommodés ou même atteints d’une infection acquise durant leur trajet.
Jean-Pierre Gauvin1
Les symptômes rapportés sont variés. Les plus fréquemment mentionnés, au nombre de quatre, sont :
• des odeurs d’huile qui auraient été transmises par les compresseurs mécaniques alimentant la cabine en air ;
• des difficultés métaboliques et respiratoires associées possiblement aux pressions d’air plus faibles durant les voyages à haute altitude ;
• les maux de gorge et la déshydratation associés à l’air plus sec en cabine ;
• les infections associées aux contacts avec des surfaces contaminées ou à des aérosols infectieux présents dans l’air de la cabine à cause de passagers contagieux.
Le CO2 indicateur de qualité de l’air
Comment l’air de la cabine d’un avion se compare-t-il à celui d’un autobus, d’un bureau ou d’une salle de conférence densément occupée ? Parmi les paramètres utilisés pour qualifier la qualité de l’air en zones occupées, la concentration de CO2 est un critère utile, car il
nous informe sur l’accumulation de contaminants en provenance de la respiration humaine. En effet à chaque respiration, nous exhalons du gaz CO2 et celui-ci s’accumule dans la pièce où nous nous trouvons au même rythme que les odeurs organiques et les microgouttelettes possiblement infectieuses que nous rejetons. Dans une pièce densément occupée, plus le taux de CO2 est élevé, plus l’air est susceptible d’être une source d’inconfort et le risque d’inhaler des aérosols infectieux est alors plus élevé. Nos exigences normatives modernes indiquent que l’air est de bonne qualité et apte à prévenir l’inconfort
et les problèmes de santé liés à l’occupation à condition que les taux de CO2 en provenance des occupants soient maintenus sous la valeur de 700 parties par million (ppm) au-dessus des concentrations retrouvées à l’extérieur. Ceci nécessite un remplacement de l’air exhalé par les occupants avec un apport d’air neuf important en provenance de l’extérieur. Malheureusement, les lectures que nous effectuons en autobus, amphithéâtres, écoles et salles de réunion nous démontrent trop souvent des conditions précaires avec des taux de CO2 grandement supérieurs à 1000 ou même 2000 ppm au-dessus des valeurs extérieures. En contrepartie les observateurs ayant documenté cet aspect tout au long de longs trajets sur des avions de ligne indiquent des concentrations moyennes généralement bien inférieures aux valeurs maximales tolérées. Ceci tend à démontrer une qualité d’air avantageusement comparable à celle de nos environnements réguliers en regard des polluants associés à l’occupation humaine.
Symptômes ressentis
Une recherche rapide sur internet nous révèle plusieurs témoignages faisant état d’étourdissements ressentis par les voyageurs sur de longs trajets intercontinentaux. L’altitude est souvent associée aux symptômes. Ceci pourrait être en lien avec une diminution de la densité de l’air et de la quantité d’oxygène inhalé. En effet on rapporte
que les pressions en cabine sont équivalentes à un séjour à une altitude de 5000 à 8000
pieds et tout comme les voyageurs en haute montagne, certaines personnes peuvent alors
souffrir de difficultés respiratoires.
Les systèmes de ventilation modernes des cabines d’avion sont pourvus de filtres efficaces pour capter les particules fines de moins de 10 microns incluant la plupart des aérosols sur lesquels se fixent les virus et bactéries susceptibles de générer des infections respiratoires. Ceci ajouté au taux de changements d’air élevé contribue à maintenir des conditions acceptables malgré la forte densité d’occupation. Le risque d’infection demeure toutefois réel lorsque la personne assise tout près de soi tousse ou éternue. Les aérosols générés peuvent alors atteindre et infecter un individu qui était en bonne santé au moment du décollage.
Humidité de l’air et risques de déshydratation
L’alimentation de l’air à haute altitude est également pauvre en humidité, ce qui pourrait contribuer à générer une certaine déshydratation. En effet, compte tenu de l’altitude, les taux d’humidité en cabines chutent fréquemment sous les 12 %, ce qui est une cause d’inconfort. L’utilisation de dispositifs d’humidification à bord apparait impossible à cause
des risques de condensation qu’ils pourraient générer. L’anxiété des préparatifs du voyage,
les dépenses énergétiques liées au transport des bagages et à la course vers les points d’embarquements contribuent également à l’assèchement et à l’irritation des voies respiratoires, ce qui augmente la sensibilité aux contaminants infectieux qui pourraient être présents.
Odeurs de carburant
La présence d’odeurs associées aux carburants et fluides hydrauliques pouvant être transmis par les compresseurs d’alimentation en air est souvent mentionnée comme une cause d’inconfort. Il apparait que ces causes sont bien manifestes particulièrement durant les longues périodes d’attentes précédant le décollage à l’aéroport. En effet, lors du fonctionnement des moteurs au sol, lorsque l’avion n’a pas encore atteint de vélocité suffisante pour éviter la recirculation à l’intérieur de la cabine, les contaminants rejetés par
les systèmes de propulsion constituent une cause réelle de pollution. Une fois l’appareil en vol, ces contaminants sont toutefois rapidement dilués par les systèmes de ventilation de la cabine.
Causes d’infections les plus fréquentes
Parmi les causes les plus importantes de transmission d’infections lors d’un voyage en avion, on en rapporte trois. Par ordre d’importance, premièrement, il y a le contact des
mains avec des surfaces contaminées telles les tablettes sur lesquelles les aliments sont déposés, les robinets et poignées de porte des salles de bains. Deuxièmement, il y a l’ingestion d’aliments et d’eau de mauvaise qualité et, troisièmement, l’exposition aux
aérosols projetés par un occupant assis très près de son siège.
L’utilisation de gel antiseptique pour les mains avant de manger et après avoir touché toute
surface suspecte est reconnue comme la méthode la plus importante pour réduire les risques.
Ultimement on devra penser également à inciter les passagers contagieux à réduire les risques de transmission en leur proposant de porter un masque d’asepsie. Ceci pourrait être institué facilement moyennant que des masques d’asepsie/protection respiratoire soient rendus disponibles aux agents de bord et que ceux-ci aient reçu une formation accrue sur leur rôle d’officier sanitaire et les méthodes efficaces de prévention.
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Jean-Pierre Gauvin – MSC.A, CIH, ROH, SE, A(ACRP), HYGIÉNISTE ENVIRONNEMENTAL CERTIFIÉ, PROFESSEUR ADJOINT, MÉDECINE, UNIVERSITÉ MCGILL, DIRECTEUR GÉNÉRAL, CONTEX ENVIRONNEMENT INC. [gauvin@contex.ca]
Pour en savoir plus
- ANSI/ASHRAE Standard 161-2018 : Air Quality Within Commercial Aircraft
- ASHSD Air Safety, Health and Security Department at the Washington [http://ashsd.afacwa.org]