Déjouer allergies et contaminants alimentaires


Déjouer allergies et contaminants alimentaires

Les allergies alimentaires font partie du quotidien de plus 300 000 Québécois (1). En plus des éléments associés aux allergies alimentaires, certains composés présents dans la nature et les aliments peuvent aussi causer problème. Lorsqu’on parle d’allergie alimentaire ou de contaminants dans l’alimentation, la grande question est de savoir s’il existe des façons de diminuer les risques de leur
consommation.

Émilie Richard
Marielle Ledoux

D’après Santé Canada, dix allergènes prioritaires sont responsables de près de 90 % des réactions allergiques (1) : les arachides, le blé, le lait de vache, la moutarde, les noix, les oeufs, le poisson et les crustacés (mollusques), le sésame, le soya et les sulfites. De plus, certains composés présents dans la nature et les aliments peuvent aussi causer problème. Par exemple le mercure, qui se retrouve naturellement dans l’environnement, mais qui, à cause des activités humaines, voit sa présence accrue (2). Ce contaminant toxique ne se décompose pas dans la nature et tend à s’accumuler dans les êtres vivants comme les poissons.

Cette chronique vise donc à vous présenter le travail de chercheurs qui s’intéressent aux aliments afin de déterminer si certaines transformations comme la cuisson ou la congélation ne pourraient pas en modifier l’absorption et donc en atténuer l’effet allergénique.

Les allergies

Une réaction allergique est provoquée par une réponse exagérée du système immunitaire face à un allergène. Ce qui cause la réaction d’anticorps face à cette substance, ce sont les protéines de l’aliment (1). Généralement, les protéines sont résistantes à la chaleur, donc que l’aliment soit cuit ou non, le risque de réaction serait le même. Néanmoins, beaucoup d’intérêt est porté sur l’effet de la transformation des aliments sur leur potentiel allergène, à savoir comment il est possible de modifier la structure des protéines causant les réactions allergiques.

Une réaction allergique peut-elle être déclenchée par l’odeur des aliments ? Les protéines n’étant pas des composés volatils, il n’est donc pas possible que l’allergie se déclenche avec les vapeurs de l’allergène en question, à moins d’exception (3,4). Il existe effectivement certaines situations où il peut y avoir des particules de protéines qui se retrouvent dans l’air. Par exemple, lorsqu’on fait cuire des fruits de mer à feu vif, des protéines peuvent se retrouver dans la vapeur. Pour les arachides, il faudrait être physiquement présent dans l’usine où on écale les noix ou encore dans l’usine où on procède à la mouture des grains de blé pour la farine pour que des particules volatiles puissent causer une réaction allergique.

Cuisson et potentiel allergène, un peu d’espoir

Les légumineuses sont des substituts de la viande intéressants pour leur contenu en fibres, en protéines et en glucides complexes ainsi que pour leur faible impact sur l’environnement. L’arachide, le soya de même que le lupin sont des légumineuses contenant des protéines hautement allergènes (5). Une chercheuse du Centre de recherche et de développement d’agriculture et Agroalimentaire Canada à St-Hyacinthe, Mme L’Hocine, s’est penchée sur l’effet de la méthode de cuisson sur le potentiel allergène de ces légumineuses. Le traitement thermique (rôtissage) est souvent utilisé pour les arachides, dans le cas du beurre d’arachides entre autres. Mme L’Hocine a voulu comparer l’effet du rôtissage à l’ébullition sur le potentiel allergène de ces aliments. Elle a constaté que le beurre d’arachides et les arachides rôties sont moins rapidement digérés que les arachides bouillies dans l’eau. Résultat, l’arachide rôtie sera plus allergène puisqu’une plus grande quantité de protéines intactes arrivent dans l’intestin ce qui engendre une réaction immunitaire plus importante (5, 6). De plus, si on ajoute du gras dans la préparation comme pour le beurre d’arachides, la digestion est encore plus lente. Aux États-Unis, les arachides sont surtout rôties, donc plus allergènes, alors qu’en Chine elles sont davantage bouillies ce qui peut expliquer la plus forte prévalence des allergies aux arachides aux États-Unis (6).

Une allergie se développe en deux temps (7)

• La sensibilisation : la première fois que l’allergène entre dans l’organisme, le système immunitaire le perçoit comme un corps étranger. Il y aura production d’anticorps, surtout de type IgE, destinés à détruire spécifiquement l’allergène lors d’une prochaine exposition.
• La réaction allergique : lors d’un nouveau contact avec l’allergène, le système immunitaire est prêt à déployer les anticorps, qui par toutes sortes de réactions tente d’éliminer l’allergène.

Ce qui est positif, c’est qu’en faisant bouillir les légumineuses pour produire des dérivés comme des farines, il sera possible de minimiser le développement de la sensibilisation et ainsi peut être diminuer les allergies alimentaires chez certains individus.

Est-ce que ce même effet est observé pour d’autres allergènes ? Quelques études se sont intéressées à observer si le potentiel allergène des fruits de mer peut être diminué avec la transformation. L’allergie aux fruits de mer est généralement très sévère et se développe surtout à l’âge adulte, contrairement aux autres formes d’allergies qui se manifestent davantage dans l’enfance (1). Contrairement aux légumineuses, la cuisson des crustacés augmenterait le potentiel allergène de ceux-ci puisque suite à la cuisson, davantage de récepteurs aux anticorps IgE se retrouveraient sur l’aliment (8).

Les contaminants naturels

Santé Canada recommande de consommer un minimum de 2 repas de poissons gras par semaine afin de couvrir les besoins en oméga 3, bénéfiques pour la santé du coeur (9). Cependant, la contamination de certaines espèces par des métaux lourds comme le méthyl-mercure préoccupe de plus en plus les chercheurs dans ce domaine. Bien qu’il soit assez répandu de parler du mercure contenu dans le poisson, il faut savoir que la majorité des poissons con sommés au Canada en contiennent peu. Les poissons prédateurs consommant une grande quantité de petits poissons pour se nourrir ont généralement une teneur plus importante en ce contaminant (9). Bien que le mercure peut se retrouver dans d’autres aliments tels que les viandes, la volaille, les produits laitiers, les oeufs, certains fruits et légumes, c’est la consommation de certains poissons qui représente le facteur d’exposition le plus important chez l’humain. Le tableau 1 répertorie les différentes recommandations de consommation des poissons afin de minimiser les risques de contamination au mercure.

Il faut savoir que le mercure ne s’évacue pas naturellement du corps humain, c’est pourquoi il faut prévenir une accumulation de ce produit. M. Marc Amyot de l’Université de Montréal s’est intéressé à l’absorption du mercure lorsque le poisson est consommé cuit ou cru (12). En laboratoire, il a recréé la digestion du poisson afin d’évaluer si la quantité de mercure pouvant être absorbée diminuait selon le mode de cuisson. Il a constaté que la cuisson permettait de diminuer la bioaccessibilité du méthyl-mercure de 80 % (12). De plus, lorsque le poisson cuit est consommé avec du thé vert ou noir ou du café, l’absorption du mercure est également minimisée, comme quoi ces boissons, comme la cuisson, restreignent l’entrée du mercure dans l’organisme. Bien que ces expérimentations aient été produites in vitro, on peut penser que la cuisson serait protectrice et qu’il ne serait pas nécessaire de restreindre autant notre consommation de poisson selon M. Amyot (12).

Conclusion

Les résultats des études sur l’absorption des allergènes et des contaminants sont prometteurs, mais comme elles ont été faites en laboratoire, il faut maintenant évaluer si les mêmes effets sont observés chez l’humain. Les allergies sont des réactions complexes qui varient d’une personne à l’autre, mais qui ne peuvent être prises à la légère. Bien que l’effet des transformations alimentaires sur les aliments soit intéressant, il faudra étudier davantage ces phénomènes avant de déclarer qu’une arachide est sécuritaire pour une personne allergique.