Le lean university va-t-il franchir nos portes?


Le lean university va-t-il franchir nos portes?

Le Lean est fréquemment rencontré dans plusieurs entreprises. Mais cette philosophie de production pourrait-elle être mise en application dans le monde universitaire ?

Sylvie Nadeau, ing., Ph.D.

Le lean vous connaissez? Il s’agit d’une mise-en application de la philosophie de production juste-à-temps, nommée ainsi par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour illustrer son emphase sur l’élimination des gaspillages d’une organisation. Si elle existe depuis des décennies dans le secteur manufacturier, elle a fait son entrée en milieu universitaire au début des années 2000 et la vague déferlera peut-être jusqu’à nous au Québec, poussée par les bouleversements économiques, sociaux, technologiques et politiques mondiaux.

Les pionniers du lean university sont les Américains et les Anglais. L’amélioration vise principalement les activités liées à la vocation d’enseignement par exemple, le service des admissions, le processus de révision de notes, l’organisation des examens différés, les divers services aux étudiants ainsi qu’aux services à la communauté universitaire comme la gestion des ressources humaines, la gestion des finances, les services informatiques et la maintenance des bâtiments. Très peu d’interventions visant l’administration de la recherche sont documentées.

Le milieu universitaire est complexe. Plusieurs fonctions sont inter-dépendantes, l’incertitude fait partie du quotidien de ses gestionnaires et les attentes d’un nombre important de partenaires sociaux, avec des agendas très différents, doivent être pris en compte. Les outils et le vocabulaire développés pour le secteur manufacturier doivent être adaptés. Qui est le client de l’université ? La société ? L’étudiant ? Les employeurs ? Les finissants ? Les organismes subventionnaires ? Les organismes d’accréditation des programmes ? Quelle est la valeur ajoutée ou la qualité pour une université ? Qu’est-ce qu’une formation de qualité ? Qu’est-ce qu’un étudiant de qualité ? Ce petit échantillon parmi les nombreuses questions qui se posent sont compliquées et font couler beaucoup d’encre dans la littérature.

Et les impacts ? Ils sont peu connus, faute d’expériences dument documentées et de résultats quantifiés. L’approche demeure tout de même prometteuse pour le milieu universitaire comme pour d’autres secteurs d’affaires. Néanmoins, la contextualisation du lean exige délicatesse et doigté, tout particulièrement quant aux aspects de santé et de sécurité du travail. Le lean manufacturing mène à des résultats positifs par exemple un enrichissement des tâches ou une autonomieaccrue. Mais il y a aussi des résultats négatifs par exemple des lésions musculosquelettiques, une augmentation du stress et des soucis de santé mentale au travail.

Rien ne nous permet, à l’heure actuelle, d’affirmer que le lean university ne pourrait pas avoir des impacts similaires. La littérature sur les effets du lean manufacturing comporte des lacunes scientifiques, sans compter le constat que souvent c’est la mise-en-application du lean qui fait défaut, pas nécessairement l’approche elle-même. De plus, si la chasse aux gaspillages peut sembler un objectif louable, il faut demeurer alertes. La surqualité, qualité non recherchée par le client, peut être tout aussi dommageable pour l’organisation.

Les Mexicains, les Finlandais, les Africains du Sud, les Indiens et les Saoudiens ont tous, eux aussi, adoptés le lean ou le lean six sigma pour gérer plusieurs processus de leurs universités. Le lean university franchira peut-être nos portes. Au vu de l’expérience du secteur manufacturier, il y a autant de lean que d’organisations. Il en reviendra à chaque communauté universitaire de façonner son lean avec prudence et diligence.