Pour une approche Zen


CORRIGER LES RISQUES Pourquoi votre suivi a-t-il des ratés ?

À la une aujourd’hui dans mon usine, une équipe du « corpo » va débarquer pour auditer notre système de gestion de la santé, sécurité et environnement (SSE). Le directeur du site est dans mon bureau, l’air plus sévère que d’habitude. Il est suivi de la directrice de production qui gesticule et parle fort. Réunion d’urgence. Tout le monde sur le pont. Angoisse. Sueur froide. Panique.

Christian Millet

Pourquoi n’ai-je pas la même réaction que mes collègues ? Pourquoi n’ai-je pas arrêté les rotatives et que je continue à boire mon café sans avoir envie de le changer pour une tisane calmante? La réponse est simple: je suis prêt. Et mon usine aussi.

Alors, allons à cette réunion d’urgence pour discuter du déroulement de l’audit corporatif et pour expliquer la place de chaque personne dans cet exercice.

Nous sommes noyés sous un flot d’informations, mais avons soif de connaissances (1)

La première question qui est sur les lèvres de toute l’équipe de direction porte sur l’utilité d’un tel audit corporatif pour l’usine ou le site.

Ce genre d’audit interne n’est souvent qu’un exercice de comptabilité qui est, en fait, un moyen de juger l’usine par rapport à des normes légales ou corporatives. Dans mon cas, l’équipe de direction de l’usine a eu des expériences malheureuses où la seule raison valable de subir un audit était de s’assurer de la conformité avec des normes de certifications. Dans un tel contexte, l’exercice se résumait à une liste de non-conformités majeures et mineures, liste qui se traduisait par le renouvèlement, ou non, d’une certification. Voilà la source de ce vent de panique perceptible dans l’équipe.

J’explique donc que notre corporation a compris qu’une des clés du succès d’un audit SSE est le souci constant d’amélioration continue des processus de gestion et non pas bêtement la conformité à une série d’exigences. Bien sûr il est essentiel de se conformer aux normes légales en vigueur ainsi qu’aux exigences de la corporation en termes de programmes, mais cela n’est qu’une partie du processus d’audit.

En effet, un processus d’audit efficace doit être entrepris pour permettre à un site d’évoluer.

À l’aide d’un cadre de gestion applicable aux opérations comprenant des éléments comme une politique, des procédures, un processus de détermination des causes fondamentales des incidents, il est relativement aisé d’établir une ligne de base de la maturité du site. Cette maturité basée sur l’évaluation de l’implantation des composantes du cadre de gestion permet en retour d’identifier les faiblesses de l’usine, les écarts par rapport aux résultats anticipés et donc de développer un plan d’amélioration des processus. En cela, le processus d’audit est un outil qui permet d’appliquer les principes de Planification, Exécution, Évaluation, Action ou PDCA (2) en anglais. En fait, c’est ce que l’usine fait au quotidien pour ce qui est de la production, de la qualité et même au niveau SST. Alors aucun souci, puisque nous avons un cadre de gestion pour lequel nous évaluons la progression quotidienne de son implantation.

Je me permets aussi un commentaire sur le déroulement de l’audit. La première étape sera la conférence d’ouverture où, généralement, l’auditeur en chef explique la portée de l’audit, les méthodes de revue de la documentation, les entrevues avec le personnel de tous les niveaux hiérarchiques et les recommandations. Je suggère que toute l’équipe de direction soit présente lors de cette rencontre ainsi que des employés de plancher siégeant sur le comité de santé et de sécurité du travail. Je mentionne aussi que le directeur général du site devrait présenter les activités du site, incluant les processus de vérification continue ou les tableaux de bord déjà en place. Le but de cet exercice est de montrer la maitrise du processus d’amélioration continue et l’ouverture du site à recevoir toute observation qui pourra faire progresser sa maturité.

En parlant de la revue de la documentation, il est essentiel de rendre la tâche des auditeurs le plus simple possible. Je vais donc préparer une salle de conférence pour l’équipe d’auditeur dans laquelle je vais mettre des classeurs contenant les différents documents par sujet de cadre de gestion. Cela ne mettra pas de stress sur l’équipe puisque nous rapportons déjà nos conditions dangereuses, documentons l’analyse des causes fondamentales et faisons un suivi serré de nos actions correctives. De plus, le comité de santé et de sécurité est impliqué dans ce suivi et toutes les actions sont documentées à travers les procès-verbaux des réunions.

Et c’est à ce moment que les directrices de production et de l’entretien paniquent : « mais nos procédures ne sont pas celles demandées par le corporatif » disent-elles ensembles. En fait, je leur explique que les normes corporatives nous servent d’instructions générales pour ne pas oublier de points importants dans la mise en application les éléments du cadre de gestion. Le travail de personnalisation des guides corporatifs a déjà été complété au cours des dernières années et devrait rencontrer les exigences. Leur rôle se bornera donc à répondre aux questions des auditeurs sur les raisons de l’écart entre les procédures corporatives et celles locales. Puisque ces procédures ont été élaborées par leurs équipes avec mon soutien, tous les écarts seront donc justifiés.

Soulagement de l’équipe de gestion, tout le monde a enfin compris pourquoi je ne paniquais pas. Nous sommes en fait engagés dans un processus d’audit continu qui ne sera que renforcé par les recommandations de l’équipe externe d’auditeurs.

Cette histoire est une fable, mais présente dans la réalité les clés de la mise en place d’un cadre de gestion efficace menant à une approche zen d’un audit.


Références bibliographiques

1. Traduction de l’auteur de la citation de Rutherford D Rogers (1985) : we’re drowning in information and starving for knowledge.

2. Traduction de l’auteur de Plan, Do, Check, Act, qui symbolise les principes d’amélioration continue.