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SIMDUT 2015

TOUT UN PROGRAMME EN VUE

Ulysse Mc Carthy1

Annie sait que le 1 décembre 2018 l’entreprise pour laquelle elle coordonne  les activités de prévention devra s’être conformée aux prescriptions légales, tant fédérale que provinciale, concernant le SIMDUT 2015.

Au niveau fédéral, la Loi sur les produits dangereux (LPD) et le Règlement sur les
produits dangereux (RPD) dictent les règles aux fabricants, distributeurs et impor­tateurs de produits dangereux. La première période de transition concernant l’adaptation aux nouvelles dispositions légales des fiches de données de sécurité (FDS) s’est terminée le 31 mai 2018.

Par contre c’est la législation provinciale qui traite de la mise en œuvre du SIMDUT 2015
dans le lieu de travail. Cette législation spécifie les obligations de l’employeur concernant l’éducation et la formation des travailleurs, les éti­quettes du lieu de travail et diverses autres exigences relatives au lieu de travail.

Le 3  juin 2015, le Québec a adopté la Loi favorisant l’information sur la dangerosité des
produits présents en milieu de travail qui modifie la Loi sur la santé et la sécurité du travail. De cette Loi découle la création du Règlement sur l’information concernant les produits dangereux (RIPD). Le tout prévoit des dispositions de transition qui se termineront le 1 décembre 2018.

Obligations de l’employeur

Selon l’article 62.1 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), un employeur ne peut permettre l’utilisation, la manutention ou l’entreposage d’un produit dangereux sur un lieu de travail avant de s’être conformé à certaines obligations.

Ces produits doivent être pourvus d’une éti­quette et d’une fiche de données de sécurité conformes à la règlementation. De plus, les travailleurs susceptibles d’être exposés à ces produits doivent avoir reçu la formation et l’information requises pour accomplir de façon
sécuritaire le travail qui leur est confié.

Annie et les dirigeants de son organisation savent que le SIMDUT 2015  a entrainé des
modifications importantes au SIMDUT 1988. Les différents changements apportés à la classi­fication des produits contrôlés font en sorte que beaucoup de ces produits, autrefois consi­dérés comme étant non contrôlés en vertu du SIMDUT, sont désormais considérés comme produits dangereux. Cela a pour effet d’aug­menter le nombre de FDS qu’Annie doit se procurer, analyser en regard des risques, réagir en termes de prévention et informer ses travail­ leurs en conséquence.

Étiquette et FDS conformes 

Annie doit posséder les FDS de tous les produits dangereux présents dans son organisation. Elle doit aussi les maintenir constamment à jour. Pour remplir cette tâche avec succès, elle doit connaitre l’inventaire de tous les produits dangereux présents dans l’organisation. Pour chacun d’eux, elle doit aussi être en mesure de produire des étiquettes du lieu de travail lorsque nécessaire.

Elle demeure vigilante, car elle sait que son employeur devra concevoir lui-­même des étiquettes et FDS conformes aux exigences du SIMDUT 2015  dans le cas où des produits dangereux sont produits dans le lieu de travail. Dans ce cas, il faudra classer les dangers asso­ciés à ces produits, et fournir les étiquettes et FDS appropriées.

Programme de formation efficace

Annie doit s’assurer de la compréhension du SIMDUT 2015 et de la maitrise des connaissances acquises par ses travailleurs. Pour ce faire, elle a rédigé un programme de formation de son personnel comme prescrit par l’article 62.5 de la LSST. Elle a mis en place des moyens et des activités pour évaluer l’acquisition des connaissances de ses travailleurs. Bien que ceux-ci aient déjà été formés sur le SIMDUT par le passé, elle sait qu’elle a la responsabilité d’informer son personnel des modifications apportées avec la mise à jour
du SIMDUT 2015.

L’article 29 du RIPD prescrit que l’employeur doive prévoir un programme de formation et
d’information pour ses travailleurs. Il spécifie qu’il doit mettre en œuvre des moyens favorisant la compréhension et la maitrise des con naissances acquises, ainsi que la capacité d’appliquer convenablement les règles de sécu­rité par le travailleur. Cela va bien au-­delà d’une formation générique.

L’article 30 du RIPD, quant à lui, vient pres­crire ce que doit contenir ce programme de formation et d’information. Il doit, entre autres, renseigner les travailleurs sur le lieu où sont conservées les FDS et le moyen d’accéder à celles-­ci. Les travailleurs doivent, de plus, con­naitre la technologie sur laquelle elles sont con­servées et sur la manière de les transférer sur un support papier.

Conformément aux articles 31  et 32  du RIPD, le programme de formation mis en
place par Annie prévoit que dès qu’un nouveau produit contrôlé sera introduit dans le milieu de travail, les travailleurs qui le manipuleront ou qui y seront exposés, non seulement en se­ront immédiatement informés, mais recevront une formation sur les risques reliés à l’utilisa­tion du produit et aux moyens de prévention adéquats. De plus, si un travailleur exerce une nouvelle tâche, elle s’assurera qu’il reçoive la formation et l’information relatives à tout pro­duit dangereux impliqué par cette tâche. Il en sera de même s’il y a un changement sur le lieu du travail qui a un impact sur les méthodes
de travail, sur les risques d’exposition à un produit dangereux ou sur la procédure à suivre
en cas d’urgence. Elle doit aussi en tenir compte, après la survenance d’un incident ou d’un
accident, d’un déversement ou d’une fuite ou lorsque des lacunes sont constatées lors des ac­tivités de prévention.

En plus d’être obligatoire, la formation SIMDUT 2015 est essentielle, car elle permet
aux employeurs et aux travailleurs de connaitre les risques associés aux produits contrôlés. Cette formation devra permettre de savoir comment travailler en toute sécurité, c’est un mandat de résultats.

Un système de gestion  des risques

Les prescriptions légales en regard du SIMDUT 2015 ne se limitent pas à une compilation des fiches de données de sécurité et une formation générique sur le sujet. Elles commandent l’implantation d’un système complet de gestion des risques relatifs aux matières dangereuses. Ce système tient compte de plusieurs éléments indissociables touchant la santé et la sécurité, l’environnement, le transport, l’entreposage et
les risques d’incendie.

Cycle de vie des matières dangereuses

La gestion du SIMDUT 2015 est, en elle-même, un programme de prévention en santé et sécurité du travail. Celui qu’Annie a mis en place permet de demeurer en contrôle des risques tout au long du cycle de vie des matières dangereuses. Dès son achat jusqu’à
son élimination, en passant par son étiquetage, son entre posage permanent, son déplacement dans l’entreprise et son utilisation, les risques présentés dans la FDS
sont connus, analysés et contrôlés.

Pour y arriver, il est important de savoir pré­cisément quels produits sont présents sur le lieu de travail. Cela implique la tenue de registres précis sur les produits dangereux et les  quantités en inventaire. Ce sera très utile afin de déter­miner quels travailleurs risquent d’être exposés à chacun des produits dangereux.

Éléments du programme SIMDUT

L’élaboration d’un programme de prévention SIMDUT permet à l’organisation de se doter
d’une politique sur la gestion des matières dangereuses. Il permet de prévoir le mode de détermination des dangers, la gestion des FDS et les rôles et responsabilités des différents
acteurs. Ce sont des éléments importants pour la saine gestion des risques relatifs aux
matières dangereuses. Plusieurs protocoles méritent qu’on s’y attarde spécifiquement.

Directive d’achat

L’achat d’un nouveau produit dangereux devrait toujours être planifié en fonction des risques que représentent son utilisation, sa manipulation, son entreposage et son élimination. De plus, avant son introduction, plusieurs aspects doivent être considérés.
Quels sont les dangers pour la santé et la sécurité ? Comment devrons-nous l’éliminer
et le contrôler et quels seront les couts qui y seront rattachés ? Dois-je prévoir des ÉPI
pour les travailleurs et surtout ai-je ces ÉPI en inventaire ? Dans le cas où une protection
respiratoire est requise, les travailleurs ont-ils reçu la formation leur permettant le
port d’un masque et leur test d’étanchéité a-t-il été réalisé ?

Une bonne politique d’achat devrait permettre à l’organisation d’épargner temps et argent en prévoyant les incompatibilités qui augmentent les exigences d’entreposage. Cette  économie de­vient significative lorsqu’on évite l’entreposage excédentaire et lorsqu’on procède régulièrement à la mise au rebut des ma tières dangereuses pé­rimées, non identifiées ou inutilisées.

Réception de matières dangereuses

Annie a prévu une procédure de réception de ses produits dangereux, car elle est bien consciente des conséquences d’un manquement. Elle sait que l’organisation pour laquelle elle travaille devra produire elle-même une FDS dans le cas où un produit dangereux est obtenu d’un fournisseur alors qu’aucune FDS n’est disponible et que celle-ci est requise.
Il en est de même si la FDS est perdue ou altérée et qu’il lui est impossible d’en
obtenir une autre copie.

Plan d’entreposage

Les FDS fournissent des recommandations sur l’entreposage sécuritaire des produits dangereux. Annie sait que les conditions d’entreposage sont dictées entre autres par les incompatibilités entre les substances, mais aussi selon la taille et le poids des contenants, les plus gros et les plus lourds étant préférentiellement entreposés sur les tablettes du bas. Le plan d’entreposage des matières dangereuses qu’elle a conçu, en plus de tenir compte de ces incompatibilités, considère les risques d’incendie et les dangers liés à la santé
et la réactivité. Ce plan spécifie le lieu et la méthode d’entreposage, la quantité maximale pouvant être entreposée ainsi que le type de contenant et les contrôles d’ingénierie
requis.

Méthodes sécuritaires de travail

L’analyse des risques associés aux produits dangereux a permis à Annie de prévoir des
procédures opérationnelles. Ces méthodes et techniques sécuritaires de travail spécifient comment les utiliser, les manipuler, les entreposer et les éliminer en toute sécurité.
Il permet aussi de déterminer les protocoles d’intervention sécuritaire en cas d’une urgence mettant en cause un produit dangereux.

Audit et inspection

Finalement, Annie a prévu les modalités d’inspection et d’audit permettant de s’assurer
que tous les produits dangereux sont correctement étiquetés et que les FDS sont  disponibles. Sa grille d’inspection permet aux acteurs de se poser les bonnes questions. Les contenants et étiquettes sont-ils en bon état ? Y a-t-il des produits dangereux qui ne sont pas étiquetés correctement ? Les FDS sont-elles disponibles et conservées dans un endroit
accessible à tous les travailleurs ? Les FDS sont-elles à jour ? Les précautions ou mesures
indiquées sur la FDS ont-elles été respectées ? Les mesures de contrôle sont-elles efficaces ? Est-il survenu des incidents ou évènements mettant en cause un produit dangereux ?

Évidemment, le succès de cette démarche intégrée repose sur la capacité de l’organisation à mettre en place des protocoles de surveillance de la mise en œuvre du programme et de son efficacité.

Conclusion

La philosophie du SIMDUT 2015 se fonde sur le droit de savoir, pour un travailleur, à
quels dangers il s’expose lors de l’utilisation de matières dangereuses. En ce sens, la direction de l’entreprise doit certes voir à la sécurité des travailleurs en communiquant les renseignements requis pour accomplir un travail de façon sécuritaire. Mais encore, elle se doit de gérer tous les risques inhérents à la présence des produits dangereux dans le milieu de travail.

La mise en place d’un système de gestion prévisionnelle des risques relatifs à la présence de produits dangereux dans le milieu de travail implique plus que la compilation des fiches de données de sécurité et une formation géné­rique sur le sujet. Pour certains, le système de gestion peut paraitre imposant. Implanté de façon systémique et progressive, il a cependant de multiples répercussions positives. Les pre­mières et non les moindres sont la préservation de l’état de santé des travailleurs et l’améliora­tion du bienêtre dans l’organisation. Le pro­gramme contribue, par le fait même, à une diminution des couts directs et indirects liés aux accidents du travail et aux maladies profes­sionnelles. Mais
le plus grand des gains c’est qu’il permet de limiter les conséquences tra­giques que peut représenter la mauvaise ges­tion des risques.

Le programme de prévention SIMDUT 2015, un phare qui brille dans la nuit.

 

1 – Ulysse Mc Carthy – DIRECTEUR GÉNÉRAL, OPÉRATIONS SST INTERNATIONAL INC.
ENSEIGNANT À L’INSTITUT DES PROCÉDÉS INDUSTRIELS DU COLLÈGE DE MAISONNEUVE PROFESSIONNEL DE LA SST/MESURES D’URGENCE/SIMDUT 2015 [umccarthy@operationssst.com]