Norme Z259.11 Conséquences pratiques


Norme Z259.11 Conséquences pratiques

En 2015, douze travailleurs sont morts des suites d’une chute de hauteur, ce qui représente presque 20% des décès au travail et en fait la troisième cause cette année-là (1). La nouvelle version de la norme Z259.11Absorbeurs d’énergie et cordons d’assujettissement viendra-t-elle aider à mieux contrôler ce genre d’accidents ?

Bertrand Galy
André Lan
Louis Verville

Lorsque les travailleurs utilisent des équipements de protection individuels (ÉPI) pour arrêter les chutes, ils peuvent choisir un cordon d’assujettissement avec absorbeur d’énergie, ou bien un enrouleur-dérouleur, afin de connecter leur harnais au point d’ancrage. Selon l’article 2.10.12 du code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC), l’absorbeur d’énergie et le cordon d’assujettissement doivent être conformes à la norme Absorbeurs d’énergie et cordons d’assujettissement CSA Z259.11 (3). L’article 2.10.12 du CSTC ajoute que la liaison antichute doit limiter la force maximale d’arrêt de chute à 6 kN ou la hauteur de chute libre à 1,8 m (2).

La norme citée dans le CSTC ne fait pas mention de l’année. En conséquence, c’est la dernière version de la CSA Z259.11 qui s’applique. Dans les prochains mois, les nouveaux absorbeurs d’énergie, conformes à la dernière version de la norme, soit la version de janvier 2017 récemment publiée par CSA, vont arriver sur le marché québécois. Il y a eu des changements importants entre la version 2005 (3) et celle de 2017 (4) de la norme CSA Z259.11. Il parait opportun de se demander quelles seront les conséquences pratiques, lorsque les travailleurs du Québec devront acheter un nouveau cordon d’assujettissement incluant un absorbeur d’énergie.

Exigences normatives 2005 et 2017

La norme CSA Z259.11 de 2005 (3) a été reconduite en 2009 et en 2015, et la nouvelle version a été publiée le 25 janvier 2017 par le groupe CSA (4). Les exigences relatives aux absorbeurs d’énergie de la norme CSA Z259.11 de 2005 sont résumées dans le Tableau 1 (3).

Avec l’ancienne version de la norme, le travailleur avait le choix entre deux classes, sélectionnées suivant sa masse avec l’équipement. La classe E4 répondait toujours aux exigences du CSTC, quant à la classe E6, lorsque les conditions météorologiques étaient non tempérées, par temps très froid (-35°C) ou très chaud (+45°C), il fallait s’assurer que la hauteur de chute libre restait inférieure à 1,8 m. Le choix était donc relativement aisé, et l’information pour le travailleur assez claire : E4 = 4 kN et E6 = 6 kN.

Les exigences relatives aux absorbeurs d’énergie de la norme CSA Z259.11 de 2017 sont résumées dans le Tableau 2 (4). Les informations que doivent fournir les fabricants sont dorénavant plus détaillées que dans la version de 2005, ce qui permettra aux ingénieurs concepteurs de système de protection contre les chutes de hauteur une plus grande latitude pour la sélection d’absorbeurs.

On remarque donc que dans la version 2017 de la norme CSA Z259.11, il n’y a plus de classes E4 et E6. Dorénavant, le fabricant de l’absorbeur indiquera sur celui-ci la gamme de masse acceptable pour les travailleurs. Quelle que soit la masse du travailleur, la force maximale d’arrêt ne peut pas dépasser 8 kN. L’étiquette apposée sur les nouveaux absorbeurs sera blanche avec des caractères noirs pour les distances de chute libre de 1,8 mètre ou moins (figure 1), et noire avec des caractères blancs pour des distances de chute libre de 1,8 à 3,6 m (figure 2). Pour être en conformité avec la version actuelle du CSTC, il faut donc s’assurer que la force maximale d’arrêt de chute est inférieure à 6 kN ou que la hauteur de chute libre est limitée à 1,8 mètre.

Force d’arrêt de chute

La force d’arrêt de chute maximale théorique est limitée par la nouvelle norme à 8 kN, et l’autre critère limitant est la décélération maximale de 10 g pour des conditions d’essai en milieu sec et tempéré. Un moyen simple d’estimer la force maximale théorique lors de l’arrêt de chute est de multiplier la masse minimale indiquée par le fabricant pour l’absorbeur par la décélération 10 g, soit 10 fois l’accélération de la pesanteur, environ égale à 9,81 m/s2. Par exemple, pour un absorbeur dont la gamme de masse est de 60 à 140 kg (figure 1), la force d’arrêt  maximale de l’absorbeur sera nécessairement inférieure à : 60 kg x 10 g = 60 kg x 10 x 9,81 m/s2 = 5,89 kN

Il ne s’agit pas de la force réelle d’arrêt de l’absorbeur d’énergie, qui pourrait être plus faible, mais du maximum possible pour que le critère de décélération de 10 g soit respecté.

On peut donc retenir que, dès que la masse minimale indiquée sur l’absorbeur est de 60 kg ou moins, la force maximale d’arrêt de chute est inférieure à 6 kN, et donc l’absorbeur est en adéquation avec les critères du CSTC. De plus, il est primordial de souligner que, plus la masse minimale indiquée sur l’absorbeur est faible, moins l’arrêt de chute sera brutal, mais cela se fera au prix d’un allongement de la distance d’arrêt.

Hauteur de chute libre

La distance maximale de chute libre indiquée sur l’étiquette de l’absorbeur d’énergie (figures 1 et 2) peut être dépassée si le cordon est mal utilisé par le travailleur, et des lésions graves ou mortelles peuvent survenir en cas d’arrêt de chute. La hauteur de chute libre dépend de deux facteurs :

  • la longueur du cordon d’assujettissement ;
  • la position relative de l’ancrage et de l’anneau en D du travailleur.

Dans le cas où le point d’ancrage est au-dessus de l’anneau du harnais porté par le travailleur, la hauteur de chute libre est plus petite que la longueur du cordon d’assujettissement. Ce cas est idéal et permet de limiter le dégagement nécessaire.

Dans le cas où le point d’ancrage est en dessous de l’anneau en D du travailleur, la hauteur de chute libre sera plus grande que la longueur du cordon  d’assujettissement. Au maximum, cette hauteur de chute libre atteindra deux fois la longueur du cordon d’assujettissement : pour un cordon de 1,8 m, la hauteur de chute libre pourrait aller jusqu’à 3,6 mètres.

Il est donc recommandé d’utiliser un absorbeur d’énergie avec une étiquette blanche (chute libre maximale de 1,8 mètre), et de s’assurer d’avoir le point d’ancrage au-dessus des épaules.

Déploiement maximum et facteur de déploiement Dm

Les dernières indications marquées sur l’étiquette d’un absorbeur d’énergie sont le déploiement maximum et le facteur de déploie ment (figures 1 et 2). Le déploiement maximum indique la longueur maximale d’allongement de l’absorbeur. Il est utile pour calculer la hauteur de dégagement nécessaire, surtout lorsque l’utilisateur est dans la limite haute de la gamme de masse et proche de la hauteur maximale de chute libre indiquées sur l’étiquette.

Le facteur de déploiement permet d’estimer le déploiement de l’absorbeur de manière plus précise, en prenant en compte la masse de l’utilisateur et sa hauteur de chute libre. Le nombre en indice indique la masse du travailleur pour laquelle le facteur de  déploiement est donné : 125 kg pour l’absorbeur présenté en figure 1 ou 2. Par exemple, pour un travailleur de 125 kg qui subit une chute libre de 1,3 mètre, l’indication D125 = 0,65 permet de calculer le déploiement de l’absorbeur : 1,3 x 0,65 = 0,845 m.

En utilisant ce déploiement estimé, il est possible de calculer plus précisément le dégagement nécessaire sous le point d’ancrage. Le manuel d’utilisation de l’absorbeur d’énergie peut inclure des diagrammes ou un tableau de facteurs de déploiement pour différentes masses. À défaut, on peut retenir que le calcul de déploiement fait pour un utilisateur plus lourd qu’en réalité sera conservateur.

Conclusions

De nouveaux cordons d’assujettissement avec absorbeurs d’énergie conformes à la nouvelle norme CSA Z259.11 (4) arriveront sur le marché québécois très prochainement. Voici les recommandations que nous formulons pour faire un choix sécuritaire.
• Si la masse du travailleur est incluse dans la gamme de masse de l’absorbeur, choisir un absorbeur dont la masse minimale indiquée est inférieure ou égale à 60 kg, afi n de limiter les forces lors de l’arrêt de chute.
• Choisir un modèle à étiquette blanche (chute de moins de 1,8 m) et s’assurer d’avoir toujours le point d’ancrage au-dessus des épaules.

Enfin, rappelons qu’il est nécessaire de s’assurer que le dégagement sous le poste de travail est suffisant pour éviter que le travailleur ne percute le sol ou un obstacle en cas de chute.