ÉQUIPEMENTS DE PRODUCTION SÉCURITAIRES Sélection et achat


ÉQUIPEMENTS DE PRODUCTION SÉCURITAIRES Sélection et achat

Lorsqu’une entreprise désire acheter un nouvel équipement pour la production, beaucoup de détails sont inclus dans la demande d’achat, pour décrire les caractéristiques et les performances exigées. Mais qu’en est-il des exigences concernant la sécurité des utilisateurs qui auront à interagir avec cet équipement ?

Benoît Giroux

En effet, il est commun que l’acheteur décrive avec détails le fonctionnement attendu de l’équipement, sa productivité, ou son taux de rejet par exemple. Les aspects sécuritaires importants sont trop souvent absents de la liste des exigences que l’on retrouve généralement dans les cahiers des charges et les spécifications d’achat des nouveaux équipements de production.

Alors, quand on veut acheter un équipement de production sécuritaire, par où commencer?

Il faudrait tout d’abord définir ce qu’est un équipement de production. Il s’agit d’un équipement acquis par une entreprise dans le but d’être utilisé uniquement à des fins professionnelles. Cet équipement contribue directement au processus de production de l’entreprise en transformant, conditionnant, façonnant et manipulant de la matière première afin d’obtenir un produit fini. Lorsque cet équipement est en fonction, diverses situations dangereuses peuvent être engendrées. Bien souvent ce sont des parties de machines en mouvement qui sont accessibles, mais on retrouve également des sources de bruit ou de vibrations, des émanations de contaminants toxiques, des pièces porteuses de tension électrique, ou des sources de haute température.

Lois et règlements

Tous ces éléments dangereux peuvent affecter l’intégrité physique des utilisateurs ou être la source de maladies professionnelles. Heureusement, dans une société industrialisée comme la nôtre, des lois et des règlements protègent les utilisateurs d’équipements de production. Au Québec, un régime est en place dans le but de prévenir les accidents et les maladies professionnelles en milieu de travail. Un pilier important de ce régime est la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) qui traite de la prévention des accidents de travail, et qui établit les droits et les obligations pour les employeurs et les travailleurs. L’article 51 de cette loi stipule qu’il est de la responsabilité de l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur, notamment en fournissant des équipements sécuritaires et en assurant leur maintien en bon état (1). L’article 63 de la même Loi s’adresse aux fournisseurs en disant que nul ne peut fabriquer, fournir, vendre, louer, distribuer ou installer un équipement, à moins que celui-ci ne soit sécuritaire et conforme aux normes prescrites par règlement (1). Ces deux articles de la LSST, lorsque respectés, font en sorte que le risque d’accident grave ou des lésions professionnelles chez les utilisateurs sont fortement réduits lorsque l’équipement de production est correctement utilisé.

Chez nos voisins ontariens, il est obligatoire qu’un examen préalable de santé et de sécurité, nommé Pre-Start Health and Safety Review ou PSR, soit effectué avant la mise en exploitation d’un nouvel équipement de production. Le résultat du processus est un rapport qui détaille les mesures nécessaires pour rendre le nouvel équipement conforme aux lois et aux règlements de SST en vigueur en Ontario. Ce type d’examen n’est actuellement pas obligatoire au Québec, mais certaines entreprises québécoises, ayant une filiale en Ontario, ont adopté cette mesure.

Clause de sécurité

Les exigences légales et règlementaires que nous venons d’aborder nous donnent une base solide pour définir la partie traitant de la sécurité des utilisateurs lors de notre spécification d’achat d’équipements. Ces exigences pourraient être consignées dans une section du cahier des charges ayant pour titre, par exemple, «Clause de sécurité des utilisateurs de l’équipement». Une première exigence de cette section serait le respect des lois en matière de santé et de sécurité du travail comme nous l’avons vu avec les articles 51 et 63 de la LSST. Une deuxième exigence serait le respect des prescriptions contenues dans le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST). Ce document apporte, à travers ses nombreux articles, des prescriptions détaillées qui, une fois implantées, permettent de respecter les exigences de la LSST. C’est dans ce document que l’on retrouve l’article 182 qui stipule qu’un équipement doit être construit de manière à rendre ses zones dangereuses inaccessibles (2). On retrouve également l’article 192 qui stipule que les équipements dont le fonctionnement nécessite la présence d’au moins un travailleur doivent être pourvus d’un dispositif d’arrêt d’urgence. Enfin l’article 188.2 indique que le cadenassage, ou toute autre méthode qui assure une sécurité équivalente doit être appliqué lors des interventions de maintenance sur un équipement de production (2). Ceci implique donc que l’équipement soit pourvu de dispositifs d’isolement permettant de couper et de purger les diverses sources d’énergie qui l’alimente.

Normes

Une autre série d’exigences qui pourraient être ajoutées dans notre clause de sécurité sont celles que l’on retrouve dans les différentes normes. Au cours des dernières années, beaucoup de normes traitant de la sécurité des équipements ont été émises par des organisations reconnues, notamment le Canadian Standard Association (CSA en anglais ou ACNOR en français), l’International Organization for Standardization (ISO) et l’American National Standards Institute (ANSI). C’est le cas de la norme CSA Z432-04, une norme canadienne qui énonce une série d’exigences pour la protection contre les machines et les équipements dangereux. On retrouvera dans cette norme générale des prescriptions sur la conduite d’appréciation du risque sur un équipement dangereux, mais également, des détails sur les mesures pouvant être implantées pour pouvoir traiter ces risques. Dans le cas d’équipements génériques, tels que les machines-outils, les appareils de levage, les cellules robotisées, les presses mécaniques et beaucoup de composantes de ligne de production, il existe des normes de sécurité dédiées pour chacun. Ces normes dites «de type C» font l’inventaire des risques qui émanent de l’équipement générique puis propose des mesures de réduction des risques pouvant être implantées sur l’équipement pour le rendre sécuritaire. La plupart de ces normes sont à utilisation volontaire, donc non obligatoire, mais l’implantation de leurs prescriptions permet l’atteinte des exigences que l’on retrouve dans les lois et les règlements. La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), à travers son centre de documentation, publie un répertoire énumérant toutes les normes relatives à la sécurisation d’équipements dangereux (3) et elles peuvent être empruntées pour consultation. Sachant que l’équipement que l’on doit se procurer fait l’objet d’une norme de type C, il serait judicieux d’inclure la référence normative dans la clause de sécurité de la demande d’achat. Enfin, il existe également des normes prescrites par règlement, donc obligatoires, qui régissent la sécurité des équipements, dont le Code canadien de l’électricité. On retrouve dans ce code l’article 2-024 qui stipule que tout équipement électrique doit être approuvé pour l’usage auquel il est destiné (4). Le terme «approuvé» signifie qu’un organisme de certification accrédité par l’ACNOR a certifié cet équipement selon les normes CSA. Cette certification permet une réduction des risques d’électrocution ou d’incendie qui pourraient être occasionnés par des composantes électriques non conformes.

Exigences complémentaires

Une fois la section du cahier des charges «clause de sécurité» complétée avec les références légales, règlementaires et normatives pertinentes à l’équipement devant être acheté, des exigences complémentaires devraient être ajoutées. L’acheteur pourrait exiger que le fournisseur effectue une appréciation du risque sur l’équipement et qu’il lui fasse parvenir les résultats de cette étude avant de procéder à l’expédition. Cette demande est totalement légitime, surtout dans le cas d’équipements construits sur mesure. Dans le cas de projets d’envergure, certaines entreprises n’hésitent pas à envoyer leur acheteur chez le fournisseur dans le but de s’assurer que l’équipement dispose de tous les dispositifs de protection nécessaires avant que celui-ci ne soit livré. Si des modifications doivent être apportées à l’équipement, il sera plus économique de le faire dans l’atelier du fournisseur plutôt que chez l’acheteur. Enfin, un manuel d’opération sécuritaire de l’équipement devrait être fourni. En plus d’expliquer comment utiliser l’équipement de façon sécuritaire, le manuel indiquera comment gérer les risques résiduels pouvant subsister après l’implantation des mesures de réduction de risques.

Outre les performances de production, nous avons vu dans cet article qu’il faut également incorporer une clause de sécurité dans le cahier des charges utilisé dans le processus d’achat d’un nouvel équipement. Nous avons vu qu’avec l’article 63 de la LSST, un fournisseur est obligé de vendre un équipement sécuritaire. Pour ce qui est de l’acheteur, celui-ci est dans l’obligation de fournir des équipements sécuritaires à ses travailleurs en vertu de l’article 51 de la même loi. Des références à des articles pertinents du RSST ainsi qu’à des normes de type C, le cas échéant, indiqueront au fournisseur comment traiter les risques pouvant émaner de l’équipement. Enfin, l’exigence d’obtenir les résultats d’une appréciation du risque dans le cas d’un équipement sur mesure et l’obtention d’un manuel d’opération sécuritaire garantiront que l’équipement, qui sera acheté, sera sécuritaire pour les utilisateurs.