CORRIGER LES RISQUES Pourquoi votre suivi a-t-il des ratés ?


CORRIGER LES RISQUES Pourquoi votre suivi a-t-il des ratés ?

Au sein de votre entreprise, on décide… (enfin !) de prendre les choses en mains. On procède à un inventaire des dangers et des risques du milieu de travail. On prend note des risques à la santé et à la sécurité d’une façon systématique. Ce projet suscite l’enthousiasme et la participation d’un peu tout le monde. Pourtant, à peine une année plus tard la majorité des risques repérés ne sont toujours pas corrigés. Est-ce par manque de bonne foi ?

Alain Daoust

Plusieurs se reconnaitront dans cette description. En effet, le nombre d’entreprises petites ou grandes qui se sont butées à cette situation est nombreux. Que ce soit à cause du nombre imposant de risques répertoriés, d’un manque de priorisation des risques les plus importants à corriger ou à l’opportunisme de certains participants à l’exercice qui tiennent à faire passer leurs projets d’ailleurs pas toujours prioritaires d’un point de vue SST.

Dans le premier d’une série d’articles qui vous seront certainement utiles, abordons d’abord les volets normatifs et légaux de ce dossier, car il est impératif de comprendre toute l’importance du repérage des risques en milieu de travail.

L’obligation légale de procéder à l’inventaire des risques

Les législations fédérales et provinciales canadiennes établissent l’inventaire des risques comme fondement du programme de prévention/santé et sécurité du travail (SST). En effet, comment mettre en place un plan d’action sans connaitre au préalable les risques inhérents au milieu de travail, les dangers et les contaminants présents. Cet inventaire doit évidemment comprendre le volet santé et non seulement la sécurité. De plus, le volet santé doit inclure, ne l’oublions pas, les risques psychologiques et psychosociaux.

Au fédéral

La législation fédérale section XIX (19) du Code canadien du travail (CCT) exige l’élaboration d’une méthode de « recensement et d’évaluation des risques. » Cette méthode de recensement est destinée à être la pierre angulaire du Programme de prévention des risques, qui est une obligation. La législation fédérale va jusqu’à décrire les grandes lignes de cette méthode de recensement. Elle doit notamment inclure :

  • la marche à suivre et l’échéancier pour recenser et évaluer les risques ;
  • la tenue d’un registre des risques ;
  • l’échéancier de révision.

Au Québec

La Loi sur la santé et la sécurité du travail du Québec (LSST) contient une obligation semblable. L’article 51.5 dit ce qui suit :

« L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Il doit notamment : (…) utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur. »

Le lecteur aura certainement remarqué la similitude entre ces exigences fédérales et provinciales. Au Québec, la Loi parle de l’obligation d’identifier les risques. Comment atteindre cet objectif ? En les répertoriant via des méthodes reconnues telles que les inspections des lieux de travail, les résultats d’enquêtes d’évènements accidentels, les situations dangereuses rapportées par le personnel, les audits et ce que les normes internationales appellent « l’examen initial. » (1).

Cet inventaire des risques à la santé et à la sécurité, jumelé au registre des postes de travail et des contaminants du milieu de travail sert de base à l’élaboration du programme de prévention et du plan d’action SST. Pour les entreprises des groupes prioritaires I, II et III, qui sont considérées à risques plus élevés, l’inventaire des risques servira à élaborer le programme de prévention alors que pour les entreprises des autres groupes (IV, V et VI) celui-ci sera utilisé pour élaborer le plan d’action santé et sécurité.

Que retenir de ce qui précède ? D’évidence, tant les entreprises des groupes prioritaires et non prioritaires sont tenues de procéder à l’inventaire des risques et à la mise en place d’un plan d’action SST qui en découle.

Les normes nationales et internationales

Qu’en est-il de l’environnement normatif? Le recensement des risques – ou l’inventaire des risques – demeure aussi une obligation.

OHSAS

OHSAS 18001 précise ce qui suit : L’identification des dangers ainsi que l’évaluation et le contrôle des risques doit être la base du système de gestion SST (SGSST) (2). À partir de cette évaluation, le SGSST est ensuite développé en fonction des risques répertoriés.

ILO

L’organisation internationale du travail quant à elle demande à ce qu’un examen initial soit effectué dans l’organisation. Cet examen devra comprendre notamment l’identification, l’anticipation et l’appréciation des dangers et risques pour la sécurité et la santé des employés. Il faut ensuite déterminer si les contrôles envisagés ou existants conviennent pour éliminer ou maitriser les risques (3).

En France

En France, depuis de nombreuses années, l’obligation de créer et de maintenir un registre des risques du milieu de travail est en vigueur. L’état exige des employeurs de compléter le «Document unique,» qui est en fait le registre obligatoire. Évidemment, ce document est complété par les plans d’action visant à corriger les situations dangereuses et en faire le suivi.

Z10 aux États-Unis

La norme américaine ANSI Z10 Occupational Health and Safety Management Systems Standard révisée en 2012 répète cette même exigence d’un examen initial et souligne que celui-ci doit être effectué en tenant compte des résultats d’enquêtes et d’analyses d’accidents et d’incidents, des inspections des lieux de travail, des rapports de situations dangereuses et des audits antérieurs.

Z1000 au Canada

La norme canadienne a été révisée en 2014 et contient l’exigence suivante: « L’organisme doit établir et tenir à jour un processus permettant d’identifier et d’apprécier les phénomènes dangereux et les risques de façon continue. Les résultats de ce processus doivent servir à fixer des objectifs et des cibles ainsi qu’à concevoir des mesures de prévention et de protection. »

De ce qui précède, il y a réellement un consensus sur la responsabilité de l’entreprise de se doter d’un système de gestion SST dont la pierre angulaire est l’examen initial et en continu des risques du milieu de travail. Les entreprises qui ne mettent pas en place un tel système prêtent le flanc à des poursuites judiciaires couteuses et lors d’accidents, en plus des pertes humaines, à l’ouverture de responsabilité criminelle (4).

Les raisons pour lesquelles ça ne marche pas toujours

Demandons-nous à nouveau pourquoi si peu de succès et surtout de maintien de ce genre de programme en entreprise alors qu’il y a obligation pour l’employeur.

L’auteur de cet article, qui a procédé à de nombreuses évaluations d’entreprises en matière de gestion, contrôle et leadership SST, a noté plusieurs raisons (voir Tableau 1). Qu’en est-il de vous chers lecteurs? Êtes-vous prêts à faire une réussite de votre plan d’action en prévention? Je vous invite à remplir le questionnaire d’évaluation qui accompagne cet article et à procéder à une évaluation honnête de votre contexte. Les articles suivants détailleront davantage les solutions pratiques qui vous aideront à créer un environnement de travail sain pour votre personnel et à faire preuve de diligence raisonnable.


Références bibliographiques

  1. Cette nomenclature n’est pas exhaustive. Pour plus de détails sur les méthodes à utiliser, voir: Daoust, Alain. L’Effectif, Dossier Santé et sécurité, La gestion du risque, au cœur du plan de prévention de l’entreprise. Septembre 2004, page 24. Cet article est disponible auprès de l’auteur.
  2. Occupational Health and Safety Assessment Series (OHSAS). À noter qu’une norme similaire est actuellement en préparation (ISO 45001). Elle pourrait voir le jour en 2017. L’auteur de cet article a participé au volet “enquête” de l’élaboration de la norme.
  3. International Labor Organisation (ILO)
  4. Article 217 du Code criminel canadien