Revue des procédures essentielles


Revue des procédures essentielles

Un nombre grandissant de travailleurs est aujourd’hui porteur de stimulateur cardiaque ou de défibrillateur automatique implanté. Comme tout dispositif électronique, ces appareils sont sensibles aux interférences électromagnétiques et peuvent alors avoir un fonctionnement erratique pouvant aller jusqu’à un arrêt complet de leur fonctionnement ou encore, dans le cas des défibrillateurs, produire une décharge électrique spontanée.

Jean-Pierre Gauvin

Les progrès technologiques des dernières années ont cependant considérablement réduit la sensibilité de ces appareils aux interférences et la probabilité d’interaction varie fortement selon le type d’appareil, le manufacturier et sa date de fabrication.

Limites pour travailleurs en bonne santé

Plusieurs milieux de travail comportent des dispositifs électriques tels des fours à induction, des électroaimants, des dispositifs de soudure ou des systèmes électriques à haute puissance susceptibles de générer des champs électromagnétiques pouvant excéder les limites recommandées notamment par l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH), l’International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection (ICNIRP) (2), l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et autres agences. L’employeur a la responsabilité d’effectuer un inventaire détaillé de ces dispositifs et de faire évaluer selon des méthodes reconnues l’intensité des expositions possibles pour les travailleurs. Au besoin, des procédures administratives visant à établir des périmètres de sécurité ou à limiter les expositions devront être établies et dans certains cas, un blindage des dispositifs devra être installé. L’acceptabilité des conditions sera toujours en fonction de la nature, de la fréquence et de l’intensité des expositions observées. L’ACGIH recommande des limites d’exposition pour des travailleurs en bonne santé non porteurs de dispositifs électroniques implantés (1).

• Les limites proposées par l’ACGIH pour un travailleur ne portant pas de dispositif électronique implanté indiquent, pour les très basses fréquences, des expositions tolérables de 0,2 mT à 300 Hz et pouvant atteindre 60 mT à 1 Hz.
• Dans le cas des expositions aux champs magnétiques statiques, l’ACGIH recommande le maintien des expositions touchant l’ensemble du corps sous la valeur de 2 T.
• Dans le cas des expositions à des microondes et radiofréquences, l’ACGIH recommande des limites allant de 1842 V/m pour 30 kHz à 61,4 V/m pour 30 MHz.
• Des limites en termes de densité de puissance sont également établies pour les microondes et ces limites vont de 10 W/m2 pour 100 MHz à 100 W/m2 pour 3 GHz.

Fonctionnement des stimulateurs et défibrillateurs cardiaques implantés

Les personnes souffrant d’arythmie cardiaque peuvent recevoir un stimulateur cardiaque électronique implanté dans leur poitrine afin de rétablir un rythme cardiaque normal. Ce dispositif comporte une pile longue durée ainsi qu’un circuit électronique relié par des fils à des électrodes installées dans le muscle cardiaque. Des impulsions électriques sont alors produites selon les besoins. Le dispositif implanté a une durée de vie de l’ordre de 8 à 12 ans.

Des défibrillateurs automatiques implantés sont également utilisés chez les patients susceptibles de souffrir d’un arrêt cardiaque associé à une fibrillation du muscle cardiaque. Ces dispositifs mesurent en continu l’activité cardiaque et en cas de besoin sont capables de provoquer une décharge électrique visant à rétablir la cadence de contraction des fibres du muscle cardiaque.

Afin d’être approuvés pour une utilisation médicale, les appareils électroniques implantés doivent faire l’objet d’une longue série de tests et doivent démontrer leur résistance aux interférences. Le fournisseur doit produire également une liste détaillée des conditions non tolérées par l’appareillage.

Possibilités d’interférences

Malgré les progrès technologiques et les vérifications effectuées par le fournisseur, des interférences graves peuvent toujours être produites par les champs électromagnétiques sur les appareils cardiaques implantés. En plus d’être dépendante des caractéristiques de l’appareil de stimulation cardiaque, la probabilité d’une interférence dépend des propriétés du champ électromagnétique environnant ainsi que de son intensité. Les champs magnétiques de basses fréquences peuvent ainsi induire un courant dans les fils de l’implant, perturber le système de détection d’arythmie et ainsi stopper temporairement le dispositif. Dans certains cas des dommages permanents au dispositif électronique peuvent survenir. Dans le cas des radiofréquences et microondes, le rayonnement en plus d’interférer avec la capacité de détection d’arythmie, pourrait provoquer un chauffage des tissus voisins du dispositif par induction électromagnétique. On reconnait généralement qu’au-delà de 3 GHz les risques d’interférences sont peu significatifs si les limites indiquées plus haut et reconnues sécuritaires pour des individus en bonne santé sont satisfaites.

De nombreuses sources de champ électromagnétique susceptibles de constituer un risque peuvent être présentes dans l’environnement du porteur de dispositif électronique implanté comme le démontrent les exemples suivants (3,4).
• Les détecteurs antivols présents dans les portiques sont généralement sans risque dans la mesure où le porteur ne s’approche pas de tels dispositifs pendant de longues périodes. Dans certains cas ces dispositifs sont cependant non identifiés, rendant difficiles les
contrôles.
• Les détecteurs de métaux présents dans les portiques de sécurité dans les aéroports sont généralement sans risque. Dans le cas d’une surveillance par moniteur manuel, il y a cependant lieu d’aviser le personnel de sécurité afin de réduire toute exposition près du stimulateur implanté.
• Les téléphones cellulaires incluant les dispositifs Bluetooth sont généralement sans risque. Certains manufacturiers recommandent cependant de ne pas porter le téléphone directement devant le site du stimulateur cardiaque implanté. À noter que certains fournisseurs permettent même au stimulateur cardiaque de communiquer directement avec le médecin traitant via le téléphone cellulaire du porteur.
• Les casques d’écoute comportent des aimants et il importe de maintenir ceux-ci à une distance de plus de 3 cm du stimulateur.
• L’approche des dispositifs d’imagerie à résonnance magnétique en milieu hospitalier peut constituer un risque d’interaction grave avec le stimulateur et peut constituer une contrindication à ce type d’examen. Une reprogrammation du stimulateur cardiaque est toutefois possible lorsque l’examen est essentiel.
• Les appareils électriques à haute puissance, la soudure à l’arc électrique ainsi que la proximité d’électroaimants présents dans l’industrie peuvent constituer un risque grave.
• Dans les cuisines, le risque d’interférence avec les fours à induction est généralement non significatif à une distance de 25 cm du four.
• En industrie, les procédés d’électrolyse constituent un risque variable selon la distance du porteur aux systèmes électriques.
• Le travail à proximité de dispositifs radars, de moteurs à propulsion électrique peut dans certaines situations constituer un risque d’interaction grave.

Limites d’expositions

L’ACGIH recommande pour les porteurs de stimulateurs cardiaques le maintien des expositions sous les valeurs suivantes :
• Champ magnétique statique: 0,5 mT
• Champ électromagnétique de très basse fréquence: 0,1 mT

Dans tous les cas, il est recommandé de revoir avec le manufacturier la tolérance du dispositif aux champs électromagnétiques et de valider la compatibilité des conditions environnementales avec l’appareil électronique implanté.

Procédures

Avant d’autoriser l’accès au milieu de travail, diverses procédures doivent être suivies lorsque l’ambiance environnementale peut constituer un risque pour les porteurs de stimulateurs cardiaques, les règles qui suivent doivent obligatoirement être appliquées.
1.Un inventaire des sources de champs électromagnétiques doit être effectué et toutes les zones susceptibles de constituer un risque pour les porteurs de stimulateurs cardiaques doivent être identifiées à l’aide des pictogrammes appropriés.
2.De manière générale, une mesure doit être effectuée par une personne compétente en toute zone où le champ électromagnétique est susceptible d’excéder les limites reconnues sécuritaires pour le public en général. Lorsque requis, ces zones doivent faire l’objet d’un affichage, tel qu’illustré en figure 1, et des procédures administratives doivent être appliquées afin de prévenir toute exposition.

3.Dans les cas spécifiques où un porteur de stimulateur cardiaque est susceptible d’être exposé au-delà des valeurs sécuritaires pour lui, une mesure par une personne compétente doit être effectuée en toutes zones susceptibles d’être occupées par ce travailleur. Un corridor de circulation sécuritaire pour ce travailleur doit être défini et les zones d’occupation permises doivent être établies en collaboration avec le médecin traitant. Au besoin, le médecin validera la réponse du stimulateur cardiaque durant les  périodes d’occupation en zones problématiques. Un compte rendu détaillé de ces observations doit être conservé et communiqué au travailleur.

Conclusion

En respectant certaines règles et procédures, les travailleurs porteurs de stimulateurs cardiaques ou de défibrillateurs automatiques implantés peuvent vivre et travailler en toute sécurité.