NUTRITION

ÉLIMINER LES VIANDES DE L’ALIMENTATION
Solution au réchauffement climatique?

Marielle Ledoux1

L’année 2019 a été fertile en rapports, déclarations et prises de position pour contrer le réchauffement climatique et en limiter les effets. Parmi ceux-ci, le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en a amené plusieurs à suggérer qu’il fallait se tourner vers une alimentation végane ou végétarienne pour limiter la production de gaz à effets de serre.

 

Est-ce vraiment LA solution aux problèmes climatiques de la planète pas plutôt nuancer les propositions qui ? Ne devrait-on nous sont faites? Un beau défi qui oblige un retour aux sources.

Que dit le rapport 2019 du GIEC?

Le secrétaire général de l’ONU cité dans l’avantpropos du rapport (1) reprend les données de l’Organisation Mondiale de la Météorologie confirmant que les 18 années les plus chaudes enregistrées depuis 1850 ont eu lieu au cours des deux dernières décennies. De plus, les changements climatiques actuels affectent déjà les populations, les écosystèmes et les milieux de vie à travers le monde. Les conséquences anticipées d’un réchauffement climatique de 1,5°C sont importantes (Tableau 1). Selon le Panel intergouvernemental sur les changements climatiques (IPCC) (2), limiter les hausses de température à 1,5°C est réalisable dans le cadre actuel des connaissances chimiques et physiques, mais ceci implique des changements importants dans toutes les sphères de la société. En résumé, une meilleure gestion des terres, mais aussi une réduction de la production des gaz à effets de serre dans tous les secteurs d’activité sont donc nécessaires pour limiter cette hausse de réchauffement climatique.

Des actions à prendre dès maintenant

Pour y arriver, plus de 200 scénarios ont été analysés par l’IPCC qui propose quatre grandes familles de scénarios. De façon générale, les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites au minimum, ce qui ne pourra être atteint que par des changements d’infrastructures et par une amélioration des modes de production d’énergie et donc, de l’efficacité énergétique. Il faudra non seulement produire mieux, mais aussi de consommer moins d’énergie en transport, chauffage, climatisation, etc.

Les terres devront demeurer productives pour maintenir la sécurité alimentaire et limiter les effets négatifs sur les inégalités sociales partout dans le monde. Il faudra donc limiter la déforestation aux dépens des surfaces agricoles, penser reboisement des forêts et mise en place de cultures énergétiques adaptées aux conditions locales, en sachant que plantes et arbres demandent du temps pour capter et stocker du carbone.

D’après Jim Skea et Hans Otto Pörtner, coprésidents du Groupe de travail II du GIEC, une gestion durable des sols aiderait à faire face aux changements climatiques puisqu’à l’heure actuelle les terres émergées jouent un rôle important dans le système climatique. En effet, l’utilisation des sols engendre environ 23 % des émissions de gaz à effet de serre. Par contre, les processus terrestres naturels absorbent près du tiers des émissions dues aux combustibles fossiles et aux industries.

En quoi ceci concerne-t-il notre alimentation quotidienne?

D’après les experts de l’IPCC, les changements climatiques ont une incidence sur les piliers de la sécurité alimentaire que sont la disponibilité et la stabilité de l’approvisionnement des aliments, l’accès à des aliments de qualité à cout raisonnable, et l’utilisation et la capacité de cuisiner des aliments de bonne valeur nutritionnelle. Une action concertée dans la lutte aux changements climatiques pourrait donc à la fois améliorer la qualité des sols, la sécurité alimentaire et la nutrition tout en éliminant la faim. Même si ce qui a été retenu du rapport du GIEC semble être la solution radicale d’éliminer la viande et toute source de protéine animale, ce dernier présente un portrait beaucoup plus nuancé. Parmi les principaux points à considérer dans tout ce dossier, il faut reconnaitre que:
1. Les effets seront très variables d’un pays à l’autre, mais plus marqué dans les pays à faible revenu d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes;

2. Le tiers des aliments produits actuellement à travers le monde sont perdus ou gaspillés
pour des raisons très variables d’une région à l’autre;

3. Certains choix alimentaires utilisent davantage de terres et d’eau et causent plus de gaz à effet de serre que d’autres.

Cependant, Debra Roberts coprésidente du Groupe de travail II du GIECC mentionne:
«Les régimes alimentaires équilibrés riches en aliments d’origine végétale tels les céréales
secondaires, les légumineuses, les fruits et les légumes, et les aliments d’origine animale produits de façon durable dans des systèmes à faibles émissions de gaz à effet de serre offrent de bonnes possibilités d’adaptation aux changements climatiques et de limitation de ces changements» (3).

Le rapport propose donc de modifier notre régime alimentaire en faisant plus de place à des sources d’origine végétale variées sans exclure les produits d’origine animale de notre consommation alimentaire. Il fait aussi ressortir l’importance d’éliminer le gaspillage par une meilleure répartition des ressources et une utilisation judicieuse des terres afin de préserver les sols en limitant la déforestation. Toutes ces avenues visent à établir des politiques globales pour favoriser la gestion durable des terres et garantir un approvisionnement alimentaire stable et de qualité aux populations tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Ces propositions vont dans le même sens que les recommandations du nouveau Guide
Alimentaire Canadien qui réduit l’apport des sources protéiques dans l’assiette du consommateur, mais qui inclut dans ces sources des produits d’origine végétale et animale. On y recommande aussi de réduire l’apport d’aliments transformés et ultra-transformés, donc de prendre le temps de cuisiner plus et de choisir le plus possible des aliments produits localement.

Conclusion

En guise de conclusion, il ne faut pas oublier qu’il est toujours préférable de manger un peu
de tout pour ne manquer de rien. Cette façon de s’alimenter serait un pas dans la bonne direction afin de réduire les problèmes de santé tels obésité, certains cancers et maladies cardiovasculaires associés à une surconsommation alimentaire. En terminant, rappelons cette phrase citée en préface du rapport du GIECC «Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible» (4).


 

1 – Marielle Ledoux- DT.P., PH. D. PROFESSEURE ÉMÉRITE, DÉPARTEMENT DE NUTRITION, FACULTÉ DE MÉDECINE, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Références bibliographiques

    1. International Panel on Climate Change. (2019) Global warming of 1.5 °C. (Rapport complet). [www.ipcc.ch].
    2. International Panel on Climate Change. (2019) Rapport spécial sur un réchauffement planétaire de 1,5 °C. [http://www.ipcc.ch/report/sr15/]. Vérifier le 10 avril 2020.
    3. GIEC. (2019) Communiqué de presse du GIEC. 8 Aout 2019. Changement climatique et terres émergées. [https : //www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2019/08/2019-PRESS-IPCC-50th-IPCC-Session_fr.pdf]. Vérifié le 10 avril 2020.
    4. Saint-Exupéry, Antoine de. (1948) Citadelle. Gallimard.