L’INVENTAIRE DES RISQUES SST


L’INVENTAIRE DES RISQUES SST

Trucs et astuces pour la réussite

Pourquoi l’inventaire des risques SST est-il impératif pour votre entreprise ? L’article précédent, le premier de cette série, soulignait qu’il s’agit d’une obligation
règlementaire tant au Québec que sous législation fédérale. Penchons-nous maintenant sur des considérations plus pratiques de cet exercice.

Alain Daoust

Dans l’article précédent, nous avons procédé à un questionnaire d’évaluation pour comprendre le pourquoi de votre réussite… on non, en matière de contrôle des dangers et des risques. Si vous n’avez pas fait le test, je vous invite à le faire. Vous le trouverez dans l’édition précédente de Travail et santé (1). Mais, quelle est au juste la logique derrière cette obligation d’inventorier les dangers et les risques du milieu de travail? Tout simplement que, sans cet exercice, votre programme de prévention, ou programme SST, n’aurait que peu de valeur. L’inventaire des dangers et des risques est la matière première qui permet d’élaborer votre plan d’action SST, d’en assurer la cohérence avec votre milieu de travail. Je vous réfère à la figure 1 qui fait le lien entre cet exercice et les objectifs de votre programme SST ou de votre SGSST (2). Prenons ensuite le temps de décortiquer chacune de ces étapes en y associant des trucs et astuces de réussites et en identifiant des pièges possibles. Allons-y.

Le registre des postes de travail

Ce registre est prescrit par la Loi sur la santé et la sécurité au travail du Québec (LSST), à l’article 52. Son objectif est de classifier les postes de travail et de leur associer les caractéristiques qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs. Ces caractéristiques sont reliées aux tâches, aux équipements, aux matériaux et contaminants utilisés.

Trucs pour la mise en place du registre des postes de travail

Le registre des postes de travail est en fait un inventaire des postes et de leurs caractéristiques. Pour le mettre en place, commencez par répertorier les postes de travail de l’entreprise. En règle générale, le service des ressources humaines possède une liste des postes et de leurs principales caractéristiques. Cette liste peut constituer la base de votre registre. En petite et moyenne entreprise (PME), cette liste est simple à effectuer compte tenu du petit nombre d’employés. Ensuite, étoffez la description en y ajoutant des éléments comme les tâches principales, les matériaux et contaminants, les lieux de travail, y compris les déplacements sur la route et les visites chez les clients, le cas échéant, et les équipements et machines. Le fait d’utiliser une liste ou un registre déjà en cours dans l’entreprise vous permettra de jumeler en un document unique votre registre destiné à servir de base pour votre inventaire des risques.

Pièges possibles

Désireuses de bien faire, certaines entreprises développent un registre des postes de travail trop exhaustif. Le temps requis pour l’élaborer est alors un handicap pour l’avancement du projet global. La consigne: restez simples. N’oubliez pas que ce registre est un outil, pas une fin en soi. Votre SGSST ou plan d’action SST est un projet en mode d’amélioration continue. Ne visez pas la perfection, soyez réalistes.

SOYEZ RÉALISTES. RESTEZ SIMPLES. La démarche de prévention est un projet en mode d’amélioration continue. VISEZ PARETO, CETTE LOI DU 20/80 QUI DIT QU’IL FAUT 20% D’EFFORT POUR OBTENIR 80% DE RÉSULTAT. Le temps et l’expérience vous permettront de raffiner votre démarche.

L’inventaire des dangers et des risques

Obligatoire en vertu de l’article 51.5 de la LSST et des lois fédérales du travail, cet inventaire est le coeur de votre démarche de prévention. Cette obligation enchâssée dans nos lois depuis des lustres, n’est toutefois que peu mise en oeuvre en entreprise, particulièrement en PME. Pourtant, quoi de plus naturel que de connaître les risques du milieu de travail pour ensuite les maitriser ou les éliminer. En d’autres mots cette obligation veut dire: vous voulez exploiter une entreprise et avoir des employés pour
vous y aider? Alors, connaissez en les risques et mettez en oeuvre les moyens pour éviter les accidents. Le droit que nous donne l’État d’opérer une entreprise est subordonné à la qualité du milieu de travail que vous apportez à votre personnel.

En passant, chers lecteurs, évitez de vous empêtrer dans la confusion sémantique des termes dangers et risques. Pourquoi? Les définitions peuvent varier selon la source d’information. Par exemple la connotation Danger qui figure dans les lois-cadres du Québec en SST (3) n’a pas tout à fait la même signification que dans certaines normes-cadres des SGSST. Alors, évitons de nous chicaner sur des termes. Au fond qu’est-ce qu’on veut ? Éviter les accidents et les maladies professionnelles n’est-ce
pas (4)?

Trucs pour la mise en place de l’inventaire des dangers et des risques

Formez adéquatement les intervenants qui participeront à l’exercice. Assurez-vous également qu’ils possèdent le profil voulu. Autant que possible, surtout au début du projet, ceux qui participent doivent le faire de façon volontaire. Le succès de cette première phase de la démarche est impératif. Il faut créer une situation de pull, ce qui veut dire que l’intérêt doit préférablement venir du milieu. On doit voir en cette démarche, tant du côté des employés que des cadres, un investissement souhaitable qui suscite la participation. Un contexte push alors qu’on force l’acceptation non souhaitée peut compromettre le succès.

Utilisez une méthode uniforme qui sera enseignée lors de la formation des participants. Cette méthode s’accompagne d’une grille d’évaluation des risques unique utilisée par les participants pour évaluer l’indice de risque rencontré pour chaque situation.

N’essayez pas d’aller trop dans le détail au début. Encore une fois, visez Pareto. N’oubliez pas que l’expertise de votre personnel va aller en s’améliorant. J’ai connu des situations où des participants ne connaissaient à peu près rien à l’évaluation des risques et même des notions de base SST. Aujourd’hui, à force de pratique, ils sont devenus d’une redoutable efficacité en matière de repérage des risques.

Évaluez les tâches, les matériaux et équipements et l’environnement général de travail en inspection de type ouvert. Une inspection de ce type n’est pas limitée par une liste de vérification qui crée des ornières sur les situations dangereuses hors champ. Ceci étant dit, les listes de vérification spécifiques servent de complément à l’exercice.

Laissez ensuite les analyses de risques spécialisées de certains problèmes aux professionnels du domaine afin d’aller plus loin au besoin. Il n’est pas mauvais de leur adjoindre vos évaluateurs afin qu’ils augmentent leur niveau d’expertise.

Pièges possibles

Le plus grand piège consiste à vouloir aller trop dans le détail. Ce n’est qu’un début. Vos gens deviendront aguerris avec le temps. L’exercice d’inventaire des risques démarre un changement culturel dans l’entreprise. Quel changement. Développer le réflexe d’identifier les situations dangereuses, les rapporter et les corriger. À mesure que vous aurez remporté des victoires en corrigeant des irritants du milieu, la roue se mettra à tourner à la façon d’un moulin à eau. Tant qu’il n’y a pas de courant d’eau pour la faire tourner, elle demeure immobile. On a beau y mettre du grain, mais sans résultat. Pour vous, l’eau, c’est la correction des situations dangereuses et l’amélioration apportée au milieu de travail, ça fait avancer la roue. Votre projet avance.

Il y a ici aussi plusieurs autres pièges possibles, ils sont reliés au manque de planification, de communication, de participation des employés et d’engagement de la direction. Pour aller plus loin, je vous invite à consulter l’article cité en bibliographie sur les conditions de succès de ce type de démarche (5).

Évaluation des risques

L’évaluation des risques est exigée par la réglementation et les normes. Pourquoi? Cela permet d’établir un niveau de risque destiné à cibler les priorités d’intervention et de programmes. La plupart des normes exigent que deux paramètres au moins soient utilisés dans cette évaluation. Ce sont surtout la gravité potentielle, la fréquence/durée d’exposition, la probabilité, la possibilité d’évitement, etc. Il existe sur le marché et dans les entreprises des centaines de ces grilles plus ou moins semblables, certaines pour des professionnels aguerris et d’autres pour le commun des mortels.

Trucs pour la mise en place de l’évaluation des risques

L’utilisation d’une grille unique pour l’ensemble des composantes de l’entreprise est souhaitable pour assurer l’uniformité de l’évaluation. La grille doit demeurer simple et accessible pour les utilisateurs qui seront évidemment bien formés sur son utilisation.

Lors de l’évaluation des risques, il est impératif d’évaluer la conséquence moyenne de gravité du risque potentiel. Cela permet d’éviter les extrêmes qui ont causé l’harakiri de nombreuses initiatives, alors que les évaluateurs s’engagent dans des discussions interminables sur le niveau de risque.

L’utilisation d’une base de données permettant les suivis est préférable à une grille de type Excel, surtout pour la continuité du programme. Pour conserver vivant le programme et y adjoindre l’ajout de risques repérés par la suite et de sources diverses tel que les enquêtes d’accidents, les inspections, les audits et les rapports de situations dangereuses, les mécanismes de suivis doivent être simples sinon on risque d’abandonner la partie.

Pièges possibles

Certains des pièges possibles ont été discutés précédemment et ont trait à la simplicité d’approche et aux querelles sémantiques. Sur ce dernier point, la littérature reliée à l’évaluation des dangers et des risques utilise des expressions pour qualifier les étapes de la démarche. Par exemple, on parlera parfois d’appréciation, d’identification, de caractérisation, d’évaluation, d’estimation ou d’analyse du risque. Il s’agit ici d’un jargon de spécialistes. Si vos gens s’entendent et se comprennent bien avec le mot analyse, allez-y pour ce vocable et ne compliquez pas les choses inutilement.

La classification par famille

Qu’entend-on au juste par classification par famille ? Tout simplement de regrouper les risques similaires en catégories faciles à identifier. La figure 2 donne une liste potentielle de familles. L’avantage de cette approche est de faciliter la priorisation des programmes à mettre en oeuvre et des actions à poser afin d’établir les objectifs au programme de prévention.

Trucs reliés à la classification des dangers et des risques

Catégoriser les dangers et les risques en classes doit se faire simplement en fonction des types rencontrés en entreprise. Adaptez donc votre liste en fonction de vos réalités. Par exemple, certaines classes de risques rencontrées dans le secteur minier seront étrangères à l’aéronautique et ainsi de suite. On ne parlera pas de risques reliés aux chutes de terrain en aéronautique, mais plutôt de risques en matière d’électricité statique sur le fuselage. Ajustez donc les choses en fonction de votre réalité.

Si vous utilisez un traitement informatisé pour répertorier vos risques, assurez-vous que les listes déroulantes peuvent être modifiées en fonction de vos besoins. Cela vous fera gagner du temps lors de la saisie.

Pièges possibles

Encore une fois, il arrive de s’empêtrer dans la terminologie et d’en faire toute une histoire. N’oubliez pas votre objectif initial : repérer les dangers et les risques du milieu de travail. Leur classification n’a pour objet que de vous aider dans l’élaboration du programme de prévention. Par exemple, disons que vous établissez une classe nommée Cadenassage afin d’y intégrer tous les éléments reliés à la maitrise des énergies dangereuse. Quelqu’un pourrait dire que le cadenassage n’est pas un danger ni un risque, c’est plutôt un moyen de prévention. Il a raison, mais si vous trouvez commode de conserver le libellé cadenassage cela ne mettra pas votre programme en péril.

Dans notre prochain article nous discuterons comment établir nos objectifs, élaborer les programmes qui leur sont reliés et comment surveiller le tout afin d’en assurer le maintien dans le temps. Nous complèterons cette discussion en parlant documentation et gestion documentaire informatisée. En attendant, bonne réflexion sur votre inventaire des
risques.