Sauriez-vous répondre ? CAS NUMÉRO 2


Sauriez-vous répondre ? CAS NUMÉRO 2

Cette nouvelle chronique lance un défi aux lecteurs de Travail et santé. Sauriez-vous répondre adéquatement aux questions qui suivent cette histoire de cas basée sur des faits réels.

Michel Pérusse

On confia à deux hommes, un contremaitre et son assistant, la tâche d’inspecter de larges citernes en acier servant au traitement des eaux usées suite à diverses opérations chimiques. Ces citernes de forme cubique mesurent environ 3 m de côté et sont recouvertes de caoutchouc. Elles sont supportées à un mètre du sol par une base en béton et sont regroupées en paires par une passerelle placée entre et le long de chacune. Cette passerelle est située à 3 m du sol et accessible par une échelle fixe. Les poutres de la structure du plafond passent à 1 m au-dessus des citernes (voir la Figure 1).

Avant l’inspection, les citernes avaient été vidées, rincées à l’eau et ouvertes pour ventilation pendant 36heures. Comme l’inspection était pratique courante, il y avait des procédures écrites afin d’assurer un travail sécuritaire. Ces procédures précisaient, entre autres, qu’un appareil respiratoire doit être porté pour pénétrer dans la citerne. Le contremaitre connaissait bien ces procédures, ayant eu lui-même à les enseigner.

L’équipement nécessaire était disponible auprès du magasinier et facilement transportable sur un charriot également disponible. Il faut cependant préciser qu’il n’existe pas de liste de vérification («checklist»), et que l’entretien de ces équipements n’est pas fait de façon routinière.

Le matin en question, il y eut des délais dans la collecte de tout l’équipement nécessaire, à cause de la surcharge de travail du magasinier. De plus, une fois rendus auprès des citernes, les deux hommes remarquèrent une défectuosité de la lampe de poche. Comme le dépôt était assez loin des citernes, ceci causa un délai additionnel considérable.

Pendant que l’assistant allait chercher une ampoule, le contremaitre, impatient de commencer, ouvrit le sas d’une des citernes afin d’être prêt pour l’inspection. Il en profita également pour enfiler l’habit imperméable nécessaire pour ce travail. Au retour de l’assistant, la lampe de poche fut descendue dans la citerne. Mais lorsqu’on essaya de passer l’échelle par le sas ouvert, on découvrit qu’elle était trop large; les deux hommes se rendirent compte qu’ils n’avaient pas apporté l’échelle étroite spécialement conçue pour cette tâche.

 

Le contremaitre avait une forte personnalité et un tempérament direct qui devenait facilement impatient; tous les délais rencontrés le rendaient déjà irritable. Il décida donc qu’ils se passeraient de l’échelle. Par contre son assistant était quelque peu terne; il avait tendance à dépendre de son contremaitre et à obéir aux ordres sans réfléchir et sans questionner. Alors même s’il avait des réticences, il ne les communiqua pas à son contremaitre.

Ce dernier enroula par deux fois sa corde de sécurité autour d’une des poutres du plafond. A un bout de la corde, il fi t une boucle dans laquelle il comptait s’assoir ; l’assistant, qui se tenait sur la passerelle, s’empara de l’autre extrémité de la corde (voir Figure 2).

Le contremaitre pénétra dans le sas et, s’asseyant dans la boucle, commanda à son assistant de le faire descendre dans la citerne une fois que la corde serait bien tendue. Durant la descente, deux choses se produisirent. Premièrement, une des boucles de la corde sur la poutre s’enfila par-dessus l’autre, ce qui eut comme résultat que la corde se coinça et qu’on ne pouvait plus ni la monter ni la descendre. Deuxièmement, le contrecoup du blocage fit glisser le contremaitre dans la boucle où il était assis; par conséquent, la corde vint compresser son ventre. À ce moment, ses pieds devaient se trouver à environ 30 cm du plancher de la citerne.

Comme il ne pouvait bouger, le contremaitre enleva son masque et cria à l’assistant de couper la corde. Pour ce faire, l’assistant devait se rendre au charriot chercher une hache. Il fut de retour environ 12 secondes plus tard et trancha la corde en deux coups. Lorsque, quelques secondes plus tard, l’assistant regarda dans la citerne, il vit le contremaitre étendu, apparemment inconscient, la plupart du visage immergé dans les 10 cm de liquide restant au fond de la citerne. L’assistant cria dans la citerne et le contremaitre bougea pour s’assoir contre la paroi.

L’alerte fut donnée ; un électricien qui passait par là se servit d’un câble électrique comme corde pour entrer dans la citerne et porter assistance au contremaitre. Avec l’aide de quelques autres personnes, le contremaitre fut sorti de la citerne. Malheureusement, malgré un traitement énergique il mourut à l’hôpital quelques heures plus tard d’œdème pulmonaire dû en partie à sa suspension par le ventre et en partie à l’inhalation d’un peu de liquide au fond de la citerne; en effet, on découvrit plus tard que ce liquide contenait une petite quantité de chlore. Selon le médecin, s’il avait pu être secouru plus vite le contremaitre serait sans doute encore vivant.

Questions

• Énumérez deux correctifs (à la source ou protection collective) susceptibles d’empêcher cet accident de se reproduire.

• Nommez une mesure concernant l’inspec tion (quoi inspecter, par qui, à quelle fréq uence, type d’inspection) qui contribuerait à éviter cet accident.
  Nommez une mesure concernant l’entretien préventif (quoi entretenir, par qui, à quelle fréquence) qui contribuerait à éviter cet accident.
• Énumérez les cinq premières étapes (en ordre) d’une procédure sécuritaire (pour effectuer cette tâche principale) qui contribuerait à éviter cet accident.
• Nommez une solution concernant la communication (quoi communiquer, à qui, par quel moyen, comment) qui contribuerait à éviter cet accident.


Référence bibliographique

1.  Cas traduit et adapté de : Aldridge, J.F.L. (1976) « Safety and Motivation », Safety Surveyor, Septembre 1976, pp 19-25.