Mot du rédacteur scientifique – Cancérogènes – Le NIOSH dévoile sa nouvelle politique


Mot du rédacteur scientifique – Cancérogènes – Le NIOSH dévoile sa nouvelle politique

Michel Gérin

L’exposition aux substances cancérogènes demeure une préoccupation majeure en santé au travail (1,2). Pour une substance donnée, la gestion du risque de cancer implique notamment que soit bien caractérisé son danger de cancérogénicité, que les niveaux d’exposition puissent être confrontés à des normes ou balises bien définies et que des moyens de maitrise adaptés soient mis en place pour réduire l’exposition. À ce propos une importante contribution vient d’être faite aux États-Unis par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) qui a mis à jour et publié sa politique sur les cancérogènes chimiques (3). En voici quelques points saillants.

La première étape de l’étude d’une substance est celle de l’évaluation du danger de cancérogénicité. Plutôt que de faire sa propre analyse, l’organisme fera largement appel à trois classifications existantes jugées les plus fiables : celle du National Toxicology
Program (NTP), celle de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) et celle du Centre international de Recherche sur le Cancer de l’OMS (IARC). Il s’agit pour le NIOSH d’économiser des moyens pour mieux investir dans les autres étapes de la démarche. À noter que sont désignées sous la même appellation englobante de cancérogène chimique des substances auxquelles les organismes cités ont attribué des classifications couvrant une large gamme de poids de la preuve, allant de cancérogène reconnu pour l’humain à cancérogène possible pour l’humain ou avec preuve suggérant un potentiel cancérogène.

En ce qui concerne l’élaboration de valeurs limites, le NIOSH n’utilisera plus le terme REL (Recommended Exposure Limit) mais plutôt RML-CA (Risk Management Limit for a Carcinogen), c.-à-d. valeur limite de gestion du risque pour un cancérogène. Selon l’organisme cette désignation reflète mieux l’objectif de faire de ces valeurs un point de départ pour la réduction de l’exposition au plus faible niveau possible, en tenant compte du fait que, pour les cancérogènes, il n’y aurait pas de niveau d’exposition que l’on puisse affirmer être sécuritaire. Lorsque les données toxicologiques ou épidémiologiques le permettent, la RML-CA sera calculée pour correspondre à un excès de cancer de un pour dix-mille travailleurs exposés pendant 45 ans. Dans le cas où la valeur est inférieure à la limite de quantification analytique, c’est cette dernière qui servira à établir la norme. À noter qu’historiquement les valeurs des REL étaient établies pour un niveau de risque de un pour mille et correspondaient à des expositions atteignables et mesurables dans de nombreux milieux de travail dans le passé. Les progrès récents en mesurage et maitrise de l’exposition permettraient d’atteindre des niveaux d’exposition inférieurs. Le NIOSH maintient cependant la consigne de réduction maximale de l’exposition par une démarche classique favorisant en ordre décroissant l’élimination ou la substitution, les moyens techniques et administratifs et la protection individuelle. L’organisme continuera à évaluer et rendre publique l’information existante sur ces diverses méthodes.

Une comparaison, en dehors du format de cette courte rubrique, serait intéressante entre l’approche présentée dans ce document et celle d’autres organismes nord-américains, comme l’ACGIH, ou européens, en ce qui concerne par exemple le choix des classifications de danger et les méthodes d’élaboration des valeurs guide. Même si le document de NIOSH reste influencé par le contexte gouvernemental étasunien il n’en demeure pas moins unique par son approche globale. On ne peut que souhaiter voir rapidement apparaitre de nombreux RML-CA, dont pourraient s’inspirer des organismes comme la CNESST au Québec dans le cadre de leur processus de révision des normes.