Autopsie d’un processus de gestion – Partie 1


Autopsie d’un processus de gestion – Partie 1

Est-il possible de rendre le processus de gestion Lean ?Répondre à une telle question peut paraitre simple, mais ce n’est pas le cas.

Ulysse Mc Carthy

Expliquer comment éviter l’inefficacité, éliminer les tâches à faible valeur ajoutée et minimiser le gaspillage n’est pas une mince affaire. On parle ici de prendre conscience du gaspillage de temps et d’efforts rendus nécessaires par un système de gestion classique, soit celui qui implique trop souvent des procédures en format papier dans des cartables ou en format informatique.

Dans la peau de Marco

Pour y arriver, je vous propose d’entrer dans la peau de Marco, notre superviseur de premier niveau. Ensemble, nous allons autopsier un processus simple et très connu dans le domaine de la SST : l’inspection des lieux de travail et l’application des mesures correctives qui en résultent.

Un processus connu

Quoi de plus banal qu’une procédure d’inspection? Quoi de plus routinier ?

Cette activité se déroule généralement en quatre phases. Il y a l’inspection proprement  dite, la détermination des mesures correctives nécessaires, le suivi de celles-ci et le contrôle de l’activité pour mesurer son efficacité.

Cependant, lorsqu’on s’y attarde, ce processus se révèle plus complexe qu’il n’y parait. Attardons-nous alors concrètement à la gymnastique que demande l’application de cette procédure en nous rappelant que celle-ci est appliquée par chaque acteur à chacune des inspections et cela mois après mois.

L’inspection des lieux

Le processus débute évidemment lorsque Marco se demande s’il doit procéder à une inspection cette semaine. La question se pose, car Marco est responsable de plusieurs types d’inspection. Il y a l’inspection générale des lieux, celle des dispositifs de sécurité des machines, de l’entreposage des produits dangereux, etc.

Certaines de celles-ci sont mensuelles alors que d’autres peuvent être trimestrielles ou annuelles. Pour s’y retrouver, un calendrier fait partie de son programme. Il est conservé dans un cartable ou un dossier informatique et Marco doit souvent le consulter.

Puisqu’il constate qu’il doit procéder à une inspection générale, Marco recherche sa grille de travail dans le réseau informatique, se l’imprime et procède sur le terrain, en prenant des notes manuscrites sur le formulaire. À son retour au bureau plusieurs tâches l’attendent. Il doit rechercher le registre d’inspection dans le réseau informatique, le mettre à jour et le sauvegarder. S’il oublie de modifier le registre, on croira qu’il a oublié de faire son travail. Par la suite, il doit numériser son formulaire sur le réseau ou l’archiver dans un cartable après avoir pris soin de se demander si l’inspection avait révélé des non conformités. Ce processus est schématisé au diagramme 1 (1). Les cases rouges sont à très faible valeur ajoutée et les jaunes, à faible valeur ajoutée. Évidemment nous souhaitons tous que Marco concentre son attention sur les tâches vertes.

Détermination des mesures correctives

Marco a relevé plusieurs non-conformités dont certaines compromettent la sécurité de ses travailleurs. Il doit faire vite, et être efficace. Il a bien évidemment sécurisé les lieux et instauré des actions correctives temporaires lorsque cela était nécessaire. Le voici qu’il recherche sur le réseau informatique le tableau des mesures correctives et compile toutes les non-conformités. Viennent maintenant les deux questions qui tuent. Dois-je procéder à une analyse de risque afin de prioriser les mesures correctives ? Suis-je apte à choisir moi même le correctif le mieux adapté?

Dans le cas où une analyse de risque doit être appliquée, il devra envoyer un courriel au coordonnateur SST afin de l’impliquer. Celui-ci recherchera la grille d’analyse de risques sur le réseau. Ceci fait, il procèdera à l’analyse et proposera une mesure corrective. Évidemment, il nommera un responsable de l’application de la solution et déterminera une échéance réaliste. Finalement, il compilera toutes ses informations dans le tableau des mesures correctives et après avoir sauvegardé le tout sur le réseau, déléguera sa mise en application.

Évidemment si aucune analyse de risque n’est nécessaire et que Marco s’en sent apte, il procèdera lui-même à l’application de la mesure ou en déléguera la mise en application. Ce processus est schématisé au diagramme 2 (1).

Suivi des mesures correctives

Ici cela se complique. Le responsable de l’application de la solution, que nous nommerons Mathieu, un des mécaniciens de l’usine, vient de recevoir un courriel expliquant qu’il doit intervenir.

Mathieu, après avoir recherché le tableau de mesures correctives sur le réseau, détermine si l’application de la solution doit être immédiate. Si elle ne l’est pas, il doit ajouter cela dans sa liste de tâches à faire et s’assurer de ne pas l’oublier. Au moment opportun, Mathieu appliquera la mesure corrective, mettra à jour le même tableau, l’enregistrera sur le réseau et avisera le comité santé sécurité (CSS) qu’une mesure est prête à être auditée. Ledit CSS, après avoir reçu l’information, examine le tableau de mesures correctives, audite la mesure, détermine si la solution est efficace et si la non-conformité est résolue. Si c’est bien le cas, c’est facile. Le CSS ferme la mesure corrective et sauvegarde le tableau sur le réseau. Mais si le comité est d’avis contraire, il en avisera Mathieu et le coordonnateur SST. Ce dernier procèdera lui même à un audit et prendra la décision de modifier la solution ou au contraire jugera qu’elle est suffisante.

Ce processus est schématisé au diagramme 3 (1).

Contrôle de l’activité

Le succès du programme d’inspection devrait reposer sur la qualité d’observation de Marco et sur la capacité de l’organisation à identifier la solution efficace.

Mais dans les faits, la réalité est tout autre. L’efficacité du programme d’inspection, lorsqu’elle est gérée selon une approche classique, est très limitée. D’une part, à cause des nombreux transferts d’informations entre les différents acteurs, beaucoup d’efforts sont con sacrés à la compilation et la sauvegarde de ces données. D’autre part, les indicateurs de performance pouvant être mis en place sont très limités.

En effet, en observant le processus schématisé au diagramme 4 (1), on constate aisément que l’auditeur, qui est souvent le coordonnateur SST, dispose de très peu d’informations pour assumer le contrôle de l’activité. S’il veut contrôler l’exécution de l’inspection lui-même, il peut consulter le registre d’inspection pour vérifier si tous les acteurs ont procédé comme prévu. Il peut aussi consulter le tableau des non-conformités pour vérifi er si les délais sont respectés.

Qualité des observations

Mais s’il lui venait l’idée de contrôler la qualité des inspections ou la qualité des observations, il devra alors rechercher, dans des cartables ou des fichiers informatiques, chacun des formulaires d’inspection et cela pour chacun des départements et chaque type d’inspection.

S’il était inspiré et espérait évaluer la qualité des mesures correctives, il devrait parcourir chacun des tableaux de non-conformité et aller revoir chacune d’elles une à une. Finalement la haute direction, ne se doutant de rien, recevra annuellement un tableau de compilation indiquant le taux de réalisation des inspections et le nombre de mesures correctives réalisées, sans plus. Mais, avec tout ce brouhaha, qu’en est-il de la qualité des observations et la validité des solutions ?

Dans le prochain article, nous reprendrons ce processus simple de gestion, mais en appliquant une approche LEAN. Cela fait toute la différence.