Hypersensibilité aux champs électromagnétiques – Exigences normatives


Hypersensibilité aux champs électromagnétiques – Exigences normatives

Les effets des champs électromagnétiques sur la santé représentent une préoccupation grandissante. Totalement absents de notre monde avant l’introduction de l’électricité et de la radio à la fin du dix-neuvième siècle, il est aujourd’hui impossible de trouver des zones terrestres totalement à l’abri de ceux-ci.

Jean-Pierre Gauvin

De nombreux chercheurs ont associé les champs électromagnétiques de toutes les fréquences à des effets sur les systèmes biologiques. Certains rapportent que la gamme d’intensités susceptibles de manifester des effets va bien au-delà des limites normatives généralement acceptées. Est-il plausible que certains individus puissent ressentir les effets des ondes radio, microondes et ondes de très basses fréquences à des intensités beaucoup plus faibles que les limites reconnues? Est-ce qu’il est possible que certaines cellules animales exposées à des champs de très faibles intensités puissent être victimes de dérèglements métaboliques ?

Effets des champs électromagnétiques

Quels sont les effets des champs électromagnétiques sur les êtres vivants ?

L’utilisation des fours microondes en alimentation nous enseigne de manière très évocatrice que les ondes de très hautes fréquences, comme celles de 2,4 GHz dans le cas de fours microondes conventionnels, produisent de manière très efficace une augmentation de la température des cellules vivantes. Il s’agit d’une propriété commune à tous les champs électromagnétiques. Contrairement aux radiations dites ionisantes comme le rayonnement ultraviolet, les rayons X et les rayons gamma, les radiations électromagnétiques de longueur d’onde plus longue que 300 nanomètres, qui correspond à la longueur d’onde associée au rayonnement ultraviolet, n’ont pas la capacité de briser les molécules et de modifier directement le contenu du matériel génétique. Il est cependant démontré que ce type de rayonnement peut (1), par effet thermique, endommager ou encore stimuler le fonctionnement de certains organes ou glandes, (2) affecter l’activité métabolique des cellules et finalement (3) générer des signaux, comme des courants induits et des champs électriques, capables d’être reconnus par certaines cellules du corps. Il apparaitrait également que certains effets sur la cellule vivante ne seraient pas proportionnels à la dose, mais seraient plutôt du type tout ou rien.

Compte tenu de l’arrivée très récente de ce type de rayonnement sur la terre, les cellules vivantes n’ont pas pu développer de systèmes de protection comparables à ceux développés à l’égard d’autres formes d’agents physiques.

Exigences normatives

Les exigences normatives recommandées notamment par l’Organisation mondiale de la santé, Santé Canada, l’Institut national de santé publique du Québec et l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists sont toutes unanimes à considérer l’absorption spécifique d’énergie ou encore l’augmentation de température du milieu exposé comme le principal critère quantitatif définissant les limites acceptables. Les principes à la base de ces limites ont été développés dans les années 1960 peu après les premières introductions de sources majeures d’émissions radio et microondes. Essentiellement les limites en vigueur établissent à moins de 0,4 W/kg de tissus la quantité d’énergie absorbée en environnement contrôlé. Ceci correspond à une augmentation de température grandement inférieure à 10ºC (Voir tableau 1).

Tel qu’indiqué au code de sécurité 6 (1), Santé Canada indique avoir revu les études portant sur le cancer chez l’humain, la mortalité chez les rongeurs, l’initiation, la promotion et la copromotion de tumeurs, la mutagénicité et les dommages à l’ADN, l’activité EEG, la mémoire et les fonctions cognitives, la fonction cardiovasculaire, la réponse immunitaire et l’hypersensibilé électromagnétique perçue. Sous les limites recommandées aucun risque aigu, chronique ou cumulatif n’a été démontré selon Santé Canada.

Y a-t-il contradictions ?

Existe-t-il une contradiction entre les recommandations de Santé Canada et autres agences de santé vs les témoignages et résultats de chercheurs à l’effet que des effets peuvent survenir à des niveaux d’exposition beaucoup plus faibles ?

Pour répondre à la question, il y aurait lieu de considérer les types d’études effectuées et leur valeur épidémiologique. Dans la notion de risque sous-jacent à la plupart des limites normatives, il existe une valeur en dessous de laquelle la probabilité qu’un effet se produise dans la population est trop faible pour que l’on puisse encore considérer qu’il y a un risque. Ainsi, une étude qui aurait démontré en laboratoire un effet sans cependant avoir associé cet effet à des observations épidémiologiques chez de grandes populations ne pourrait à elle seule suffire à démontrer de risque réel et manifeste. Certaines études en laboratoire ont pu démontrer la possibilité d’un lien entre les expositions aux radiofréquences sous les limites recommandées et une altération du fonctionnement de la cellule sans cependant démontrer qu’en condition réelle ces expositions aient pu modifier de manière significative l’état de santé de la population. En conséquence, tout en limitant les expositions aux valeurs indiquées aux normes proposées par Santé Canada, plusieurs chercheurs recommandent d’appliquer un principe de précaution et de poursuivre les études. Ici le principe de précaution pourrait prendre la forme suivante: compte tenu de considérations techniques et économiques, on devrait minimiser les expositions aux champs électromagnétiques. En pratique ceci pourrait nous amener à (1) utiliser lorsque possible des lignes de transport de courant continu préférablement à celles transportant des champs alternatifs générateurs de rayonnement électromagnétique (2) préférer les communications par câble aux systèmes WIFI et (3) viser les méthodes de perception les plus sensibles lors de communication radio afin de réduire les puissances émises.

Que faire concernant les témoignages de symptômes d’électro sensibilité ?

Selon l’Organisation mondiale de la santé, le terme approprié pour décrire ce type d’effet est l’Intolérance environnementale idiopathique aux champs électromagnétiques (IEI-CEM). L’institut national de santé publique du Québec indique à cet égard:

De nombreuses études de bonne qualité ont été réalisées afin d’évaluer l’association entre l’exposition à de faibles niveaux de radiofréquences et l’apparition de symptômes non spécifiques. Les preuves scientifiques, qui sont de plus en plus solides, montrent que l’IEI-CEM n’est pas associée à l’exposition aux CEM. Il est toutefois important de rappeler que les symptômes décrits par les personnes souffrant d’IEI-CEM demeurent néanmoins bien réels. Certaines études indiquent qu’une partie de ces symptômes pourrait être expliquée par des facteurs psychologiques ou sociaux, mais d’autres études seront nécessaires avant de conclure à ce propos de manière définitive. Quoi qu’il en soit, plusieurs autres causes physiques ou psychologiques pourraient aussi expliquer les symptômes rapportés, de sorte que les personnes disant souffrir d’IEI-CEM devraient, suivant les recommandations de l’OMS, obtenir de l’aide médicale et être prises en charge de façon personnalisée.

Dans la plupart des situations, il est difficile de nier d’emblée l’allégation de symptômes d’électro sensibilité. Nous ne comprenons pas encore tous les mécanismes biologiques pouvant affecter la capacité des cellules biologiques à percevoir ou à réagir aux très faibles champs et courants électriques. Lorsqu’un travailleur allègue souffrir d’hypersensibilité aux champs électromagnétiques, un suivi professionnel à CEM l’aide d’un appareillage spécialisé devrait alors être effectué afin d’évaluer l’intensité des expositions et le type de réaction allégué. Si l’évaluation quantitative démontre des intensités grandement en dessous des limites admises, il y aura lieu de poursuivre le dialogue avec le travailleur. Dans certains cas il serait utile de vérifier l’intensité des expositions tolérées par le travailleur à la maison ou en d’autres environnements afin de bien cibler la nature des agents perçus. On devra également distinguer les notions de perceptions de celles d’effets indésirables. En effet, tout comme les signaux sonores ou visuels, les signaux électromagnétiques perçus ne sont pas tous nécessairement indésirables.

Dans l’éventualité où les expositions perçues seraient une source de malaises sérieux tout en étant conformes aux limites et si les expositions occupationnelles sont différentes de celles tolérées en d’autres environnements, il y aura lieu d’envisager outre une aide médicale, l’instauration de correctifs physiques. Ceux-ci pourront comporter une relocalisation du poste de travail de la personne affectée, une modification des dispositifs émetteurs de rayonnement ou encore l’ajout de blindage électromagnétique aux circuits électriques en cause. Dans certains cas malheureusement, les solutions seront complexes. Malgré les difficultés, l’enjeu vaut qu’on s’y attarde. En effet, à l’issue de ces travaux, il pourrait être possible de ramener au travail des travailleurs qui autrement auraient été contraints d’abandonner leurs fonctions.