La meilleure réponse qui soit


La meilleure réponse qui soit

Réapprendre à se questionner et à poser les bonnes questions nous mènent inévitablement à comprendre les causes fondamentales d’un enjeu. Cette étape est non seulement utile, mais essentielle à de meilleures décisions conduisant aux actions les plus efficientes qui soient.

Marie Laberge

Albert Einstein disait : Un problème sans solution est un problème mal posé. Permettez-vous de retomber en enfance. Ce moment où il est permis de questionner les façons de faire, de penser et de créer. Cette période où l’apprentissage et l’évolution sont intensifiés en raison de cette aptitude au questionnement.

J’ai déjà lu quelque part que selon une étude de Harvard, les enfants posaient plus de 40 000  questions entre les âges de 2 à 5 ans, dont la plu part d’entre elles sont des pourquoi ? et qu’en est-ce qu’on arrive ? La leçon à tirer de cette information est que pour eux, il est primordial de comprendre et qui plus est, il y a urgence en la demeure. Malheureuse ment, il est dit également que passé l’enfance, le questionnement chute drastiquement chez la plupart des gens.

Pourtant, poser des questions permet non seulement d’obtenir des réponses à un problème, mais d’obtenir les bonnes réponses pour les plus persévérants. Les idées innovatrices naissent de pourquoi (1). En voici un exemple : pourquoi monsieur madame tout le monde ne pourrait pas accepter la carte de crédit ? Et l’entreprise Square naissait. Tous les Apple, Amazon et Google de ce monde carburent aux incessantes questions.

Innovations

Cette histoire, et bien d’autres, sont tirées du livre A More Beautiful Question : The Power of Inquiry to Spark Breakthrough Ideas de l’auteur et journaliste, Warren Berger. Il nous expose dans ce livre, le fruit de son travail de documentation à propos des secrets ayant mené les plus grands entrepreneurs du monde à la réussite. Les analyses et les constats qui émanent des entrevues qu’il a menées sont des plus intéressants et utiles pour aborder la résolution de problème, l’innovation et la performance. L’auteur fait la démonstration que toutes ces personnalités ont un point en commun ; l’art de poser des questions et de remettre en question l’état de situation et le statuquo. Les meilleures idées naissent donc de questions.

Et tout ne s’arrête par là. Il fait le constat fort instructif que l’entrepreneur est naturellement conscient de la multitude d’opportunités d’amélioration qui l’entourent et
par conséquent, il sait non seulement poser les questions relatives à un problème quelconque, mais il pos sède également les capacités et l’imagination nécessaires pour le résoudre. Ainsi, pour mettre au monde une bonne idée, il répondra aux trois questions suivantes : pour quoi, quoi et comment. C’est ce qui distingue l’entrepreneur des autres idéateurs ; il sait fermer la boucle et passer à l’action.

Mais en quoi cela s’avère d’intérêt pour la grande majorité des gens ? Dans les faits, c’est le principe du questionnement qui nous intéresse ici. Celui qui nous conduit à la résolution d’un problème, notamment, en regard à la gestion de risque, qu’il s’agisse de qualité, de sécurité, de santé, d’environnement, de productivité ou tout autre défi organisationnel et même humain. Dans tous ces domaines, il ne sera pas rare de rencontrer des enjeux pouvant avoir des conséquences pour les personnes et les organisations ; non-respect d’une règle, non-conformité, évènement indésirable avec ou sans conséquence, pressions organisationnelle et économique, etc. Et dans tous ces cas, à la manière de l’entrepreneur qui fait naître la bonne idée, il deviendra fort utile de résoudre le problème en se posant ces mêmes questions.

Comprendre l’enjeu

Étant moi-même entrepreneur depuis maintenant quelques années, j’ai eu la chance de ne jamais cesser de remettre en question les choses au grand dam de mes profs et patrons ayant eu à me côtoyer d’ailleurs. Mais comme préventeur depuis près de 25 ans et ayant côtoyé plusieurs centaines d’établissements, cet intérêt m’aura été des plus utiles pour comprendre non seulement les évènements, mais agir en prévention en identifiant les résistances et les failles qui empêchent l’organisation de performer sur les plans humains et économiques.

L’intérêt du questionnement est qu’il conduit à comprendre l’enjeu auquel l’organisation est soumise, et ce, à son fondement même, les enjeux pouvant être d’origines diverses d’ailleurs ; conformité, performance, gestion, etc. Ainsi, une méthode structurée et dynamique permettra aux plus curieux de trouver réponse à leur problème, et ce, à la racine même. En effet, l’identification de la cause fondamentale est sans contredit le moyen éprouvé de réduire les efforts requis à la maximisation des résultats. C’est la meilleure méthode d’accéder à la maitrise des risques. D’ailleurs, voyons ensemble une des méthodes que je mets en œuvre régulièrement auprès des établissements desservis. Il s’agit de l’atelier des 5 pourquoi qui permet de répondre à la première question, le POURQUOI.

Tout d’abord, nommer l’enjeu. Il est essentiel de nommer ce qui préoccupe et de formuler le bon énoncé. Il doit être précis et concis, afin de ne pas ouvrir la porte aux tergiversations. À titre d’exemple, pour une problématique de non-respect d’une règle quelconque touchant une minorité résistante au sein d’une entreprise manufacturière, le libellé pourrait se traduire comme suit : ne pas cadenasser. On comprendra que dans la situation, l’organisation a déjà mis en œuvre les exigences, dont la formation du personnel, mais n’arrive pas à atteindre le seuil d’excellence souhaité.

En second lieu, constituer l’équipe d’analyse. Il pourrait d’ailleurs s’agir de deux équipes d’analyse distinctes. En effet, il deviendra nécessaire, dans un contexte de relations de travail tendues ou fragiles, d’animer les ateliers par équipe, selon qu’il s’agit de représentants des travailleurs ou de l’employeur, et ce, dans le but de favoriser la transparence des échanges et par conséquent, l’émergence des meilleures réponses qui soient. Dans un cas comme dans l’autre, la cause fondamentale découlant de l’exercice sera la même. Seul le cheminement diffèrera. Dans tous les autres cas, le mélange des origines au sein de l’équipe d’analyse sera applicable, voire même, souhaitable.

L’animation d’un tel atelier devra être restreinte dans le temps, afin de concentrer les membres de l’équipe d’analyse sur le sujet et la cause fondamentale. L’animation se voudra inclusive, sans tabous et humble. Hé oui ! Il arrive de se tromper et de devoir recommencer. Comme je le dis souvent vaut mieux explorer un chemin fortuit, que de passer à côté du meilleur chemin qui soit.

Identifier l’opportunité

Une fois l’atelier des 5 pourquoi terminé, il est raisonnable de croire que la cause fondamentale découverte soit la bonne (voir figure 1). À cet effet, il est bon de savoir que la grande majorité des problèmes étudiés à ce jour ont eu pour cause fondamentale, un enjeu de comportement organisationnel. Petit conseil, avant même de débuter la démarche, dotez-vous d’une bonne dose de courage managérial pour faire face à la musique.

L’étape suivante verra à identifier l’opportunité d’amélioration qui solutionnera le problème. Elle répond au QUOI. Nul besoin de dire que la collégialité et la transparence seront non seulement favorables à l’exercice, mais déterminantes en regard de l’atteinte de la cible. Une démarche qui ne répondrait pas à ces critères se soldera par un échec ou tout au plus, par un résultat édulcoré. Le but d’un tel exercice étant de solutionner un enjeu, il serait contre- performant d’entreprendre le projet sans ces conditions.

Passer à l’action

À la fin de mon adolescence, dans les années 80, j’ai eu le plaisir de rencontrer un enseignant au Cégep de Jonquière qui m’a dit : chaque fois que t’as une bonne idée Marie Laberge, dis-toi qu’au même moment, au moins dix autres personnes sur la planète ont la même idée. Ce qui distingue l’entrepreneur des autres, c’est qu’il passe à l’action.

Et quoi de mieux pour passer à l’action qu’un plan d’action. Voilà donc la façon de répondre au COMMENT. Point culminant pour franchir cette étape déterminante ? Définition d’un objectif réfléchi, convenu et élaboré en équipe d’analyse. Ma méthode de prédilection pour ce faire demeure la méthode SMART (2) bien connue de tous (voir figure 2). Elle permet de mettre le doigt là où il est nécessaire d’aller, en plus d’agir là où ça rapportera le plus.

Voici un exemple d’objectif SMART en lien avec notre énoncé de cadenassage : d’ici le (date de l’échéancier), que chacun procède au cadenassage pour toutes les activités nécessitant la mise à énergie zéro. En réponse à cet énoncé, il sera raisonnable de croire que l’organisation s’octroie les moyens nécessaires pour que 100 % des personnes dans 100 % des situations procèdent au cadenassage conformément aux attentes, et ce, à l’échéance de l’ob jectif ou avant. Et parlant de moyens, voici quelques essentiels à l’articulation d’un plan d’action menant à l’atteinte de l’objectif :

• définir les activités (verbe d’action);
• nommer les responsables (légitimité et crédibilité);
• établir l’échéancier ;
• identifier un ou des indicateurs de performance ;
• surveiller la mise en œuvre et la performance (CSS et Revue de direction).

Conclusion

L’essentiel du message à tirer de ces histoires de réussite, c’est toute la puissance du questionnement qui nous conduit à la compréhension des causes et qui plus est, de la cause fondamentale à l’origine de l’enjeu. Et ce n’est pas tout, ne pouvant se contenter d’une bonne réponse, un questionnement complet nous incite à passer à l’action en fermant la boucle.

Prendre la décision de poser le problème différemment est une preuve de courage managérial qui mène les personnes vers des solutions innovantes et durables. Comprendre, identifier la meilleure solution à mettre de l’avant et améliorer, voire même régler la situation de contreperformance, dans tous les cas, c’est de crédibilité que l’organisation bénéficiera.