Fatigue et somnolence au volant


Fatigue et somnolence au volant

Conduire quand on est fatigué, c’est dangereux. Conduire quand on somnole, c’est mortel. Un conducteur sur deux prend la route avec un déficit de sommeil alors que la fatigue représente la première cause d’accident sur le réseau autoroutier.

Denis Corriveau

Qu’on se le dise, la fatigue et la somnolence au volant doivent être prises très au sérieux.

C’est au conducteur seul qu’incombe la responsabilité de maintenir sa totale vigilance devant, justement, le danger d’une perte progressive de cette vigilance. La mission est possible pour qui sait s’en rendre compte dès l’apparition des premiers symptômes tout comme devrait le faire un conducteur en état d’ébriété qui convient de la précarité de son état, décide de faire une sieste, laisse la clé de son véhicule à un autre ou prend un taxi.

Savez-vous que vous êtes plus à risque de vivre ces terribles situations si :

  • Vous êtes un homme puisque deux fois plus d’hommes que de femmes se sont endormis au volant.</li>
  • Vous avez moins de 30 ans, car ce groupe d’âge récolte 45 % des décès liés à la fatigue.
  • Vous travaillez sur la route.
  • Vous avez un horaire de travail irrégulier.
  • Vous souffrez de troubles de vigilance ou du sommeil comme l’insomnie, l’apnée du sommeil, la narcolepsie ou autres.
  • Vous conduisez plusieurs heures d’affilée.
  • Vous roulez sur une autoroute ou un chemin rural en ligne droite.
  • Vous êtes sous l’influence de l’alcool, de drogue et/ou d’une médication.
  • Vous êtes en dette de sommeil.

Question

Quand un conducteur est ainsi affaibli par la fatigue, comment lui est-il donc possible d’en venir à s’observer lucidement, puis d’appliquer les moyens requis pour éviter de sombrer dans la phase de microsommeils précédant l’endormissement ?

Prévention

Une grande partie de la réponse se trouve dans la prévention. Il est alors primordial, dès aujourd’hui, de ne plus sous-estimer l’insidieux danger de l’hypovigilance au volant, cet état se situant entre la veille et le sommeil. Que ce soit pour soi, pour sa famille, pour les personnes sous sa responsabilité et pour ses amis qui quittent la maison en fi n de soirée, cela devient essentiel.

Signes avant-coureurs de la somnolence

Par sa propre observation, mais aussi par celle du passager, le conducteur attentif sait déceler les premiers indices de réduction de sa perception visuelle, de sa faculté de penser et de sa motricité. Voici les principaux signaux d’alerte :

  • paupières lourdes ;
  • clignements des yeux ;
  • illusions d’optique ;
  • bâillements ;
  • concentration difficile ;
  • cognement de clous ;
  • manque de coordination des mouvements ;
  • maladresses et lenteurs des réactions dans des situations simples ;
  • nécessité de bouger ou de changer de position fréquemment ;
  • mauvaises perceptions des distances ;
  • louvoiements ;
  • oubli de sa sortie d’autoroute ;
  • vitesse inconstante et/ou abusive ;
  • augmentation de l’irritabilité et de l’agressivité.

Les trois règles de vigilance

Pour rester praticopratique, je vous présente trois groupes de règles permettant aux conducteurs soucieux de se dépêtrer de cette périlleuse position.

Les règles d’or

Les seules recettes qui vaillent pour éliminer tout danger de s’endormir au volant sont les suivantes.

  • Dormir suffisamment avant de prendre la route. Des études ont montré que 17 heures de veille équivalent à un taux d’alcoolémie de 0,5 g/l dans le sang, alors que 24 heures sans dormir feraient osciller la jauge de l’éthylotest à 1,0 g/l. Personne n’ignore que la limite acceptée par la législation québécoise relative à l’alcool au volant est de 0,8 g/l.
  • Laisser le volant à quelqu’un d’autre.

    Les règles d’argent

    Il existe également des actions pouvant être mises en application pour réduire les risques de s’endormir quand on conduit. Le conducteur doit toutefois demeurer sur ses gardes, car elles ne sont en rien une garantie absolue.

  • Éviter de conduire à des moments de la journée où vous dormez normalement.
  • Si vous avez une dette de sommeil, s’interdire la conduite de nuit et sur une grande distance. Les moments de la journée où l’endormissement atteint son pic sont entre 2 h à 7 h et entre 14 h à 16 h.
  • Ne pas conduire plus de 6 à 8 heures en ligne sur un long trajet, en le ponctuant d’une pause de 15 à 20 minutes aux 2 heures. Le temps de réaction double après 2 heures de conduite.
  • Profiter de ces haltes pour s’étirer, faire un peu d’exercice, marcher ou courir, favorisant alors l’oxygénation, le rétablissement de la circulation sanguine et incidemment le désengourdissement. L’hiver, se frotter vigoureusement la figure et les poignets avec de la neige pour se ranimer.
  • Éviter de regarder l’heure et faire un petit somme d’une quinzaine de minutes. Mieux : pour obtenir des performances cognitives sou tenues, les experts du sommeil préconisent une sieste de 20 à 60 minutes. Encore mieux : dormir dans le lit confortable d’une chambre de motel qu’il est souvent possible de louer pour quelques dollars pendant une courte période.
  • Éviter alcool, drogues ou médicaments. Combiner une de ces substances à la fatigue, même en quantité minime, accroit exponentiellement le risque de tomber endormi.

Les règles de bronze

Je ne saurais passer sous silence quelques autres trucs qui stimulent un peu le conducteur. Leurs effets sont malheureusement temporaires. Ils ne pourront jamais annihiler la fatigue ; conduire en étant frais et dispos demeure la seule protection qui fonctionne. Voici néanmoins en vrac quelques astuces que vous ne verrez pas dans les campagnes de prévention et rarement dans la littérature spécialisée.

  • Boire de l’eau glacée. Les effets de la déshydratation sont analogues à ceux ressentis de l’état de fatigue extrême, soit une diminution de l’entrain, des réflexes, de l’attention, de la capacité de réfléchir et de l’humeur. Il a été de plus démontré que les conducteurs déshydratés commettent deux fois plus d’erreurs que ceux hydratés.
  • La nuit, avant de quitter le stationnement, allumer un appareil affichant une lumière bleue, comme le cellulaire, la tablette électronique, le GPS ou l’écran tactile du véhicule. Elle provoque l’arrêt de la sécrétion de la mélatonine, l’hormone du sommeil. Prendre cependant bien soin d’orienter indirectement son éclairage pour en faire uniquement une lumière d’ambiance. Il serait vivement hasardeux de regarder crument l’écran, même quelques secondes, car l’éblouissement provoqué occasionnerait un important trou noir néfaste à la vision nocturne.
  • Manger légèrement en évitant une nourriture grasse, comme les frites.
  • Ne pas conduire seul si possible, permettant de maintenir une conversation animée avec le passager.
  • Aérer le véhicule et diriger un jet d’air frais à la figure en conservant une température sous 23 ºC.
  • Sur un long trajet, modifier régulièrement le positionnement du siège en privilégiant les positions droites qui favorisent l’éveil. Cintrer correctement la ceinture de sécurité a l’avantage de décourager l’avachissement du conducteur sur son siège.
  • Ne jamais fixer. Balayer plutôt constamment la route par de rapides coups d’oeil : aux autres usagers, à la signalisation, sur le bas-côté de la chaussée, aux rétroviseurs, au tableau de bord, etc.
  • Écouter une musique stimulante ou une émission de radio captivante qui présente, par exemple, des analyses nourries de dialogues vivifiants.
  • Siffler, chanter.
  • Rompre la monotonie par tous les moyens: varier sciemment la vitesse (sans se laisser capturer dans le funeste piège de croire que la vitesse excessive redonne un nouveau souffle), changer la source audio, ouvrir les fenêtres, les refermer, etc.
  • Croquer des bonbons ou mâcher de la gomme.
  • S’abstenir de prendre des drogues «antifatigue » qui excitent l’activité cérébrale : leur efficacité est passagère. Le conducteur ne réalisera plus sa fatigue et, une fois l’effet terminé, l’endormissement sera plus grand.
  • Boire du café ou une boisson énergisante, en faibles doses fréquentes plutôt qu’une seule grande, ce qui aiderait momentanément à lutter contre le sommeil. Ces breuvages sont par ailleurs des couteaux à double tranchant. Ils donnent un coup de fouet se faisant sentir 15 à 30 minutes après l’ingestion, mais masquent la fatigue (et l’ébriété, notamment) qui revient au galop quand les effets s’estompent.

Alors que la plupart des conducteurs ont tendance à sous-estimer leur état de fatigue et à surestimer leur capacité à combattre la somnolence, la solution à ce fléau passe nécessairement par une constante sensibilisation au travail et à la maison, en continuité avec celles mises de l’avant par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

La voiture autonome prévue au tournant de 2020 permettra-t-elle un jour de reléguer aux oubliettes tous les risques de la route reliés aux facteurs humains? Certainement! Est-ce que conséquemment les panneaux routiers de la SAAQ qui affichent des slogans promouvant la vigilance se retrouveront éventuellement dans les musées? Certainement! En attendant, je termine cette chronique en vous exposant mes sept convictions.

1. La fatigue produit les mêmes effets sur le conducteur que l’alcool.
2. Il est impossible de se «défatiguer» d’un coup.
3. Quand la fatigue afflige le conducteur, celui-ci ne pourra s’en rendre compte ni agir en conséquence que s’il est attentif aux premiers symptômes et conscientisé aux dangers sous-jacents.
4. Quand la fatigue induit la somnolence, la transition entre l’éveil et le sommeil se fait brutalement.
5. Personne n’est à l’abri de cette sournoise menace.
6. Le remède le plus efficace contre la fatigue demeure le repos.
7. Si vous lisez ceci, il m’apparait que vous êtes un conducteur éveillé aux dangers de la fatigue et de la somnolence au volant. Bravo.

Bonne route!