Gestion de la formation en SST


Gestion de la formation en SST

La gestion de la formation en matière de santé et de sécurité représente pour plusieurs organisations un cauchemar perpétuel. Au cours de cet article, nous allons faire un survol de quelques stratégies entourant les enjeux pédagogiques de la prévention ainsi que les principes de base qui s’y rattachent.

Marc-André Ferron

Afin de bien positionner la gestion de la formation, nous allons tout d’abord aborder certains concepts de base en matière de santé-sécurité. La santé et la sécurité sont de la gestion des dangers et des risques associés.

Il y a un vieux dicton en gestion qui mentionne qu’il est impossible de gérer ce que l’on ne connait pas. Cela étant dit, il est donc impossible de gérer les dangers s’ils sont inconnus.

Voilà le premier pas à accomplir en matière de gestion de la formation: s’assurer d’avoir bien inventorié vos dangers à l’intérieur de votre organisation. Bien que cela soit logique, cela constitue aussi une exigence légale très claire.

Cela est précisé à l’intérieur de la Loi sur la santé et sécurité au travail (LSST) à l’intérieur de l’article 52 :

LSST Article 52 : L’employeur dresse et maintient à jour, conformément aux règlements, un registre des caractéristiques concernant les postes de travail identifiant notamment les contaminants et matières dangereuses qui y sont présents et un registre des caractéristiques concernant le travail exécuté par chaque travailleur à son emploi. L’employeur doit mettre ces registres à la disposition des membres du comité de santé et de sécurité et du représentant à la prévention.

Communication et hiérarchie

Une fois les dangers identifiés, le tout ne fait que commencer. Le fait d’identifier les risques associés à ces dangers ne corrige rien et n’informe en rien le travailleur sur ce à quoi il est exposé et encore moins ce qu’il doit faire de manière préventive afin de se protéger contre les risques ciblés.

Encore une fois la LSST est bien claire en ce sens dans les responsabilités de l’employeur. Il y est entre autres spécifié ceci à l’article 51,9 :

LSST Article 51,9 : L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Il doit notamment: informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l’entrainement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l’habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié;

La logique est donc simple, afin de pouvoir gérer les risques, il faut en premier lieu les identifier. Ensuite il faut en communiquer l’existence à l’employé sans quoi, ce dernier peut complètement les ignorer alors qu’il y est quotidiennement exposé.

Une fois les risques identifiés et communiqués, c’est à ce moment que le plus important commence, c’est-à-dire la gestion stratégique de ceux-ci. Si la santé et la sécurité sont de la gestion des risques, il y a assurément d’excellentes façons de les gérer, mais aussi des bonnes, des moyennes ainsi que des faibles. Voilà donc où prend naissance le concept que l’on appelle la hiérarchie d’efficacité dans la gestion des risques.

La base de la hiérarchie d’efficacité repose sur la façon de gérer les dangers pour procéder à leur élimination à la source. Si les dangers ont été éliminés, ils ne peuvent engendrer d’accidents de travail et le risque a été géré à 100 %. Cela constitue le fondement de la Loi en matière de santé-sécurité tel que stipulé à l’article 2de la LSST:

LSST article 2 : La présente loi a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

Dans le cas où l’élimination à la source des dangers est impossible, ils doivent être réduits à la source d’où, entre autres, viennent les programmes tels que celui de la tolérance zéro à l’égard de la sécurité de la machinerie. À ce moment entre en ligne de compte la notion de facteur de sécurité équivalent.

Ce facteur de sécurité équivalent signifie que la protection installée doit offrir un facteur de sécurité équivalent à l’élimination à la source. Donc des dispositifs physiques ou mécaniques permettant d’éviter pratiquement à 100 % la possibilité de survenue d’un accident de travail.

Malheureusement, l’élimination et la réduction à la source des dangers ne sont pas toujours possibles. Vient alors s’introduire à la hiérarchie d’efficacité, la notion de mesures de gestion, qui consiste principalement à la mise en place des procédures, de règlements et de port des équipements de protection individuelle permettant d’assurer une saine gestion des risques.

La mise en place de procédures et de règlements repose principalement sur la définition de rôles et responsabilités devant être exécutés par les différents joueurs de l’organisation et permettant encore une fois d’assurer un niveau de gestion des dangers équivalent à l’élimination à la source.

Toutefois, il faut garder en tête que la définition de rôles et de responsabilités afin de gérer les dangers, ne nous enlève en rien l’obligation de les éliminer à la source. Cela est clairement expliqué à l’article 3 de la LSST.

LSST article 3 : La mise à la disposition des travailleurs de moyens et d’équipements de protection individuels ou collectifs, lorsque cela s’avère nécessaire pour répondre à leurs besoins particuliers, ne doit diminuer en rien les efforts requis pour éliminer à la source même les dangers pour leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique.

Définir stratégiquement les besoins de formation

Si on récapitule, il faut premièrement identifier les dangers et les risques qui leur sont associés. Deuxièmement, on doit les communiquer aux employés. Troisièmement, il s’agit d’assurer la mise en place de mesures de gestion, qui respectent la hiérarchie suivante : élimination, réduction, implantation de mesures de gestion.

Si vous en êtes à implanter des mesures de gestion, vous avez déjà commencé à définir des rôles et des responsabilités permettant d’assurer une gestion adéquate des dangers. Cependant, à quoi bon définir des rôles et responsabilités, s’ils ne sont pas communiqués ou enseignés ?

Voilà donc où arrive la formation en matière de prévention. Les gestionnaires tout comme les employés doivent être formés sur les dangers auxquels ils sont exposés, mais aussi sur leurs rôles et responsabilités permettant de les gérer selon les exigences défi nies par votre organisation.

Malheureusement, nos devoirs ne s’arrêtent pas encore à ce moment. Bien des organisations vont diffuser un grand nombre de formations en matière de santé et de sécurité, mais n’en valideront pas l’efficacité.

Cette étape de validation d’efficacité est pourtant fondamentale. Pourquoi? Tout simplement parce que notre rôle ne s’arrête pas à donner de la formation, mais bien de s’assurer que l’employé possède les connaissances nécessaires pour accomplir de manière sécuritaire le travail qui lui est confié. Cela se retrouve dans la suite de l’article 51,9de la LSST que nous avons vu précédemment:

LSST article 51,9 : L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur. Il doit notamment: informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l’entrainement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l’habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié;

Dans le concret, on pourrait prendre l’exemple suivant: on identifie des risques reliés aux énergies, puis on définit des rôles et responsabilités afin de gérer ce type de danger dans la procédure de cadenassage.

Par la suite, il faut former les différents intervenants sur leurs rôles et responsabilités relativement au cadenassage. Ensuite, on procède à l’évaluation des connaissances retenues afin de s’assurer que l’employé maitrise bien les notions enseignées. Il devrait en être ainsi avec chacune des formations relatives à la santé-sécurité.

Mais parfois, les employés ne sont pas toujours prêts à recevoir de la formation. Supposons le cas où l’un d’eux a été largué par sa conjointe la veille de sa formation sur le cadenassage et qu’il se soit arrêté jusqu’aux petites heures au bar du coin. L’efficacité de sa formation sera quasi nulle et, sans procéder à une évaluation de connaissances, il sera impossible de le savoir.

Il est donc important de garder en tête que dans les cas où on ne peut pas éliminer ou réduire à la source les dangers, c’est la maitrise et l’application des rôles et responsabilités dans la gestion des dangers, qui doit offrir un facteur de sécurité équivalent à l’élimination et la réduction à la source.

Fini l’improvisation

Trop souvent la formation en santé et sécurité est planifiée selon les circonstances: les accidents de l’année précédente, les demandes des employés qui crient le plus fort, les modes et tendances, les trop longues périodes sans avoir dispensé telle formation, etc.

La formation devrait toujours être gérée de manière stratégique en fonction des dangers et des risques associés présents sur chacun des postes de travail et cela à fréquences prédéterminées. Elle devrait aussi minimalement correspondre aux exigences légales auxquelles une organisation doit répondre. Le tout devrait être systématisé de manière cyclique tant pour un nouvel employé qui joint l’organisation, que pour les employés séniors qui ont des besoins réguliers de rafraichissements de connaissances relativement à leurs rôles et responsabilités.

Finalement, on doit toujours considérer que l’élimination et la réduction à la source des dangers seront toujours plus efficaces que n’importe quelle formation. La mosaïque humaine étant ce qu’elle est, il y a et il y aura toujours des gens plus brillants que d’autres. Certains employés seront plus attentifs et d’autres plus distraits. Des gens sont rigoureux et d’autres font preuve de laxisme, etc.

Dans tous les cas, les besoins de formation finiront inévitablement par vous rattraper et la gestion stratégique de la formation plutôt que l’improvisation dans ce domaine est assurément un incontournable pour éviter le pire.

En terminant, voici une petite histoire que j’aime bien raconter en lien avec le sujet de cet article.

Un jour un vice-président dit à un de ses vis-à-vis: Nos employés sont plutôt mauvais et peu performants. Il serait vraiment risqué de payer pour les former, car ils peuvent décider de quitter l’organisation après leur formation!

Son collègue lui répond alors: Tu peux t’imaginer ce qu’il va arriver si on ne le fait pas et qu’ils décident de rester ici!