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Crédit : Shutterstock

GAZ TOXIQUE

MONOXYDE DE CARBONE Ce tueur en série

Christian Rousseau1

Que ce soit au travail, à la maison ou à l’occasion de loisirs, le monoxyde de carbone (CO) continue depuis des années à provoquer des malaises et trop souvent des décès.

Encore en 2018, le CO aura causé de grands malheurs dans plusieurs familles, auprès d’amis ainsi que de confrères et consœurs de travail. De Granby (1) à Shawi­nigan, en passant par la Gaspésie, ce gaz aura été la cause de décès de personnes chères et aimées. Tous sont morts en raison du CO, sou­vent d’une source similaire soit une génératrice ou une pompe fonctionnant à l’essence.

Dans l’arrondissement, LaSalle, le 14 janvier 2019, les élèves et le personnel de l’école primaire des Découvreurs ont dû être évacués après que certains d’entre eux aient souffert d’étourdissements et de vomissements. La cause était le CO dont la concentration était cinq fois plus élevée que la norme (2).

Des intoxications d’une telle ampleur sont rares, dit David Kaiser, médecin spécialiste à  la Direction régionale de santé publique de Montréal. Il ajoute que : On a environ une douzaine de déclarations par année et c’est surtout l’hiver (2).

Pompe à essence

En septembre 2018, le rapport de la Commis­sion des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) dévoile les causes des décès de deux employés du Centre d’inter­prétation du cuivre de Murdochville suite à un accident qui a eu lieu en 2017(3). Comme le rapport l’indique, les gaz d’échappement de la pompe à essence étaient présents et sont restés dans le tunnel d’accès à la galerie souterraine. La méthode de travail utilisée pour le pompage de l’eau de la galerie souterraine n’était pas sécuritaire. Rappelons ici que la pompe fut uti­lisée afin de vider l`eau accumulée dans le sou­terrain avant l’ouverture prévue au visiteur. Cet accident a causé la mort de deux personnes. Ça aurait pu être pire sans la vigilance des gens qui ont fait le sauvetage.

Les tentatives de sauvetages dans ce genre de situation causent trop souvent les décès des sauveteurs qui n’ont pas appliqué les méthodes sécuritaires.

Il faut toujours faire une bonne analyse de risque pour ce genre de travail et une élimination à la source aurait surement pu être faite. Par ailleurs, la moindre des choses  demeure incontestablement de toujours travailler avec un détecteur de gaz bien testé et bien calibré lorsque l’on doit utiliser des équipements qui produisent des gaz toxiques ou qui pourraient provoquer une diminution de la concentration d’oxygène dans l’air. Il est compréhensible que dans des travaux temporaires et irréguliers, l’élimination à la source puisse représenter un défi, mais il faut toujours la prioriser. Ne s’agit­-il pas d’éviter des décès ?

Génératrices

Le verglas devenant de plus en plus probable, c’est à Shawinigan, en autres, qu’il a frappé fi­nalement en novembre 2018 causant plusieurs pannes d’électricité dans la région de la Mauricie, ma région natale. Plusieurs en pro­fitent pour sortir, souvent avec une grande fierté, leur génératrice afin de justifier leur achat d’il y a déjà quelques années.

Rien n’est confirmé encore, mais il semble que selon tous les intervenants, la génératrice
installée au garage aurait produit du CO en concentration suffisante pour tuer les deux résidents d’une magnifique demeure. En effet, c’est dans le garage même que les corps furent retrouvés (4).

Encore une fois, le Québec a perdu deux ci­toyens dont la famille, les amis, et les collègues  sont inconsolables. C’est toute une onde de choc pour ces gens qui met en cause le CO. Dans ce genre de cas, la solution pour corriger la situation est des plus simples. Une généra­trice, tout comme une moto, une voiture ou un BBQ, doit fonctionner à l’extérieur  loin d’une entrée d’air vers l’intérieur. Il est à noter que durant cette mini­crise du verglas, nous avons beaucoup parlé des deux décès, mais dans cette même période, plusieurs autres per­sonnes furent également intoxiquées pour les mêmes raisons, heureusement sans en mourir. Il y a souvent des histoires du genre qui ne font pas les nouvelles. Mais ceci n’est pas banal, car l’accident est quand même survenu et il ne faut pas l’ignorer. Dans le cas des deux per­sonnes décédées à Shawinigan, c’est l’une d’elles qui avait appelé à l’aide avant même de perdre la vie ! Je conclurai ici avec un commen­taire approprié de Sébastien Doire, directeur régional de la Sécurité civile. On demande aux gens de s’assurer que leur génératrice ne soit pas dans un lieu fermé, de se doter d’un détec­teur de monoxyde de carbone et de s’assurer de faire inspecter leur appareil de chauffage d’ap­
point par des gens qualifiés.

Camion de cuisine de rue

Plus de 1 % de CO dans l’air à l’intérieur d’un camion de cuisine de rue à Granby a causé le décès de son occupant selon le rapport de la CNESST (1). Cela équivaut à 10 000 parties
par millions (ppm).

À juste titre, le CO est souvent surnommé au travail le tueur professionnel. Il empêche des gens, qui quittent leur domicile le matin pour aller travailler avec l’intention de produire ou de servir des clients, de revenir à la maison pour passer du temps de qualité avec famille et amis.

Qui est-il ce monoxyde ?

Le CO est un produit ou un résidu d’une com­bustion. Il est aussi invisible dans l’air et il est impossible de le sentir puisqu’incolore et ino­dore. Le CO est un gaz asphyxiant du sang. Il réduit les propriétés de transport d’oxygène du sang vers les cellules. Il réagit avec l’hémoglo­bine dans les globules rouges formant la car­boxyhémoglobine qui empêche l’hémoglobine de fixer et de transporter l’oxygène. Des con­centrations faibles en ppm de CO peuvent causer des maux de tête et des vertiges. Si la victime est transférée à l’air frais, il n’y aura pas de dommages permanents qui en résulteront. De fortes doses peuvent être fatales comme nous l’avons décrit plus haut.

Selon le Règlement sur la santé et sécurité du travail du Québec (RSST), la valeur d’exposition moyenne pondérée en milieu de travail (VEMP­ 8 heures) est de 35 ppm et de 200 ppm pour 15  min (VECD = Valeur d’exposition courte durée) (5). Le CO est également inflammable à une concentration de plus de 12 %. En plus des endroits décrits dans cet article, il est pos­sible de trouver du CO presque partout. Il y a production de CO dès qu’il y a de la combus­tion, aussi petite qu’une simple chandelle, une fondue entre amis ou encore une combustion plus importantes dans plusieurs industries comme les aciéries, les garages, les docks de chargement, les compagnies d’électricité, de câble, de téléphone et dans les industries en général ainsi que lors des incendies, si l’on considère le travail des pompiers.

Il faut apprendre à connaitre cet ennemi re­doutable et recourir aux moyens efficaces pour qu’il ne tue plus personne. C’est réalisable, il suffit de s’y attaquer avec les moyens connus décrits dans cet article.

 

 


1 – Christian Rousseau – [crousseau@indsci.com]

Références bibliographiques

    1. [https : //ici.radio-canada.ca/nouvelle/1137359/travailleuse-restaurateur-rue-intoxiquee-granby-monoxyde-carbone-cnesst] Vérifié le 21 janvier 2019.
    2. Morasse, M. A. Intoxication au monoxyde de carbone : l’école rouvrira demain LaPresse, 15 janvier 2019.
    3. [https : //www.cnesst.gouv.qc.ca/salle-de-presse/communiques/Pages/26-septembre-2018-gaspe.aspx] Vérifié le 21 janvier 2019.
    4. [https : //www.lequotidien.com/actualites/justice-et-faits-divers/panne-funeste-a-shawinigan-f1f3d2a5bced3fe6922d9222c4f8edb7] Vérifié le 21 janvier 2019.
    5. Règlement sur la santé et la sécurité du travail du Québec.
    6. Association Américaine d’Hygiène Industrielle, [https : //www.acgih.org/] Vérifié le 21 janvier 2019.