Mot du rédacteur scientifique – Alerte au fentanyl


Mot du rédacteur scientifique – Alerte au fentanyl

Maximilien Debia

Le fentanyl est un opiacé synthétique puissant. Cette substance a tout d’abord été produite et utilisée dans une optique thérapeutique pour son fort potentiel analgésique, comparable ou même supérieur à celui de la morphine. Dans ce contexte, une étude belge effectuée chez un producteur pharmaceutique a démontré que les travailleurs attitrés à la production de fentanyl étaient bel et bien exposés à cette substance (1). Les bonnes corrélations obtenues entre les concentrations prélevées sur les mains et dans les urines à la fin du quart de travail suggèrent fortement que la voie d’exposition principale dans cette étude était la voie cutanée.

Le fentanyl est aujourd’hui utilisé comme une drogue récréative et les décès par surdose se comptent par centaines en 2016 au Canada. Mélangé avec de l’héroïne ou d’autres drogues comme l’oxycodone, le fentanyl augmente fortement la puissance de la drogue qui, lorsqu’inhalée, ingérée ou injectée entraine rapidement une importante dépression respiratoire pouvant provoquer la mort (2, 3). L’apparition du carfentanyl, un opiacé en core 100 fois plus puissant que le fentanyl, laisse craindre une détérioration encore de la situation (4). Divers premiers répondants se retrouvent en première ligne et sont à risque d’être exposés au fentanyl durant leur travail. On rapporte qu’un policier de Winnipeg a été hospitalisé suite à une exposition présumée par voie cutanée (5), mais ce cas souligne surtout l’importance de prendre en compte les expositions potentielles lors des différentes interventions et de former les travailleurs pouvant être en contact avec cette substance ou d’autres formes d’opiacés.

La situation est suffisamment sérieuse pour que le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) aux États-Unis décide de mettre en ligne des informations en lien avec la substance et les moyens de prévention à mettre en place (6). Le NIOSH revient sur les bonnes pratiques pour prévenir les expositions professionnelles et propose minimalement l’utilisation d’une pièce faciale filtrante ou d’un demi-masque (P100) avec des lu nettes de protection, le port de gants de nitrile et le port de vêtements de protection ou de manches jetables durant les interventions. Le NIOSH rappelle aussi l’importance pour les intervenants d’évaluer chaque situation et d’ajuster les méthodes de protection en conséquence.

Les questions émergentes des risques pour la santé associés à de nouvelles substances, de nouveaux usages ou de nouvelles technologies ne cesseront d’être posées. Toutefois, il faut se rappeler que l’application diligente des méthodes classiques de prévention est dans bien des cas suffisante pour maitriser les expositions.