Conception d’un système de corde d’assurance horizontale – Aspect normatifs et règlementaires


Conception d’un système de corde d’assurance horizontale – Aspect normatifs et règlementaires

Un système de corde d’assurance horizontale (SCAH) est une ligne de vie attachée à deux ancrages d’extrémité dans le plan horizontal. Elle offre la mobilité aux travailleurs œuvrant sur une longue portée, le long des surfaces en hauteur.

André Lan
Bertrand Galy

Le travailleur s’attache à la corde d’assurance avec son système personnel d’arrêt de chute (SPAC) pour se protéger du début jusqu’à la fin de ses tâches.

Bien que l’installation d’un SCAH puisse paraitre aussi simple qu’étirer un câble entre deux ancrages, le calcul des forces sollicitant les ancrages et le dégagement minimal requis sous le SCAH pour éviter que le travailleur heurte le sol ou tout objet emmagasiné sur le sol lors d’un arrêt de chute accidentel, peut être extrêmement complexe.

En 2004, l’association canadienne de normalisation (CSA (ACNOR)) a publié la première version de la norme CAN/CSA Z259.16 Conception de systèmes actifs de protection contre les chutes (1) et  l’American National Standards Institute a suivi en publiant en 2009 la norme ANSI/ASSE Z359.6 – Specifications and Design Requirements for Active Fall Protection Systems (2). Ces deux normes donnent les exigences de performance et de résistance qui permettent de concevoir un SCAH. Ces deux normes sont citées dans les règlements du Québec (3) et des USA (4).

Avant la publication de ces deux normes et en l’absence des données expérimentales sur le SCAH, plusieurs méthodes de conception semi-empiriques ont été proposées pour concevoir des SCAH. Quoiqu’elles aillaient tous dans le sens de la sécurité, elles conduisaient souvent à du  surdimensionnement.

Aspects normatifs et règlementaires relatifs  à la conception d’un SCAH Québec

Au Québec, la conception d’un SCAH est régie par le code de sécurité pour les travaux de construction (3). La clause « 2.10.15 Système d’ancrage » du CSTC stipule :

La liaison antichute d’un harnais de sécurité doit être fixé à :
2º un système d’ancrage continu flexible (corde d’assurance horizontale) ayant l’une des caractéristiques suivantes :
a) conforme aux normes minimales suivantes :
I. un câble d’acier d’un diamètre minimum de 12 mm relâché selon un angle minimum de 1 vertical pour 12 horizontal, soit 5º par rapport à l’horizontale
;
II. une distance maximale de 12 m entre les an- crages d’extrémité ;
III. les ancrages d’extrémité doivent avoir une résistance à la rupture d’au moins 90 kN ;
I V. utilisé par au plus 2 travailleurs à la fois ;
b) conçu et installé selon un plan d’ingénieur,  conformément aux normes Systèmes de corde d’assurance horizontale flexibles CSA Z 259.13  et Conception de systèmes actifs de protection contre les chutes CSA Z259.16.
L’article 2 a) prescrit des critères très sévères  qui permettent à un travailleur de mettre en œuvre un SCAH. Ces critères conduisent souvent à du surdimensionnement. Par contre, suivant l’article
2 b), la norme CSA Z259.16 permet à un ingénieur de concevoir le système de corde d’assurance horizontale pour résister à 2 fois la sollicitation maximale engendrée dans le SCAH.

Application Web de l’IRSST

L’IRSST a développé une application Web (5) qui permet de calculer rapidement la force maximale d’ancrage et le dégagement minimal requis sous un SCAH. L’application Web a été validée en comparant les résultats avec ceux d’un logiciel de structure (SAP2000) et les résultats des campagnes d’essais dans le cadre des projets sur des SCAH de l’IRSST(6) (7). Les résultats de l’application Web, de SAP2000 et des essais concordent bien. L’application Web surestime légèrement la force maximale  l’ancrage, en conséquence, le SCAH peut être conçu sécuritairement avec l’application Web de
l’IRSST.

États-Unis

Aux États-Unis, la conception d’un SCAH est régie par le règlement OSHA 1926.502 (4) et la norme ANSI Z359.6 (2). Le Tableau 1 résume les exigences relatives à la conception d’un SCAH d’OSHA.

La norme ANSI Z359.6 — Specifications and Design Requirements for Active Fall Protection Systems (2) reprend la même idée qu’OSHA.

Règle du pouce d’OSHA

Si le SCAH n’est pas conçu par une personne qualifiée, l’appendice C d’OSHA 29 CFR Part 1926 (4) donne une règle du pouce qui permet d’estimer les forces maximales d’ancrage pour concevoir le SCAH. Cette règle stipule que les  cordes d’assurance horizontales peuvent, en fonction de leur géométrie et de leur angle par rapport à l’horizontale, être soumises à des charges plus importantes que la charge d’impact générée dans un cordon d’assujettissement attaché à la corde d’assurance. Lorsque l’angle par rapport à l’horizontale de la corde d’assurance est inférieur à 30 degrés, la charge d’impact transmise à la corde d’assurance par un cordon d’assujettissement attaché à la corde est largement amplifiée. Par exemple, avec un angle de 15 degrés à l’horizontale, l’amplification de charge est d’environ 2:1 et à 5 degrés, elle est d’environ 6:1.

Europe

La norme EN 795 Équipement de protection individuelle contre les chutes : dispositifs d’ancrage (8) couvre les cordes d’assurance horizontales (CAH) temporairement installées. Voici les principales exigences de la norme EN 795
relatives à un CAH temporairement installé.
• La résistance à la rupture minimale du câble, de la corde ou de la sangle qui constitue la CAH doit être au moins deux fois la tension maximale qui peut être générée dans le CAH lors de l’arrêt  d’une chute accidentelle (y compris lorsque deux  personnes ou plus sont connectées simultanément);
• Les autres composants de charge doivent être capables de résister à deux fois la tension maximale qui peut être générée dans la CAH lors d’un arrêt d’arrêt ;
• La corde d’assurance, les raccords et les terminaisons doivent être capables de résister
à 1,5 fois la force de conception autorisée du fabricant ;
• Lors de l’essai dynamique, les charges d’ancrage/la tension et la déviation de la ligne
de vie ne sont pas autorisées à varier de plus de ± 20 % par rapport à celles déterminées par le calcul du fabricant/la méthode de prévision de performance.

Calcul du dégagement minimal

Un autre aspect très important de la conception d’un SCAH est la vérification du dégagement minimal requis sous la corde d’assurance. En effet, le SCAH doit non seulement arrêter la chute, mais éviter que le travailleur heurte le sol ou tout obstacle sur le plancher avant l’arrêt de sa chute. Une méthode pour calculer le dégagement minimal requis d’un SCAH est détaillée dans la norme CAN CSA Z259.16 (1).

Discussion et conclusion

Depuis l’apparition et l’utilisation de SCAH sur les chantiers dans les années 80, plusieurs documents règlementaires et normatifs ont été rédigés dans différents pays et force est de constater que les exigences de conception d’un SCAH par un ingénieur concordent d’un pays à l’autre. Plusieurs organismes, tels que l’IRSST, l’INRS, Ontario-Hydro ont aussi effectué des campagnes d’essais pour mieux comprendre les forces mises en jeu lors de l’arrêt de chute accidentel par un SCAH. Ceci a permis d’affiner les méthodes de conception et de développer des applications Web qui facilitent la conception des SCAH, plus légers, conviviaux et faciles à mettre en œuvre aux chantiers.

À la lumière des résultats d’essais, il appert que les normes minimales du CSTC (3) relatives à un SCAH installé par un travailleur sont sévères et  mériteraient d’être revues dans les prochaines modifications du CSTC. Avec un SCAH avec
des ancrages rigides, 10 m de portée, une corde d’assurance en acier de 1/2 po de diamètre, un cordon d’assujettissement en nylon 3 brins, /8 po de diamètre et une masse de 100 kg chutant librement de 1,2 m, Galy (6) a mesuré une force
maximale d’arrêt de 8,1 kN dans le cordon d’assujettissement et une force maximale d’ancrage de 29,8 kN dans la corde d’assurance. Avec la chute de 2 masses de 100 kg presque en même temps, Sulowski (9) a mesuré des forces maximales d’ancrage de 45,8 kN et des forces maximales d’arrêt de 8,6 kN et 8,7 kN dans les cordons d’assujettissement.

Avec l’utilisation obligatoire d’un absorbeur d’énergie dans la longe du travailleur depuis 2001, les forces maximales d’ancrage générées dans un SCAH sont très inférieures à 90 kN. Par exemple, pour un SCAH de 10 m de portée, infiniment rigide, avec un absorbeur d’énergie E4 qui limite la force maximale d’arrêt à 4 kN dans la longe du travailleur, les forces maximales d’ancrage calculées avec l’outil Web de l’IRSST (3) et validées par les résultats d’essais, sont de l’ordre de 17 kN. En appliquant
l’article 2 b) du CSTC, l’ingénieur peut concevoir le SCAH avec 2 x 17 kN, soit 34 kN versus les 90 kN requis par les normes minimales  du CSTC (3). À cet égard, la règle du pouce d’OSHA apparaît plus raisonnable avec un facteur d’amplification de 6 qui donne une force maximale d’ancrage de 6 x 4 = 24 kN.

Contrairement aux années 80, des nombreux documents règlementaires et normatifs existent maintenant pour concevoir un SCAH. Avant de se lancer dans les calculs, il incombe aux concepteurs de s’assurer qu’ils ont la bonne documentation règlementaire et normative, par exemple le CSTC et les normes CSA pour le Québec et les outils de calcul appropriées pour faciliter leur tâche et pour bien concevoir un SCAH.