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OPINION

Détection des gaz en milieu agricole Encore deux décès

Christian Rousseau1

Encore une fois, un travailleur n’a pas reconnu qu’il y avait un danger à entrer dans un silo et, encore une fois, une personne a eu comme première réaction d’aller la sauver.

J’étais justement en Beauce au moment où j’ai pris connaissance de cette information. Toute une information. Plus je vieillis et plus je suis affecté par ce genre de nouvelle triste et plus je me dis qu’il faut continuer de se lever tôt afin de partager nos connaissances en santé et sécurité. Je dirais même plus qu’il faut continuer à travailler à convaincre les gens de l’importance de la santé et sécurité. Con­vaincre étant ici le mot-­clé. Tout le monde en Beauce était affecté par cette triste nouvelle. C’était le sujet de conversation dans les entre­prises, chez les travailleurs municipaux, les res­taurants et surement dans toutes les familles de la région. La vague est énorme sur les im­pacts que ce genre d`accident peut faire sur plusieurs personnes.

Au risque de me répéter, le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) est simple et facile à lire. Il s’agit maintenant de l’appliquer. En voici un extrait en rapport avec la détection des gaz et surtout, avec le coté habilité à faire le travail.

298. Travailleurs habilités : Seuls les tra­vailleurs ayant les connaissances, la forma­tion ou l’expérience requises pour effectuer un travail dans un espace clos sont habilités à y effectuer un travail.

299. Interdiction d’entrer : Il est interdit à toute personne qui n’est pas affectée à effectuer un travail ou un sauvetage dans un espace clos, d’y entrer. 

300. Cueillette de renseignements préalable à l’exécution d’un travail : Avant que ne soit entrepris un travail dans un espace clos, les renseignements suivants doivent être disponibles, par écrit, sur les lieux mêmes du travail :
1 °ceux concernant les dangers spécifi­ques à l’espace clos et qui sont relatifs :
a) à l’atmosphère interne y prévalant, soit la concentration de l’oxygène, des gaz et des vapeurs inflammables, des poussières combustibles présentant un danger de feu ou d’explosion, ainsi que des catégories de contaminants généralement susceptibles d’être présents dans cet espace clos ou aux environs de celui­-ci ;
b) à l’insuffisance de ventilation natu­relle ou mécanique.

Ici, une analyse de risque conforme nous aurait spécifiquement informé d’une possibi­lité et d’un risque de présence du H2S, CO2, NO2 ou autres gaz à des concentrations dangereuses pour la santé et la vie humaine.
H2S, CH4, NO2, CO, NH3, CO2 sont tous des gaz à surveiller en continu dans le secteur agricole au Québec, au Canada, mais aussi, partout ailleurs dans le monde.

Pourquoi ?

Tout le monde doit connaitre et appliquer la règlementation qu’il soit fermier, de l’Union des producteurs agricole (UPA), de la Com­mission des normes de l’équité de santé et de la sécurité du travail (CNESST), d’un service public ou autre.

Je suis malheureusement, sans réponse. Je ne vois pas autre chose que cette fameuse phrase, on va prendre une chance que ça n’arrive pas, d’ailleurs on a toujours fait ça et ce n’est jamais arrivé en 10  ans. Souvent, voire la plupart du temps, ils ont raison. Mais pas toujours !

17 heures 16 minutes exactement, les pom­piers de Beauceville sont appelés à intervenir sur les lieux de l’accident. Le hasard des choses fait que le premier qui arrive sur les lieux est un cousin de la victime. C’est à l’arrivée du deuxième pompier que les tentatives de com­muniquer avec les deux personnes à l’intérieur du silo sont sans retour. C’est ce qui confirme que les deux personnes à l’intérieur sont éva­nouies, surement dû au gaz. Il y a eu une ex­cellente réaction du père de la victime qui, au moment d’avoir pris connaissance de la situa­tion, a fait les procédures pour produire de la ventilation. Plusieurs auraient réagi en allant à l’intérieur pour chercher ses proches, mais il n’aurait surement rien fait d’autre que de de­venir une troisième victime. Dans les circons­tances, le réflexe du père d’une des deux victimes fut le meilleur vu le manque d’équi­pement pour effectuer le sauvetage. C’est avec l’aide du service incendie de St­-George de Beauce que, finalement, les pompiers ont pu entrer avec un détecteur de gaz et un appareil respiratoire autonome. Déjà sur les lieux, plein de curieux arrivaient de partout. Avec les médias sociaux, c’est le genre d’information qui voyage très rapidement. La gestion du public devient un enjeu presque aussi impor­tant que le sauvetage lui-­même ou la récupé­ration des corps dans cette situation. C’est seulement vers les 23  h  30  que le dossier se ferme et que les intervenants retournent à la maison, mais non sans blessure sur ce qu’ils viennent de vivre. C’était une première pour presque tout le monde. Prendre note ici que la ventilation faite par le père a été très efficace vu que les lectures sur le détecteur de gaz étaient normales au moment où les pompiers sont entrés à l’intérieur du silo.

Pas facile de trouver du positif dans cette histoire, mais il y en a. Premièrement, au risque de me répéter, excellente réaction du père d’une des deux victimes et pareillement pour tous les pompiers et autres intervenants. Malgré cette situation d’urgence, personne n’a mis sa propre vie en danger. Le drame aurait pu être pire. Le drame aurait aussi pu être facilement évité si la première personne qui est entrée dans le silo avait suivi les procédures du RSST. L’utilisation d’un simple détecteur de gaz au­rait évité de faire sonner les pagettes du ser­vice incendie à 17 h 16.

Merci à Daniel Fortin, Directeur du Service sécurité incendie de Beauceville (SSIB) pour son témoignage.


1 – Christian Rousseau – [crousseau@indsci.com]