Droit du patient OU de l’accidenté?


Droit du patient OU de l’accidenté?

À la suite d’un accident de travail, Josiane désire être suivie par le docteur Oboyeux, bien qu’il ne soit pas son médecin de famille. L’agente de la CNESST refuse de reconnaître son statut de médecin qui a charge puisqu’il n’est pas son médecin de famille et que sa clinique est trop loin. Josiane est-elle obligée de changer de médecin ? Peut-elle changer de médecin par la suite ?

Virginie Maloney

En effet, en ce qui concerne les droits des travailleurs face à leur suivi médical, plusieurs rumeurs erronées sont souvent véhiculées.

Le médecin qui a charge a un rôle bien particulier, puisqu’il décide du diagnostic, des traitements, de la date de consolidation, de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles du travailleur. Devant cette réalité, il n’est pas rare qu’une victime de lésion professionnelle croit à tort que le rôle du médecin est augmenté par le régime des accidents du travail, et les droits du patient diminués par le même fait. Pourtant, les droits du patient face à son médecin demeurent en tout temps ceux prévus par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et le Code de déontologie des médecins. Que le patient soit suivi pour une lésion professionnelle n’a aucune incidence sur ceux-ci, sous réserve de certaines nuances. Nous discuterons donc des droits du travailleur victime d’une lésion professionnelle face à son médecin traitant, sous la loupe des droits de l’usager dans le réseau de la santé.

Le droit de choisir son médecin

En reprenant notre exemple précédent, la réponse serait non. Josiane n’a pas besoin de changer de médecin traitant malgré les commentaires de l’agente. Le droit de choisir son médecin traitant et l’établissement dans lequel les soins seront prodigués est un principe bien établi qui découle du droit à l’autodétermination et à l’inviolabilité de la personne. Lorsqu’un patient accepte d’être traité par un médecin, un contrat médical est conclu entre le médecin et son patient. La pierre angulaire de ce contrat est le consentement du patient qui repose sur deux critères : soit d’être libre et éclairé (1). Il doit être donné libre de toute contrainte et le patient doit être informé des risques et avantages des traitements. Toujours débattue, notons que la notion de consentement dans le cadre du contrat médical fait couler beaucoup d’encre depuis longtemps.

Plus particulièrement en matière de lésion  professionnelle, le régime des accidents du travail consacre aussi le droit de choisir son professionnel de la santé (2) et de choisir l’établissement où il recevra ses traitements (3). Le travailleur peut également changer à tout moment de médecin traitant, il lui suffit d’aviser la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) du changement de médecin (4).

Les obligations du médecin qui a charge

Les obligations qui s’imposent au médecin découlent d’un corpus législatif impressionnant, qui s’applique à l’ensemble des patients. À l’instar de tout patient, le travailleur est en droit de s’attendre de son médecin qui a charge qu’il l’informe de la nature des traitements, qu’il lui prodigue les soins requis par son état de santé et qu’il soit traité de manière respectueuse. Le devoir de traiter du médecin lui impose d’assurer un suivi médical (5), de soigner et de prescrire les tests pertinents. Le travailleur peut également être accompagné par un proche lors des rencontres avec son médecin.

Ainsi, le travailleur qui n’a pas de médecin de famille avant sa lésion professionnelle sera suivi par le premier médecin rencontré (6). Par ailleurs, le médecin a un devoir de compétence et devra référer son patient à un spécialiste, en certaines circonstances (7). Dans ce contexte, bien que le suivi d’une lésion professionnelle impose un poids administratif accru pour le médecin, il doit tout de même assurer un suivi conforme à ses obligations déontologiques et légales.

Certains points particuliers sont à ajouter en matière de suivi d’une lésion professionnelle. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) prévoit spécifiquement une obligation pour le médecin qui a charge d’informer son patient lorsqu’il consolide son patient et qu’il émet un rapport final (8). Par ailleurs, le médecin ne peut refuser de faire une attestation, un avis ou un rapport médical (9), sous peine de sanctions pénales.

L’accès au dossier médical

Le patient a le droit de recevoir une copie de son dossier médical (10) et de se le faire expliquer par une personne compétente. De surcroit, le dossier doit être lisible ; attention aux pattes de mouche (11)! Dans le cas d’un dossier illisible, le patient est d’ailleurs en droit de demander une transcription du dossier.

Le médecin traitant a un devoir de confidentialité envers son patient et ne peut donc pas, sauf exception, transmettre des informations confidentielles à des tiers sans l’autorisation du patient (12). En matière de lésion professionnelle, c’est ici que des nuances s’appliquent lorsque le suivi concerne un patient atteint d’une lésion professionnelle.

La LATMP prévoit que la CNESST peut demander une copie du dossier médical du patient, et ce, sans autorisation au préalable. De plus, le professionnel de la santé désigné par l’employeur peut également avoir accès au dossier médical concernant la lésion professionnelle auprès de la CNESST (13). Dans la plupart des cas, l’employeur finira tôt ou tard par obtenir une grande partie des informations médicales confidentielles prévues, puisqu’il recevra une copie du rapport d’expertise médicale, dans lequel on retrouve un résumé du dossier (14).

A-t-on le droit de refuser des traitements ?

Le patient doit consentir aux traitements proposés par son médecin. Il a le droit de refuser tout traitement, sauf en cas d’ordonnance du tribunal. Il s’agit du principe général qui découle à nouveau, de l’inviolabilité de la personne. Nous le rappelons, le médecin doit obtenir un consentement libre (exempt de toute contrainte) et éclairé.

Cependant, en matière de lésion professionnelle, que se passe-t-il lorsque le travailleur refuse des traitements qui pourraient le guérir, atténuer les limitations fonctionnelles, ou réduire les délais de traitements? Il appert que le travailleur doit se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu’une intervention chirurgicale, et ce, sous peine de se faire suspendre son indemnité (15). Dans ce contexte et faisant fi des principes de l’inviolabilité de la personne, le travailleur doit se soumettre au traitement reconnu, sinon il s’expose à la suspension de ses indemnités. Il peut toutefois démontrer qu’il avait une raison valable de refuser, par exemple en justifiant qu’il n’acceptait pas les risques du traitement.

Conclusion

En conclusion, le suivi médical du travailleur doit se faire selon les principes de base applicables à tout patient, sauf si une exception est prévue dans la LATMP. Afin d’éviter certains pièges, il importe de demeurer à l’affut des règles applicables au droit des usagers du réseau de la santé.