Existe-t-il des alternatives au port d’ÉPI?


Existe-t-il des alternatives au port d’ÉPI?

Le meilleur moyen de se prémunir contre les risques de décharge électrique et d’éclair d’arc est de travailler lorsque tous les appareils sont hors tension.

Benoît Giroux

Cette consigne, obligatoire selon l’article 2-304 du code canadien de l’électricité, est martelée depuis 2008 par divers organismes tels que la Corporation des maitres électriciens du Québec (CMEQ), la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et les Associations sectorielles paritaires (ASP). Elle a pour but de bien protéger les travailleurs œuvrant en électricité.

Durant cette même année, est apparue la première édition de la norme CSA Z462 (1) portant sur la sécurité en matière d’électricité au travail. Cette norme, maintenant à sa deuxième édition, énonce les exigences de sécurité au travail en matière d’électricité qui visent à prévenir les accidents durant les travaux sur l’infrastructure et l’appareillage électrique. Avec l’avènement de cette norme, de nombreuses formations basées sur son contenu ont été développées et diffusées à grande échelle aux travailleurs exposés à des risques électriques. Même si les mesures d’élimination et de réduction des risques à la source sont abordées durant ces formations, l’accent est surtout mis sur les équipements de protection individuelle (ÉPI) que doivent porter les travailleurs durant l’exécution de travaux sous tension. Ces ÉPI, majoritairement constitués de vêtements et d’accessoires ignifuges ou isolants, ont fait leur preuve au cours des années en évitant aux travailleurs qui les portaient de subir des décharges électriques ou des brulures. Qu’en est-il des autres risques tels que ceux causés par l’explosion d’un boitier, d’un fusible, d’un disjoncteur, d’un sectionneur, ou d’un équipement de test, ou par l’émanation de gaz toxiques à la suite d’un incendie causé par un éclair d’arc?

Cet article propose une revue des phénomènes dangereux auxquels un travailleur peut être exposé. De plus, l’efficacité relative des mesures de réduction de risques qui peuvent être implantées pour contrôler les risques liés à l’électricité sera abordée.

Les phénomènes dangereux liés à l’électricité

Tel que mentionné en introduction, il faut toujours privilégier le travail hors tension sur de l’appareillage électrique, car c’est le seul moyen d’assurer une sécurité totale contre les phénomènes dangereux d’origine électrique.

Par contre, dans certaines conditions, le travail hors tension n’est pas possible. C’est le cas lors des interventions de dépannage, de tests et de diagnostic sur les équipements électriques. Ces interventions comprennent, entre autres, la prise de mesure de divers paramètres électriques comme la tension, le courant, ou la puissance ainsi que les vérifications thermographiques. Si une défaillance se produit au cours de ces interventions, un travailleur pourrait être exposé à des phénomènes dangereux d’origine électrique, thermique, chimique, mécanique ainsi qu’à des sources de rayonnement tel que présenté dans le Tableau 1. Ces phénomènes dangereux peuvent engendrer à leur tour des conséquences secondaires qui pourraient provoquer la mort, des blessures ou des dommages à la propriété.

Une défaillance typique pourrait être la chute accidentelle d’une clé sur les barres omnibus de différentes phases d’une dérivation électrique telle qu’illustrée à la Figure 1. Cette défaillance engendre l’ensemble des phénomènes du Tableau 1.

Outre l’exposition aux risques lors des travaux sous tension, la fermeture manuelle d’un dispositif d’isolement électrique, par exemple un sectionneur, est une opération qui pourrait provoquer des blessures sérieuses au travailleur qui active le levier. En effet, si des conducteurs en aval du sectionneur sont en court-circuit à cause d’une défaillance, il se produira un éclair d’arc dans le boitier du sectionneur. Si le circuit est conçu pour alimenter une charge importante et que les dispositifs de protection, par exemple les fusibles, sont lents à réagir, le courant sera très intense ce qui produira un éclair d’arc dans le boitier du sectionneur. La température considérable dégagée par l’éclair d’arc entraine la vaporisation des conducteurs en cuivre en les dilatant à 67 000 fois leur volume. Ce phénomène entraine une surpression et l’éjection de débris à une vitesse de 1100 km/h. Si le boitier du sectionneur n’est pas conçu pour être antidéflagrant, la porte du boitier pourrait être éjectée et pourrait blesser sérieusement le travailleur qui se retrouve dans sa trajectoire.

Les méthodes de contrôle du risque

Comment peut-on assurer la sécurité d’un travailleur effectuant une opération aussi banale que la fermeture d’un sectionneur? La section 5.1.2 de la norme ANSI Z10-2012 propose une approche systémique permettant d’éliminer, de réduire ou de contrôler les risques engendrés par les phénomènes dangereux vus au Tableau 1. Comme montré au Tableau 2, l’approche est structurée en six méthodes classées de la plus efficace à la moins efficace.

Un plus haut degré de fiabilité est obtenu en combinant plusieurs méthodes. Par exemple, le port équipements de protection individuelle (Méthode 6) doit être accompagné d’un contrôle administratif (Méthode 5), par exemple une procédure de travail, spécifiant dans quelles situations ceux-ci doivent être portés. Selon le Tableau 2, les contrôles administratifs et l’utilisation des ÉPI apparaissent comme les méthodes de contrôle les moins efficaces de la liste. Ils ne devraient être utilisés qu’en dernier recours, lorsque l’exposition aux risques ne peut pas être réduite par d’autres mesures plus efficaces.

Quelles méthodes de contrôle du risque plus efficaces pourraient être choisies dans le cas de la fermeture d’un sectionneur? Le recours à la mise à terre à travers une haute résistance plutôt qu’un raccordement direct permet, dans plusieurs cas, l’élimination du phénomène dangereux (Méthode 1). Cette méthode de contrôle peut être facilement implantée dans les systèmes de distribution triphasés industriels et permet d’éliminer les éclairs d’arc lors de court-circuit entre une phase et la terre. L’explosion du boitier du sectionneur, lors de la fermeture de ses contacts, sera donc impossible en présence d’un court-circuit phase-terre.

Une autre méthode, un peu moins efficace, consiste en une combinaison de la substitution par d’autres processus (Méthode 2) et le recours à une procédure de travail (Méthode 5). Cette combinaison de méthodes permet de réduire l’exposition du travailleur face au danger d’explosion du sectionneur en l’éloignant de la zone dangereuse. Une façon simple et peu couteuse de mettre en œuvre cette solution est de fermer les contacts du sectionneur en utilisant une corde de nylon jaune et un jeu de poulies. La corde est attachée au bras de levier du sectionneur et passe à travers une poulie fixée au plafond. Le travailleur n’a qu’à tirer sur la corde pour fermer le sectionneur. Advenant la présence d’un court-circuit dans la dérivation électrique, l’explosion se produisant dans le panneau du sectionneur ne pourra pas blesser le travailleur, car celui-ci se trouvera à une bonne distance de la zone dangereuse. Une variante plus couteuse consiste à utiliser un actionneur électrique ou pneumatique permettant de télécommander la fermeture du sectionneur. Ce genre de dispositif portatif, disponible commercialement, est souvent appelé «robot» par les travailleurs.

Quand vient le moment de choisir des méthodes de contrôle du risque pour protéger les travailleurs intervenant sur de l’appareillage électrique, l’accent devrait toujours être mis sur la prévention plutôt que sur la protection. Le recours aux méthodes plus efficaces du Tableau 2 devrait être considéré en priorité. Si, par impossibilité technique, les méthodes plus efficaces ne peuvent être implantées, les méthodes d’efficacité moindre devraient être considérées par ordre décroissant. Même si le port d’ÉPI s’est avéré relativement efficace au cours des années et qu’il a permis d’éviter beaucoup de blessures chez les travailleurs, nous avons vu que des méthodes plus performantes existent et devraient être davantage présentées dans les sessions de formation en sécurité électrique.


Références bibliographiques

1. GROUPE CSA, Z462-15 (2015) Sécurité en matière d’électricité au travail. 193 p.

2. ANSI/AIHA/ASSE Z10-2012  Occupational Health and Safety Management Systems, 88 p. [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]