GESTION

Personnel en santé = Entreprise en santé
PARTIE 2 – UNE ÉTAPE À LA FOIS

Marie Laberge1

Un peu à l’image de l’implantation d’un système de gestion de la santé et sécurité du travail ou de l’environnement, et parce qu’il s’agit là d’une manière reconnue efficace en management, la prévention en matière de santé globale et de mieux être s’implante par étape.

Le premier article (1) visait à comprendre le phénomène du stress sur la santé globale des individus et par effet collatéral, sur la santé économique des milieux de travail. Il faisait la démonstration qu’un milieu de travail sain est favorable à l’atténuation des effets du stress sur la personne, la rendant par conséquent plus disponible à fournir une prestation de travail à la hauteur des attentes, et ce, peu importe que les sources de stress soient internes ou externes au milieu de travail (figure 1).

Pour ce faire, le milieu de travail doit d’abord reconnaitre le risque que représente une surexposition de la personne aux facteurs de stress. Cette prise de conscience faite, il peut alors identifier et mettre en oeuvre les meilleures stratégies pour atténuer les effets du stress sur la santé globale de son personnel en rendant le milieu de travail favorable à la santé et au mieux-être.

Mais comment s’y prendre et par où commencer ? Pour répondre à ces questions, voici une manière de procéder, inspirée de l’amélioration continue (figure 2) et de la norme  communément appelée « Entreprise en santé » (2).

Planifier et contrôler

Un peu à l’image de l’implantation d’un système de gestion de la santé et sécurité du travail ou de l’environnement, et parce qu’il s’agit là d’une manière reconnue efficace en management, la prévention en matière de santé globale et de mieux-être s’implante par étape.

D’abord, PLANIFIER, et qui parle de planifier parle d’engagement. Une organisation qui s’engage dans une démarche de prévention en matière de santé et de mieux-être débutera par un énoncé d’engagement qu’elle diffusera et promouvra non seulement à son personnel, mais aux autres parties prenantes de l’organisation, dont ses clients. Il convient que cette démarche sera inclusive à la prévention en matière de SST comme prescrit par la Loi sur la santé et sécurité du travail.

À la suite de cet engagement, l’organisation verra à identifier des représentants de la direction et du personnel à titre de porteurs de la démarche, dont un comité sur la santé et le mieux-être devant se rencontrer sur une base régulière. Le mandat de ce comité sera appuyé d’intentions sous forme d’objectifs opérationnels et organisationnels permettant à l’organisation de CONTRÔLER la performance de ses actions par la surveillance de certains indicateurs de résultats, dont :
• Taux de roulement ;
• Taux d’absentéisme ;
• Couts en assurances collectives ;
• Couts des cotisations à la CNESST ;
• Principales catégories de diagnostics pour les invalidités ;
• Estimations des couts directs et indirects associés à la mauvaise santé du personnel ;
• Statistiques en santé et sécurité du travail (fréquence et gravité).

Une fois cette structure mise en place, il importera de travailler sur les bons enjeux. C’est ici qu’entre en jeu la caractérisation (analyse de risque) en matière de santé et mieuxêtre. Un sondage bien construit et assurant la confidentialité des données recueillies permettra de connaitre les principaux problèmes de santé du personnel, incluant le personnel en invalidité, ses préoccupations, ses besoins et ses intérêts.

Développer et ajuster

Une fois ces premières étapes franchies, il suffira de DÉVELOPPER un plan d’action répondant aux enjeux et qui contribuera à améliorer la santé et le mieux-être du personnel une fois à terme. Les actions seront par conséquent choisies par le comité de manière à : 1. Correspondre aux résultats du sondage, aux ressources humaines et économiques disponibles, aux priorités de l’organisation ;
2. Influencer positivement la santé globale du personnel.

Chaque action devra être mesurable et mesurée tant en termes de processus (participation du personnel) que de résultats tangibles. Comme tout bon plan d’action, il sera doté
de :
• Une portée ;
• Un ou des responsables ;
• Un échéancier ;
• Un plan de formation ;
• Un plan de communication ;

• Un budget ;
• Un processus d’évaluation des actions et de révision du plan d’action ;
• Un processus de présentation des résultats.

À ce dernier égard, le comité présentera à la direction un bilan du plan d’action et de ses effets sur la santé et le mieux-être du personnel pour qu’elle puisse à son tour, le présenter et en discuter avec son personnel et AJUSTER le tir au besoin.

Mais que faire ?

Parce que la santé et le mieux-être sont encore méconnus dans les milieux de travail, il convient de présenter ici quelques exemples de saines pratiques organisationnelles. Elles sont divisées en quatre catégories : habitudes de vie, équilibre travail et vie personnelle, environnement de travail et pratiques de gestion. Voici certaines d’entre elles, et ce, pour chacune de ces catégories. Elles ont été sélectionnées pour leur popularité et leurs effets sur les résultats.

Les habitudes de vie

Les actions en matière d’habitudes de vie sont populaires, mais souvent assez couteuses, d’où l’importance de bien cibler les besoins. Il est plutôt fréquent de voir dans les milieux de travail adhérant à la démarche, des actions telles que des campagnes de sensibilisation et des services-conseils favorables à une saine alimentation, des contributions financières à l’abonnement à des activités sportives et de conditionnement physique, des ateliers de sensibilisation à l’arrêt du tabagisme, des conférences sur la gestion du stress et la  résolution de conflit, des ateliers d’éducation en santé mentale ainsi qu’un programme d’aide aux employés (PAE).

L’équilibre entre travai et vie personnelle

La seconde catégorie, exigeant plus de créativité de la part des milieux de travail, mais apportant son lot de bénéfices, concerne l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. Une des mesures les plus courantes est certes, les horaires flexibles. Par ailleurs, une tendance à ne pas négliger concerne le télétravail et l’ajustement du milieu de travail au retour progressif suite à une absence pour congé de maternité, maladie ou autres raisons personnelles et familiales.

Un fait, des plus intéressants, observé dans les milieux de travail adhérant à la démarche sur les mesures d’équilibre entre travail et vie personnelle est que ces mesures ne sont pas seulement mises en oeuvre dans des milieux jugés plus « naturels » à ces pratiques, telles que les services, mais également dans les milieux tels que le secteur manufacturier et le réseau de la santé.

L’environnement de travail

La troisième catégorie concerne l’environnement de travail. Tout comme la première catégorie, les actions doivent être bien choisies en raison des investissements nécessaires a leurs implantations et leur support. On parle ici, notamment, de programme d’ergonomie, d’installations sportives et sanitaires, de distribution de fruits frais, d’aménagement d’aires de repos et de relaxation.

Les pratiques de gestion

On serait tenté d’investir temps et argent dans les trois catégories déjà présentées. Mais il faut faire attention, car elles ont, en effet, un grand pouvoir d’action et de popularité. Mais elles ne sauraient, à elles seules, donner accès à la réelle performance en matière de santé et mieux-être. L’organisation devra mettre en oeuvre de saines pratiques de gestion et accompagner ses gestionnaires à développer des pratiques favorables à la santé mentale, aux communications efficaces, à la reconnaissance, à la prévention du harcèlement et bien d’autres pour compléter et consolider sa démarche.

C’est le mélange d’actions dans toutes ces catégories qui permet aux organisations d’améliorer la santé et le mieux-être de leur personnel, et cela bien dosé en fonction de la caractérisation des enjeux organisationnels et des besoins du personnel préalablement effectuée.

Conclusion

Une telle démarche peut être implantée avec ou sans référence à une norme quelconque. Il convient toutefois de souligner que la première option permette de s’améliorer en matière de santé et de mieux-être, mais de se comparer.

Au même titre que la prévention plus traditionnelle des risques pour la santé et la sécurité du travail, la rigueur demeure un déterminant essentiel à la rentabilité des investissements. Une démarche d’amélioration de la santé et du mieux-être représente, certes, des investissements en temps et en argent.

Toutefois et à la lumière de la tendance en cette matière, il apparait fortement stratégique d’investir ces ressources humaines et financières, par ailleurs limitées, en prévention plutôt qu’en réparation. D’autant que le contexte actuel de pénurie de main-d’oeuvre n’est pas de nature passagère et que cet état de fait s’avèrera suffisamment présent dans le temps pour multiplier les défis de productivité, de compétitivité et de pérennité des entreprises.

Un milieu de travail en santé pour du personnel plus présent, plus engagé et plus assidu aura assurément pour effet collatéral de promouvoir un milieu de travail stimulant, attrayant et concurrentiel, peu importe le secteur d’activité. À votre santé et mieux-être.


1 – Marie Laberge – EXPERTE-CONSEIL ET CONFÉRENCIÈRE EN MANAGEMENT
DE LA SANTÉ-SÉCURITÉ, ENVIRONNEMENT ET MESURE DE PERFORMANCE [info@marielabergeconsultante.com] [marielabergeconsultante.com]

Références bibliographiques

    1. Laberge, Marie : Personnel en santé = Entreprise en santé, partie 1 — Comprendre. Travail et santé vol. 35 no 2, juin 2019.
    2. Bureau de normalisation du Québec : Norme Entreprise en santé, BNQ 9700-800/2008, [https : //www.bnq.qc.ca/fr/normalisation/sante-au-travail/entreprise-en-sante.html] consulté le 15 aout 2019.
    3. [https : //fr.wikipedia.org/wiki/Roue_de_Deming] consulté le 15 aout 2019.