Oeuvrer en zones urbaines polluées – Protection des travailleurs


Oeuvrer en zones urbaines polluées – Protection des travailleurs

Plusieurs villes du monde sont constamment aux prises avec des taux de pollution élevés. Les populations de ces villes peuvent être exposées à des taux de particules fines dépassant de 10 à 20 fois les valeurs moyennes observées à Montréal.

Jean-Pierre Gauvin

C’est le cas notamment à Ashwaz (Iran), Oulan Bator (Mongolie), Ludihiana (Inde), Peshawar (Pakistan), Beijing (Chine), Shanghai (Chine) et plusieurs autres endroits.

Les impacts sur la santé de la pollution peuvent néanmoins être atténués par un ensemble de mesures allant d’une modification des habitudes de vie jusqu’à l’installation de dispositifs sophistiqués d’épuration de l’air dans les résidences et lieux de travail.

Recommandations de l’OMS

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la majorité des zones urbaines où on effectue des mesures de qualité de l’air sont aux prises avec des taux de pollution atmosphérique excédant les niveaux jugés sécuritaires. On indique que ceci serait associé à plus de 3 millions de décès  annuellement dans le monde. Accidents vasculaires cérébraux, cardiopathie, cancer du poumon et maladies respiratoires aigües seraient au nombre des principales pathologies associées à la pollution urbaine.

Les taux de particules fines de moins de 10 microns (PM10) et de moins de 2,5 microns (PM2,5) en suspension dans l’air constituent des indicateurs courants des niveaux de pollution urbaine. Ces particules fines comprennent l’ensemble des éléments solides susceptibles de pénétrer les voies respiratoires. L’OMS recommande le maintien des valeurs PM10  sous la moyenne annuelle de 20 g/m  et les PM 2,5 sous la moyenne annuelle de 10 g/m. En cas d’exposition sur une courte durée, les valeurs moyennes recommandées par période de 24 heures sont de 25 g/m pour les PM2,5 et de 50 g/m pour les PM10. Selon l’OMS seule, 12 % environ de la population urbaine mondiale serait exposée en deçà de ces valeurs.

Situation en Amérique vs l’Asie

La situation en Amérique est en général bien contrôlée avec la majorité des lieux urbains conformes aux valeurs recommandées par l’OMS. Ainsi à New York, Montréal et la plupart des grandes villes canadiennes le taux de pollution par particules fines (PM2,5) est généralement inférieur à 10 g/m. Par ailleurs, dans plusieurs pays en voie de développement ainsi qu’en Asie, les villes sont souvent confrontées à des taux de pollution excédant 70 g/m, un niveau considéré non sécuritaire par les agences de santé (voir tableau 1).

Dans toutes les villes, les taux de pollution ne sont pas fixes, mais varient en fonction des saisons, des conditions climatiques, ainsi que de l’heure du jour. Il est ainsi possible pour les résidents de programmer leurs activités physiques en fonction des taux de pollution affichés sur les bulletins officiels et ainsi réduire l’impact de la contamination de l’air sur leur santé. Ces pratiques sont courantes au Canada, aux États-Unis et dans la plupart des pays, dont la Chine, avec la communication en direct des taux de pollution de l’air par les agences de santé et les recommandations de réduire les activités d’aérobie lors d’épisodes de pollution intense. Ainsi les pratiques de course à pied, jogging, vélo et autres sports lorsqu’elles sont effectuées sans égard au taux de pollution urbaine pourraient être associées à des risques significatifs pour la santé. Il en va de même pour certaines activités de travail associées à une dépense énergétique importante.

Expositions occupationnelles aux poussières respirables

Dans nos pays industrialisés, les expositions aux contaminants de l’air en milieu de travail doivent être contrôlées. En cas d’exposition à des poussières respirables provenant d’activités industrielles, de construction ou autres, la limite à ne pas dépasser est de l’ordre de 3000 g/m d’air lorsque des travailleurs sont exposés selon un horaire de 8 heures par jour. Cette limite n’est toutefois tolérée que pour des travailleurs en bonne santé et ne souffrant d’aucune affection respiratoire. Si l’exposition était maintenue à la résidence des travailleurs et se poursuivait sur un cycle de 24 heures incluant les périodes de congé, on pourrait considérer une limite beaucoup plus faible pour tenir compte du plus grand nombre d’heures d’exposition et de l’absence de périodes de récupération.

Travailleurs canadiens en mission

Il arrive que des travailleurs canadiens soient appelés à effectuer des missions de moyenne et longue durée en des zones urbaines situées en pays étranger où les taux de pollution son élevés. Quels sont alors les impacts possibles sur leur santé et comment minimiser ceux-ci ?

Dans l’hypothèse où aucun contrôle n’est effectué sur la qualité de l’air dans les lieux de travail et lieux de résidence, alors les travailleurs sont inévitablement exposés à des poussières fines en concentration plus élevée qu’à Montréal ou autres villes canadiennes. Dans l’hypothèse où le lieu de travail est caractérisé par un taux de poussières fines supérieur à 70 g/m comme c’est le cas en de nombreuses villes, l’exposition prolongée pourrait être associée à un risque accru de malaises respiratoires et pathologies graves. Le risque pour la santé serait proportionnel à la dépense énergétique du travailleur en périodes de pollution intense et à la durée du séjour. Pour des durées inférieures à un an, le risque est toutefois peu significatif chez une personne en bonne santé.

Si cependant des dispositifs de ventilation mécanique sophistiqués avec filtres à haute efficacité (HEPA) certifiés sont installés dans les  lieux de résidence, bureaux et lieux de travail, alors les expositions du personnel peuvent être réduites de manière importante.

Nous avons calculé que pour une personne en mission dans une zone urbaine où l’air est fortement pollué, si un dispositif de ventilation à haut débit avec filtration de l’air à haute efficacité (HEPA) alimente tous les lieux de travail ainsi que les lieux de résidence, alors les périodes d’exposition à la pollution urbaine seraient limitées aux sorties extérieures et représenteraient environ 4 heures par jour. L’exposition moyenne sur une journée aux particules fines PM 2,5  serait alors réduite considérablement. En zones où la pollution est de l’ordre de 70 g/m  ceci réduirait l’exposition à des valeurs comparables à celle des résidents du Canada, soit environ 12 g/m. Si en plus les sorties à l’extérieur sont limitées aux périodes de la journée où le taux de pollution est plus faible, par exemple en dehors des périodes de haute congestion automobile, alors l’exposition pourrait être réduite davantage. En périodes de haut niveau de pollution urbaine, le port d’appareils de protection respiratoire tels des masques jetables de type N 95 pour les randonnées l’extérieur contribuerait finalement à réduire les expositions à des valeurs négligeables.

Conclusion

Lorsque des travailleurs sont en mission en zones urbaines où la pollution est élevée, il est possible d’offrir à ceux-ci des conditions d’exposition aux polluants aussi faibles que celles en cours au Canada moyennant 1. que des systèmes de ventilation performants et avec filtration à haute efficacité soient installés dans les zones intérieures 2. que les travailleurs soient sensibilisés à l’importance d’adapter leurs horaires de pratiques sportives extérieures ainsi 3. qu’au port d’équipement de protection respiratoire lors de sorties à l’extérieur en périodes de pollution extrême. Si toute la famille et possiblement de jeunes enfants font partie de la mission dans ces zones urbaines, alors chacun des membres doit faire l’objet des mêmes attentions. L’instauration de ces mesures de prévention  en plus de protéger les membres de la mission risque d’augmenter la conscientisation des communautés locales et d’avoir un effet d’entrainement.  Évidemment, il demeure essentiel également de poursuivre la recherche de solutions à la  contamination de l’air dans ces contrées. Il s’agit d’un enjeu mondial de santé.