SAAQ et CNESST COMMENT S’EN SORTIR ?


SAAQ et CNESST COMMENT S’EN SORTIR ?

La gestion d’un dossier de lésion professionnelle est en soi un exercice complexe. Cependant, certaines personnes auront la malchance d’être victimes par la suite d’un accident d’automobile à l’extérieur du travail : cette nouvelle situation devient alors beaucoup plus complexe.

Virginie Maloney

En effet, chaque accident sera géré par un organisme public différent, soit la CNESST (1) pour la lésion professionnelle et la SAAQ (2) pour l’accident automobile. Tandis que le travailleur devient soudainement couvert par deux organismes publics indépendants, il fera l’objet d’une division des couvertures et de l’indemnisation prévue. Par exemple: qu’arrive-t-il si l’accident de voiture cause la même blessure que la lésion professionnelle? Comment les organismes divisent-ils les compensations de salaire si les blessures sont différentes?

Pour résoudre ces problématiques, plusieurs règles sont déjà en place pour assurer une certaine cohésion dans de telles situations, mais il demeure important de savoir s’y retrouver dans la mesure où leur application peut avoir des conséquences financières et légales importantes pour le travailleur.

Indemnités prévues par la LATMP et la LAA (3)

Avant toute chose, on note que la gestion du dossier demeure essentiellement la même indépendamment de l’ordre des deux évènements (lésion et accident automobile).

Aussi, lorsque deux dossiers administratifs sont ouverts, le travailleur conserve les blessures qui appartiennent aux deux évènements: dans un cas, au régime de la CNESST et, dans l’autre cas, à la SAAQ. Ces blessures peuvent également le rendre inapte au travail.

Le premier objectif, et la première décision des deux organismes seront de distinguer les blessures découlant de l’accident du travail des blessures découlant de l’accident d’automobile (4). Par la suite, les organismes analyseront indépendamment la question des indemnités payables, soit le salaire, les traitements et le préjudice corporel, et ce, toujours en fonction des blessures retenues en relation avec les accidents respectifs.

Indemnité de remplacement du revenu

En matière de lésion professionnelle comme en matière d’accident de la route, des indemnités de remplacement du revenu peuvent être versées sous certaines conditions si l’accidenté est incapable de reprendre le travail.

Sur cette question, le principe de base à retenir est que la personne accidentée ne peut pas cumuler deux indemnités de remplacement du revenu (5). Par exemple, imaginons une personne recevant des indemnités de la CNESST ayant par la suite un accident d’automobile qui est lui aussi couvert par une indemnité de remplacement du revenu de la SAAQ. Dans un tel cas, la compensation versée par la SAAQ sera suspendue afin d’éviter le cumul des deux indemnités.

Préjudice corporel

Le préjudice corporel, à l’instar de la compensation du revenu, doit être évalué par les organismes en fonction des blessures retenues dans la première décision.

Lors de cet exercice, l’accidenté doit demeurer vigilant lorsqu’il reçoit la décision. En effet, il est parfois préférable de contester la décision initiale lorsque celle-ci n’indique que l’acceptation de certains diagnostics pour l’un ou l’autre des régimes.

On peut se questionner sur l’importance de contester une décision qui semble, à première vue, accepter des blessures. Or, il arrive parfois que certains diagnostics soient rejetés par l’un des régimes et causent une différence majeure quant à la somme reçue au final. Il est important de savoir que selon l’organisme qui vous indemnisera pour vos blessures, il peut en découler une différence monétaire importante. Notamment, les indemnités versées par la SAAQ sont beaucoup plus généreuses et correspondent fréquemment au double du montant accordé par la CNESST.

La prudence est de mise pour s’assurer que tous les diagnostics découlant de chacun des accidents soient reconnus.

Procédure: un peu plus de clarté ?

Dans un objectif de simplicité, des décisions conjointes entre les organismes seront rendues dans certaines situations. Ainsi, dès qu’il sera question d’éligibilité à un remplacement du revenu ou d’une décision sur une atteinte permanente, les deux organismes se prononceront dans une seule décision (6).

Normalement, ces décisions auront un premier volet qui traitera des indemnités à recevoir suite à la lésion professionnelle et un deuxième volet sur les indemnités découlant de l’accident d’automobile. Il arrive donc très fréquemment que dans la même décision, la CNESST mette fin à l’indemnité de remplacement du revenu, alors que la SAAQ continue les versements.

Dans de tels cas, l’accidenté aura souvent le réflexe d’accepter la décision de la CNESST puisque de toute manière les indemnités continuent, alors qu’il lui serait parfois plus avantageux de contester cette dernière.

Heureusement, la jurisprudence note que ce manque de clarté cause de la confusion chez le travailleur et peut constituer un motif raisonnable pour être relevé du défaut en cas d’absence de contestation. En effet, dans la décision Langlois et Défense Nationale/CSRHC (Est) (7), le tribunal en vient à la conclusion que la décision conjointe n’était pas claire ni simple. D’un côté, la CNESST mettait fin au dossier. D’un autre côté, la SAAQ se contentait d’indiquer que le dossier était sous étude (8).

Ajoutons également que cette procédure engendre un délai supplémentaire puisque tout d’abord, la CNESST doit rendre sa décision, ensuite la transmettre à la SAAQ, pour finalement qu’une décision incluant les deux régimes soit rendue. L’accidenté qui reçoit la première décision voudra la contester, alors que c’est la décision conjointe qui doit l’être.

Contestation de la décision

En matière de contestation, l’appel peut être porté soit devant le Tribunal administratif du Travail ou le Tribunal administratif du Québec (9). Les deux tribunaux sont compétents pour se prononcer d’un côté comme de l’autre.

Fait important, les délais diffèrent entre les deux tribunaux: devant le Tribunal administratif du Travail, le délai d’appel est de 45jours alors que devant le Tribunal administratif du Québec, le délai est de 60 jours. Le choix du tribunal approprié revient au demandeur, mais advenant le cas où le délai de 45 jours est dépassé, il sera plus judicieux de déposer sa contestation devant le Tribunal administratif du Québec.

Conclusion

Il s’agit d’un régime parfois difficile à comprendre, autant pour les représentants que pour les accidentés. Dans ce contexte, la contribution des agents est essentielle pour expliquer aux accidentés le cadre approprié.

Références bibliographiques

1. Il s’agit de la Commission des normes, de l’équité et de la santé et la sécurité au travail.

2. Il s’agit de la Société d’assurance automobile du Québec.

3. En matière de lésion professionnelle, c’est la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles R.L.R.Q. c. A-3.001 (ci-après «LATMP») qui s’applique. En matière d’indemnisation des accidents d’automobile, c’est la Loi sur l’assurance automobile L.R.Q. c. A-25 (ci-après la «LAA») qui s’applique.

4. Articles 451 LATMP et 83.67 LAA.

5. Articles 448 LATMP et 83.65 LAA.

6. Articles 449 LATMP et 83.66 LAA. Il est à noter également que d’autres situations s’appliquent, notamment en cas de rechute, récidive ou aggravation, lors de l’apparition d’un nouveau diagnostic, suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale qui porte sur une question ayant un impact sur l’indemnité de remplacement du revenu, etc.

7. 2015 QCCLP 1670.

8. «[37] La Commission des lésions professionnelles considère que malgré l’obligation légale de rendre des décisions conjointes, les décisions du 14 janvier 2014 et du 6 février 2014 n’atteignent pas l’objectif de la simplicité et de la clarté. Le fait que la SAAQ se contente de dire qu’elle ne peut pas rendre une décision actuellement peut facilement laisser croire que la décision conjointe n’est pas rendue.»

9. Article 450 LATMP. [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]