UNE COURBE vers les incohérences


UNE COURBE vers les incohérences

Peu importe où vous vous trouvez ou le type  l’entreprise dans laquelle vous travaillez, il y existe des dangers de différentes natures. Il faut donc les gérer adéquatement et choisir les moyens appropriés afin d’arriver à les contrôler le plus efficacement possible.

Marc-André Ferron

La santé et la sécurité sont principalement de la gestion des dangers. La gestion, qu’elle soit en lien avec les finances, les ressources humaines, la productivité ou les risques à la santé et à la sécurité des employés, demeure de la gestion, et la gestion est une science en soi. D’ailleurs, les programmes d’administration des universités sont souvent appelés
les sciences de la gestion.

Le Petit Larousse définit la science comme un ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissant à des lois et vérifiées par les méthodes expérimentales.

À l’opposé de la science, on trouve les croyances, qui sont quant à elles défi nies ainsi : Fait de croire à l’existence de quelque chose, à la vérité d’une doctrine.

La gestion de la santé et de la sécurité est effectivement une science, car elle répond à un ensemble de lois et de principes cohérents. Toutefois, à plusieurs égards, la science qui sert à assurer la protection de nos employés a vu ses principes fortement influencés par des croyances auxquelles nous avons parfois souscrit aveuglément.

Cet article traitera de concepts connus de tous en matière de santé et de sécurité et soulèvera ce qui, selon notre analyse, sont leurs principales incohérences.

L’objectif n’est cependant pas de détruire ces concepts, mais bien de soulever ce que nous croyons être leurs incohérences et de permettre à nos organisations d’ajuster leurs stratégies en conséquence, afi n de ne pas commettre de nouveau les erreurs du passé.

La courbe de Bradley

La courbe de Bradley est un concept utilisé dans des milliers d’entreprises, enseigné dans les universités et promu par plusieurs grands noms de la santé et de la sécurité. Elle com porte cependant son lot d’incohérences importantes.

INCOHÉRENCE 1 : la courbe de Bradley et son concept d’origine

La courbe de Bradley existe depuis 1995. Elle a vu le jour après qu’un gestionnaire de chez DuPont, Vernon Bradley, a lu un livre de croissance personnelle intitulé The 7 Habits of Highly Effective People (1).

Cet ouvrage de Stephen Covey définissait pour la première fois, en 1989, les notions de dépendance, d’indépendance et d’interdépendance des individus. Bradley a ensuite intégré les notions présentes dans ce volume aux notions de culture organisationnelle en santé et sécurité.

Les principes abordés par l’auteur dans The 7 Habits of Highly Effective People sont présentés dans le contexte de la progression d’une personne dans sa vie. Par exemple, un enfant s’affranchira de ses parents pour passer du stade de la dépendance au stade de l’indépendance, et un jour, il passera de l’indépendance à l’interdépendance avec son nouvel entourage, qui le mènera plus loin.

L’ancêtre de la courbe de Bradley date donc de 1989. Dans son ouvrage, Covey est bien clair sur une chose : il est impossible de progresser d’un stade à l’autre sans s’affranchir du niveau précédent. En d’autres mots, on ne peut être à la fois dépendant et indépendant, pas plus que l’on ne peut être à la fois indépendant et interdépendant. Il s’agit là d’une logique pure et simple, basée sur le gros bon sens. Voilà donc la première incohérence en ce qui concerne la courbe de Bradley par rapport à son concept original.

La notion de dépendance de la courbe de Bradley comprend un engagement de la gestion, des règles, des procédures, de la supervision, de la discipline, de la formation, etc. Notons que plusieurs de ces éléments constituent des responsabilités légales clairement définies dans nos législations.

Est-ce que quelqu’un voudrait gérer la santé et la sécurité dans une organisation où les employés seraient indépendants et pourraient oeuvrer sans règles, sans discipline, sans formation, sans supervision, etc.? Poser la question, c’est y répondre : puisqu’il est impossible d’être à la fois indépendant et  dépendant, il est impossible de gérer la santé et la sécurité tout en laissant tout le monde être indépendant. Dans un tel cas, nous n’assiterions qu’à une gigantesque improvisation, où chacun se protègerait à sa façon.

Il est impossible d’être indépendant et dépendant simultanément, tout comme il est impossible de gérer la santé et la sécurité sans règles, procédures, formation et supervision.

INCOHÉRENCE 2 : les principes de DuPont Sustainable Solutions et les principes de DuPont Chemicals

DuPont est une compagnie qui a su se hisser au sommet des meilleures organisations en matière de prévention des accidents du travail. Elle a exposé en 1995 sa recette gagnante en matière de gestion de la santé et de la sécurité dans le livre écrit par William Mottel et coll., intitulé Industrial Safety is Good Business: The DuPont Story (2).

Ce livre, publié 192 ans après les premiers pas de la compagnie en matière de santé et de sécurité, est un ouvrage excellent et complet en matière de gestion des dangers. Cependant, on n’y trouve aucune mention de la courbe de apportée par DuPont Sustainable Solutions (division de consultation de DuPont).

Ce n’est donc pas l’application des principes de la courbe de Bradley qui étaient à la base de la réussite de Dupont Chemicals, puisque cette dernière n’existait toujours pas après 192 ans de prévention, mais bien l’élimination à la source et la réduction à la source des dangers ainsi qu’une rigueur absolue à l’égard de leurs systèmes de gestion et programme.

La courbe de Bradley soutient que la culture en santé et sécurité doit progresser vers l’indépendance de l’employé où l’employé est responsable de sa propre  sécurité et, ultimement, arriver à un stade d’interdépendance où chaque employé est aussi responsable de la sécurité de ses collègues.

Toutefois, cela est incohérent avec plusieurs des idées véhiculées dans Industrial Safety is Good Business. Voici quelques exemples d’éléments incohérents avec l’indépendance et l’interdépendance, extraits de l’ouvrage.

  • La ligne de gestion a toujours eu la responsabilité ultime de la santé et sécurité chez DuPont (p. 23)
  • La préoccupation doit commencer au plus haut niveau et par la suite descendre également à travers tous les niveaux opérationnels (p. 27)
  • La direction a spécialement clarifié qu’il ne pourrait pas y avoir de compromis sur les standards de santé et sécurité…(p. 34)
  • Les bonnes performances proviennent de l’intensité de l’engagement de la direction et des programmes de formation continue de tous les employés… (p. 25)
  • … l’engagement signifie plus que des bonnes intentions, ou la mise en place de standards et procédures. Cela signifie une implication constante, quotidienne, dédiée, laissez-nous dire passionnée, de la gestion à tous les niveaux (p. 27)
  • Nous allons revoir de manière régulière nos procédures afin de les placer au-dessus des exigences légales (p. 30)
  • La gestion de risques peut être définie comme l’application de systèmes et de contrôles, de programmes, procédures, audits et évaluations d’un procédé manufacturier où les risques sont identifiés, compris et contrôlés. Ainsi peuvent être prévenus les incidents et blessures. (p. 71)
  • L’imputabilité est un principe établi depuis longtemps. Les gens doivent comprendre de quoi ils sont responsables, mais aussi comprendre qu’ils sont imputables des résultats (p. 74)
  • Vous atteindrez le niveau de sécurité que vous montrerez que vous voulez atteindre (p. 27)

Plusieurs autres éléments contradictoires auraient pu être soulevés, mais vous avez probablement saisi l’essentiel : de tous les éléments tirés des 192 années d’expérience en prévention de DuPont, aucun ne mentionne que la stratégie de l’entreprise repose sur l’internalisation de la valeur santé et sécurité par l’employé de manière totalement indépendante des systèmes de gestion, des normes, des procédures et, ultimement, de l’équipe de gestion, c’est même plutôt l’inverse.

INCOHÉRENCE 3 : principes de la courbe de Bradley versus le Code criminel

Dans la courbe de Bradley, on vise ultimement à rendre le travailleur indépendant et responsable de sa  propre santé et sécurité ainsi que de celle de ses collègues. Qu’en est-il, d’un point de vue légal ?

Le Code criminel canadien ne peut être plus clair à cet égard dans son article 217.1, qui stipule ceci :
Obligation de la personne qui supervise un travail

Il incombe à quiconque dirige l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou est habilité à le faire de prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte de blessure corporelle pour autrui.

Cette notion ramène encore une fois l’impossibilité de demander l’indépendance de l’employé en matière de santé et de sécurité. La Loi est très claire: il est de la responsabilité de la personne qui supervise un travail de s’assurer qu’il n’en résulte pas de blessures corporelles pour autrui.

Dans le même ordre d’idées, l’article 219 du Code criminel canadien est tout aussi évocateur:

Est coupable de négligence criminelle quiconque:

a) soit en faisant quelque chose ; b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

Remarque: dans cet article, le mot devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Cet article nous ramène encore au fait que nous devons tous respecter les exigences légales minimales afin d’assurer la sécurité d’autrui. Cela est vrai tant pour l’employeur que pour l’employé, mais les responsabilités légales de l’employeur sont considérablement plus nombreuses. Nous allons donc approfondir ces notions dans la prochaine section.

INCOHÉRENCE 4 : la gestion légale des dangers

Une notion extrêmement importante en matière de santé et de sécurité est ce que l’on appelle la hiérarchie d’efficacité de contrôle des dangers, illustrée à la figure 1.

Comme l’illustre la figure 1, la meilleure façon de gérer les dangers est et sera toujours l’élimination des dangers à la source, pour la simple raison que lorsqu’un danger est éliminé, il est géré à 100 %. Si un danger est géré à 100 %, aucun évènement fâcheux ne peut survenir.

Cela est le fondement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail du Québec, dont les articles 2 et 3 vont comme suit:
2 La présente loi a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. […]
3 La mise à la disposition des travailleurs de moyens et d’équipements de protection individuels ou collectifs, lorsque cela s’avère nécessaire pour répondre à leurs besoins particuliers, ne doit diminuer en rien les efforts requis pour éliminer à la source même les dangers […].

Dans le cas où il est impossible d’éliminer les dangers, par exemple, s’il est impossible de se débarrasser d’une machine dangereuse, la deuxième façon la plus efficace de gérer les dangers est la réduction à la source comme de mettre la machine dangereuse dans une enceinte grillagée fermée et barrée.

Ainsi, tant que l’enceinte reste fermée, un facteur de sécurité équivalant pratiquement à l’élimination à la source est offert, et aucun évènement accidentel ne peut survenir. Si une intervention doit être réalisée sur ladite machine dangereuse, des mesures de sécurité devront être en place pour offrir un facteur de sécurité équivalent et assurer la sécurité complète de l’employé. Il pourrait s’agir, par exemple, de l’application d’un programme de cadenassage amenant l’équipement à énergie zéro, ce qui constituerait un facteur de sécurité équivalent.

En ce qui concerne les programmes comportementaux en matière de santé et de sécurité au travail, ils n’apparaissent dans aucune législation parce qu’ils ne s’attaquent qu’au maillon le plus faible de la hiérarchie de contrôle des dangers, c’est-à-dire les personnes, leurs croyances, leurs comportements et leurs valeurs.

La nature humaine étant ce qu’elle est, il sera toujours plus facile et efficace de modifier un équipement que de faire changer une personne. Voilà pourquoi les législations sont ce qu’elles sont.

Par ailleurs, les programmes basés sur la sensibilisation à l’adoption de comportements sécuritaires présentent une lacune importante : elles laissent le choix à l’employé de se protéger ou non. On le sensibilise, on ne l’oblige pas.

Lorsqu’on laisse au travailleur le soin de prendre en charge sa santé et sa sécurité, il est impossible d’obtenir un facteur de sécurité assurant sa sécurité à 100 %, puisque les pratiques qu’il décidera d’utiliser seront improvisées et non officiellement approuvées.

Regardons quelques-unes des exigences légales qu’ont les employeurs à l’égard de la santé et de la sécurité de leurs employés. Il est important de rappeler que les exigences légales représentent le minimum qu’une organisation doit assurer en matière de santé et de sécurité.

Les responsabilités de l’employeur selon la Loi sur la santé et la sécurité au travail du Québec sont:
51(1) s’assurer que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur;
51(3) s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires […];
51(4) contrôler la tenue des lieux de travail […];
51(7) fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état ;
51(11) fournir gratuitement au travailleur tous les moyens et équipements de protection individuels […] ou collectifs […] et s’assurer que le travailleur, à l’occasion de son travail, utilise ces moyens et équipements [.]

Les responsabilités légales sont donc très claires quant au fait que l’employé dépend de l’équipe de gestion afin de pouvoir assurer son intégrité physique.

L’employé ne gère pas les ressources financières, humaines ou matérielles. Il ne peut donc définir lui-même l’aménagement de son environnement de travail ou l’organisation du travail ni acheter des équipements.

Encore une fois, l’indépendance et l’interdépendance ne peuvent permettre de répondre aux exigences légales. En d’autres mots, on ne peut pas, légalement, confier des responsabilités à quelqu’un qui n’a pas le pouvoir de les exécuter.

INCOHÉRENCE 5 : les comportements sécuritaires et les causes fondamentales des évènements

Pour bon nombre d’organisations, répéter que les comportements non sécuritaires représentent 90 % des accidents de travail fait partie du quotidien. Cette affirmation vient rejoindre le principe de la courbe de Bradley voulant que l’on amène les employés à internaliser la valeur santé et sécurité pour qu’ils adoptent d’eux-mêmes les bons comportements.

Or, bien que cette affirmation puisse être vraie, il y a tout de même une question importante à se poser : un accident du travail ne comportant qu’une seule cause est-il possible ?

La réponse est non. Pour qu’un évènement survienne, il faut au moins deux causes. Par exemple, pour qu’une personne distraite tombe dans un trou, il faut deux éléments: un trou et une personne. Pas de trou, pas d’incident ; pas de personne, pas d’incident.

Cependant, l’une des deux causes est immédiate et l’autre est fondamentale. Si je sensibilise la personne à faire attention au trou, cela va peut-être fonctionner sur une courte période, mais une autre personne sera éventuellement distraite et finira par tomber dans le trou.

Une autre option consiste à boucher le trou ou à y empêcher l’accès. Cela n’a rien à voir avec l’internalisation de valeurs par une personne et nous ramène plutôt à l’obligation légale fondamentale d’éliminer les dangers à la source même.

Dans cet exemple, la personne représente la cause immédiate et le trou, la cause fondamentale. S’attaquer aux comportements individuels ne règle pas les causes fondamentales des évènements, et lorsque les causes fondamentales ne
sont pas traitées, les évènements se répètent.

Une stratégie basée sur l’adoption de comportements sécuritaires permet donc la répétition
des évènements; dans de telles circonstances, il est tout à fait illogique de viser l’objectif zéro accident.

Quelles sont les causes possibles des évènements?
Elles sont toujours les mêmes, soit :

  • l’environnement;
  • les équipements;
  • l’organisation ;
  • la tâche ;
  • la personne.

Cela se rapproche beaucoup des responsabilités légales de l’employeur vues précédemment ainsi que de celles des programmes de prévention de nos organisations et dont fait état
l’article 59 de la LSST:
59. Un programme de prévention a pour objectif d’éliminer à la source même les dangers […]. Il doit notamment contenir […] :
1. des programmes d’adaptation de l’établissement
aux normes prescrites par les règlements concernant l’aménagement des lieux de travail, l’organisation du
travail, l’équipement, le matériel, les contaminants, les matières dangereuses, les procédés et les moyens et équipements de protection collectifs ;
2. des mesures de surveillance de la qualité du milieu de travail et des mesures d’entretien préventif ;
3. les normes d’hygiène et de sécurité spécifiques à l’établissement ;
4. les modalités de mise en oeuvre des autres règles relatives à la santé et à la sécurité du travail dans l’établissement qui doivent inclure au minimum le contenu des règlements applicables à l’établissement ;
5. l’identification des moyens et équipements de protection individuels qui, tout en étant conformes aux règlements,
sont les mieux adaptés pour répondre aux besoins des travailleurs de l’établissement ;
6. des programmes de formation et d’information […].

La mise en place d’un programme de prévention revient évidemment à l’employeur, qui doit aussi en assurer l’application. Quant à l’employé, il a la  responsabilité de l’appliquer. Cela laisse encore peu de place à l’indépendance.

INCOHÉRENCE 6 : les résultats actuels

Dans Industrial Safety is Good Business, publié en 1995, et qui résume les 192 ans de santé et de sécurité chez DuPont, on présente un graphique des performances de l’entreprise sur une longue période. On ne peut y voir qu’une seule hausse marquée du nombre d’évènements : en 1986-1987.

Voici comment on y explique les performances non désirées :
… cela indiquait qu’il y avait plus de personnes blessées et que quelque part il y avait un relâchement dans les programmes de la compagnie (p. 25)
La direction était trop confiante dans le rôle inhérent de la santé et sécurité dans la culture corporative (p. 33)

Les mauvaises performances passagères sont donc attribuées au délaissement des programmes de la compagnie et à un excès de confiance de la part de la gestion.

Qu’en est-il aujourd’hui (3)?

  • Entre 2007 et 2015, huit décès sont survenus chez DuPont aux États-Unis.
  • OSHA a classé DuPont comme violateur sévère des standards de sécurité en milieu de travail, soit les pires parmi les pires avec 450 autres compagnies. DuPont est la plus grosse compagnie de sa catégorie.
  • DuPont a fait l’objet de nombreuses poursuites par les autorités.
  • Selon John Mendeloff (3), professeur à l’Université de Pittsburgh, les enquêtes réalisées après les évènements seraient liées à des lacunes à l’égard des systèmes de gestion, car les décès sont dus aux causes suivantes :

  • L’écrasement d’une personne après une chute de matériel ;
  • Une intoxication à du phosgène, un gaz toxique;
  • L’explosion d’un réservoir lors de travaux de soudure;
  • L’écrasement d’un employé par un wagon;
  • L’exposition à du méthyle mercaptan, un gaz toxique (quatre décès).
  • Relativement à ces évènements, le Président du U.S. Chemical Safety Board, Rafael Moure-Eraso, a émis le commentaire suivant (4) :

    Ce que nous voyons dans l’évènement de La Porte [où quatre personnes sont mortes à la suite d’une exposition à du méthyle mercaptan] est définitivement un problème de culture au sein de la société DuPont. […] (traduction libre)

    Par ailleurs, comme l’indique l’auteur de l’article, ces problèmes sont encore plus significatifs dans le cas d’une compagnie qui vend des programmes de santé et sécurité (4).

    À la lumière de telles performances, des questions devraient être soulevées, puisque les évènements mentionnés plus haut sont liés à des lacunes à l’égard des systèmes de gestion, comme pour les évènements de la période 1986-1987 dont fait mention Industrial Safety is Good Business.

    Ces évènements n’ont donc pas de lien clair avec l’absence d’intériorisation de la valeur de la sécurité, mais bien un lien direct avec des écarts à l’égard de divers paramètres devant être contrôlés via des systèmes de gestion.

    Une organisation ne peut rendre un employé indépendant de sa sécurité. Par contre, un employé dépendra toujours directement de la rigueur d’application des systèmes de gestion et de l’application intégrale de programmes de prévention adéquats.

    Conclusion

    Voilà bon nombre de constats qui portent à réflexion. Mais cette publication ne vise pas à faire de l’acharnement sur la courbe de Bradley ni sur les notions de dépendance, d’indépendance et d’interdépendance relativement aux cultures SST des organisations. Elle vise plutôt une réflexion pour en faire ressortir des incohérences, afin que nos organisations puissent mieux performer.

    Le respect de la législation en matière de santé et de sécurité au travail représente le minimum que chacune de nos organisations doit mettre en oeuvre. Les obligations défi nies dans nos différentes législations sont extrêmement claires en ce qui a trait à la gestion des dangers, et en plus, elles sont tout à fait cohérentes.

    Les législations prônent toutes l’élimination ou la réduction à la source des dangers. Dans le cas où cela est impossible, la mise en place de programmes de prévention ou d’un système de gestion des dangers est incontournable. Les législations sont ainsi faites parce que ces moyens de gérer les dangers fonctionnent.

    Cependant, sans grande surprise, aucune législation n’exige de rendre les employés indépendants de leur propre sécurité, pas plus qu’elles n’imposent aux organisations d’implanter des programmes comportementaux.

    À la lumière de cet article, il ne tient qu’à vous de déterminer si votre organisation est cohérente ou incohérente dans son approche en matière de gestion de la SST ainsi que dans le respect de l’ensemble de ses exigences légales minimales.