Où en sommes-nous ?


Où en sommes-nous ?

Christian Millet

Discuter et présenter de l’information vulgarisée sur la santé, et accessoirement sur la sécurité, du travail depuis plus de 33 ans a été un défi de tous les instants. En effet, et bien que la science ait progressé depuis la publication du livre blanc sur la santé et la sécurité du travail, les contenus successifs des parutions de Travail et santé nous prouvent que le sujet n’est pas encore épuisé. Je trouve intéressant d’analyser les sujets couverts dans ce numéro en fonction de l’avancement des connaissances. Je m’explique : un article sur les fumées de soudages, un sur le travail répétitif, un autre sur la gestion des accidents, ainsi qu’un sur le cadenassage, pour ne mentionner que ceux-là.

Les fumées de soudages sont reconnues comme étant soupçonnées de présenter des risques de cancérogénicité depuis plus de 20 ans. Et pourtant, l’auteur fait la preuve qu’au lieu d’avoir pris le principe de prévention à la lettre, à savoir d’anticiper et de contrôler les risques, on préfère attendre que des preuves scientifiques et épidémiologiques démontrent un effet direct de cause à effet. Entre temps, des travailleurs sont exposés à des fumées toxiques, les employeurs déboursent des couts importants reliés à l’absentéisme et au ralentissement de productivité et la société subit tous les contrecoups reliés à ces phénomènes.

D’ailleurs, je vous recommande de lire le mot du rédacteur scientifique en page 23 où on peut lire que les fumées de soudage et les émissions ultraviolettes reliées au soudage sont maintenant reconnues cancérogènes pour l’homme (Groupe 1) par le CIRC.

Le travail répétitif et, surtout, ses conséquences ont été étudiés dans l’histoire moderne de la santé au travail depuis plus de 30 ans. Nous savons depuis longtemps que la surutilisation de nos structures anatomiques peut causer des lésions temporaires ou permanentes. Et pourtant, nous recensons plus de 85 000 ouvertures de dossier en 2015 auprès de la CNESST. Alors pourquoi ne dessinons-nous pas nos lignes de production en fonction de contraintes ergonomiques plutôt que d’attendre une déclaration de syndrome du canal carpien ou d’épicondylite ?

Nous publions, en 2017, un AUTRE article sur le cadenassage. Pas que l’auteur rabâche des informations déjà diffusées précédemment, mais plutôt parce qu’il y a encore des besoins de connaissances sur ce sujet. Et pourtant !

Des décès causés par des défauts de processus de cadenassage, par une mauvaise compréhension de la mise à zéro de toutes les sources d’énergie, ainsi que la prise de chances lors des travaux de réparations ou d’entretien non planifiés sont encore monnaie courante. Il y a encore peu de temps, je trouvais encore des clés dans les cadenas ou à côté du cadenas.

Sans vouloir vanter l’utilité d’une publication comme la nôtre, parution après parution, nous avons encore besoin de présenter de l’information sur des sujets que nous présentions il y a quelques décennies. Est-ce une indication du manque de volonté de certaines entreprises à comprendre que la prévention est une nécessité opérationnelle, je vous en laisse juges.