Le mot du rédacteur en chef


Le mot du rédacteur en chef

Christian Millet

En tant que rédacteur en chef de Travail et santé, une de mes tâches consiste à apprécier la véracité de l’information contenue dans les articles proposés. En très grande partie, tous les articles sont acceptés avec plus ou moins de corrections, les auteurs étant des professionnels des différents domaines pertinents à la santé et à la sécurité du travail. Puisque l’objectif principal du magazine est de diffuser des connaissances nécessaires aux lecteurs afin de les aider à prévenir les lésions professionnelles, je recherche toujours des auteurs qui vont faire la différence pour nos lecteurs.

De temps à autres, je reçois des articles qui, dans un contexte très large, favorisent l’échange entre les acteurs de la santé et de la sécurité du travail. Ces articles apportent des points de vue différents ou à contrecourant. Sans présenter de la fausse information, ils représentent plus l’opinion de l’auteur qu’une analyse scientifique des connaissances ou de l’expérience courante. Ce genre d’article doit être publié dans un périodique comme Travail et santé afin de générer des réactions de la part des lecteurs et autres professionnels.

Je me dois, par contre, de conserver un devoir de réserve afin de dissocier Travail et santé de mes autres activités professionnelles. Alors j’encourage tous nos lecteurs à commenter ce genre d’article. Votre opinion est aussi importante que celle de son auteur.

Une petite réflexion me vient à l’esprit qui pourrait aussi animer cette discussion. En tant qu’hygiéniste industriel certifié, j’ai passé une grande partie de ma carrière à promouvoir l’approche technique dans la résolution des risques en milieu de travail. La hiérarchie de contrôle se résumait vraiment à l’élimination, la substitution ou le contrôle des dangers. De plus, j’ai fait la promotion de cette approche comme président de l’Association pour l’hygiène industrielle du Québec (AHIQ), devenue l’AQHSST, ainsi que du Conseil canadien d’agrément des hygiénistes du travail (CCAHT). Malgré tous les efforts de promotion, sensibilisation et intervention qui auraient dû éliminer les dangers ou, du moins, réduire les risques, il y a encore des accidents causant des lésions. Pourtant, de manière générale, nous respectons les Lois et leurs règlements, nous avons développé des programmes de prévention qui tentent d’adresser le fondement de notre loi québécoise, à savoir l’élimination des dangers.

Je ne ferais pas ici l’apologie de la sémantique qui, malheureusement, nous fait confondre les termes danger et risque, mais il serait quand même temps que ceux qui font la promotion de la gestion des risques comprennent les différences fondamentales entre ces deux concepts. Peu de programmes de prévention fondent vraiment leurs préceptes sur
l’élimination des dangers, même en 2017, soit près de 40 ans après l’introduction du Livre Blanc sur la Santé et la Sécurité du Travail. D’ailleurs qui se soucie encore du concept de sécurité du travail plutôt que de sécurité au travail. Bien sûr cela fait plus de 35 ans que j’oeuvre dans ce domaine, alors je dois être un vieux croulant fermé aux nouvelles idées et
aux nouvelles approches. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de conclure que la compréhension des comportements humain et des cultures d’entreprises illustrés tant par la théorie d’Heinrich ou des dominos, que celle de Reason ou du fromage Suisse ou que celle dépeinte par la courbe de Bradley-Dupont peuvent nous aider à changer les paradigmes qui, à 90 % sont les causes fondamentales des incidents au travail.

De manière intéressante et non préméditée, vous trouverez dans ce numéro plusieurs articles qui présentent de l’information sur les liens entre la gestion des opérations, les systèmes de gestion de la santé et de la sécurité du travail et la culture des entreprises efficaces. Bonne lecture.