Sécurité équivalente – Quatre questions pour s’y retrouver


Sécurité équivalente – Quatre questions pour s’y retrouver

Une sécurité équivalente au cadenassage est-elle possible ? Quatre questions sous soulevées dans cet article. Les réponses nous permettent de s’y retrouver suite à de nouvelles mises à jour règlementaires.

Alain Daoust

En janvier 2016 une nouvelle mouture du Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) et au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) est apparue. Des changements majeurs visent la section XXI intitulée Machines. Quant au CSTC, l’article 2.20 intègre dorénavant les obligations relatives au cadenassage. Le présent article touche spécifiquement cette notion nouvellement introduite de sécurité équivalente au cadenassage qui se retrouve aux articles 188.4 du RSST et 2.20.4 du CSTC figurant aux tableaux 1 et 2.

1 Cette notion modifie-t-elle l’obligation du cadenassage d’abord ?

La notion nouvellement introduite de sécurité équivalente ne modifie en rien l’obligation de considérer le cadenassage comme la méthode privilégiée pour sécuriser les travaux. Même si le règlement définit le cadenassage comme une méthode de contrôle des énergies dangereuses, ce qui sous-entend qu’il en existe d’autres, il demeure la méthode principale de contrôle des énergies dangereuses. Ce n’est pas pour rien que le règlement précise que ces autres méthodes doivent procurer une sécurité équivalente au cadenassage. Le cadenassage est la référence de base. D’ailleurs, la plus récente version de la norme CSA Z460 dit clairement dans son Objet que :

le cadenassage est reconnu comme la principale méthode de maitrise des énergies dangereuses (1).

Cette précision est importante et c’est dans cet esprit que le règlement a été révisé. Il faut impérativement en premier considérer le cadenassage comme la principale méthode à utiliser et, ensuite seulement, si cela n’est pas possible, envisager d’autres méthodes de maitrise des énergies dangereuses.

2 Comment déterminer quand la notion de sécurité équivalente s’applique ?

Le nouveau règlement ne donne pas les précisions qui permettent de déterminer quand la notion de sécurité équivalente s’applique exactement. Il faut alors recourir de nouveau à la norme canadienne qui précise:

Lorsque les tâches énumérées à l’article 1.3 font partie intégrante du processus de production ou lorsque le cadenassage classique empêche l’exécution de ces tâches, on a recours à d’autres méthodes de maitrise qui assurent efficacement la protection du personnel (2).

Il y a donc dans l’objet de la norme une provision permettant de procéder autrement qu’en cadenassant, lorsque deux conditions sont remplies: 1) ces tâches font partie intégrante du processus de production ou 2) le cadenassage classique empêche l’exécution de ces tâches.

Le tableau 3 cite l’article 7.4.2 de la norme. Il s’agit de l’élément clé permettant de comprendre explicitement quand ces méthodes alternatives peuvent être envisagées. Les tâches qui remplissent la plupart des caractéristiques décrites à cet article sont généralement reliées à l’opération elle-même. Elles sont de courte durée, mineures, sont fréquentes au cours du quart de travail et font partie du processus normal de production. Un peu plus loin, la norme précise que les activités qui pourraient être réalisées au moyen d’autres méthodes de maitrise des énergies dangereuses comprennent la lubrification, les changements d’outils, les tâches mineures de nettoyage, le dégagement, le dépannage, les ajustements, l’inspection et le réglage.

De façon générale, les équipements et machines possèdent des mécanismes de sécurité intrinsèques qui permettent de procéder à ce genre de tâches de façon sécuritaire. On parle alors de sécurité technique des machines, laquelle est matérialisée par des dispositifs de protection comme l’interverrouillage et autres éléments techniques. La norme admet dans une note supplémentaire à l’article 7.4.3.3 qu’il est possible de se fi er, sous
certaines conditions, à ces dispositifs déjà éprouvés et installés par le fabricant. En voici les termes :

On admet qu’il est possible qu’un exercice d’appréciation du risque ait été réalisé par des organismes industriels dans le cadre de la conception des méthodes prescrites reconnues par cette norme (voir les annexes J à L). S’il choisit une méthode prescrite qu’il juge appropriée à une tâche particulière, l’utilisateur n’a pas besoin d’effectuer une autre appréciation du risque pour déterminer si une réduction efficace du risque a été réalisée.

Attention ! Même si la norme le précise et qu’il est possible de se fier à la sécurité technique des machines comme alternative au cadenassage, le règlement québécois va plus loin. Il ajoute à l’article 188.4, que l’employeur doit, au préalable, s’assurer de la sécurité équivalente de cette méthode en procédant à une analyse comportant quatre étapes. Cette précision nous amène donc à répondre à une troisième question.

3 Quels critères permettent de s’assurer d’une sécurité équivalente au cadenassage ?

L’article 188.4 est catégorique, les mesures de sécurité équivalentes au cadenassage ne peuvent pas être improvisées. Elles sont le résultat d’une analyse complète qui comporte notamment:

1 les caractéristiques de la machine ;
2 l’identification des risques pour la santé et la sécurité lors de l’utilisation de la machine;
3 l’estimation de la fréquence et de la gravité des lésions professionnelles potentielles pour chaque risque identifié ;
4 la description des mesures de prévention applicables pour chaque risque identifié, l’estimation du niveau de réduction du risque ainsi obtenue et l’évaluation des risques résiduels.

La méthode alternative choisie pour exécuter les travaux sera, la plupart du temps reliée à la sécurité technique. On devra alors s’assurer que les dispositifs de sécurité technique tels que l’interverrouillage, l’interverrouillage à enclenchement, les rideaux optiques et autres détecteurs de présence soient d’une catégorie de sécurité qui assure une protection suffisante du travailleur. La règle suivante s’applique alors : plus le danger potentiel est élevé, plus efficace devra être le mécanisme de sécurité (3). On doit absolument procurer, rappelez-vous, une sécurité équivalente au cadenassage.

Dans certaines situations d’autres méthodes et procédures seront utilisées, pourvu qu’elles procurent cette même sécurité équivalente. Il peut s’agir d’une modification dans le mode opératoire, de l’utilisation d’outil ou d’un cadenassage partiel. Dans un cas comme dans l’autre, que le choix de la méthode utilisée soit en lien avec la sécurité technique ou une autre approche, l’article 188.4 ajoute que les résultats de cette analyse doivent être consignés dans un écrit. Cette précision nous oblige à questionner le type de gestion à appliquer dans tous ces cas.

4 Comment s’effectue la gestion des travaux effectués en vertu de cette notion ?

D’aucuns se demandent ce qu’est exactement l’écrit dans lequel doivent être consignées ces informations. Le règlement répète essentiellement les mêmes obligations que la norme CSA Z460 en ajoutant ce qui suit :

188.5. L’employeur doit, pour chaque machine située dans un établissement sur lequel il a autorité, s’assurer qu’une ou plusieurs procédures décrivant la méthode de contrôle des énergies soient élaborées et appliquées.

Les procédures doivent être facilement accessibles sur les lieux où les travaux s’effectuent dans une transcription intelligible pour consultation de toute personne ayant accès à la zone dangereuse d’une machine, du comité de santé et de sécurité de l’établissement et du représentant à la prévention.

Les procédures doivent être révisées périodiquement, notamment chaque fois qu’une machine est modifiée ou qu’une défaillance est signalée, de manière à s’assurer que la méthode de contrôle des énergies demeure efficace et sécuritaire.

Avez-vous remarqué qu’ici le législateur englobe toutes les méthodes de contrôle des énergies ? L’obligation de développer une procédure et de la rendre disponible aux travailleurs en tout temps n’est pas limitée aux procédures – ou fiches – de cadenassage. Elle touche toutes les méthodes utilisées. Par conséquent, comme il est impératif pour tous les employeurs de développer des fiches de cadenassage, de même des procédures décrivant les méthodes de contrôle des énergies doivent être élaborées et appliquées.

Ces procédures peuvent faire partie du même système de gestion que celui utilisé pour les procédures – fiches – de cadenassage. La disponibilité de cette documentation permet aux travailleurs d’appliquer des méthodes de travail uniformes et éprouvées dans l’ensemble de l’entreprise. Évidemment, elles servent également d’outil de formation à la tâche afin d’assurer la sécurité des opérateurs et des autres intervenants.

Conclusion

Tout comme le cadenassage ne s’improvise pas, le développement et l’application des méthodes procurant une sécurité équivalente ne s’improvisent pas non plus. Ce n’est pas pour rien que le règlement exige la notion de sécurité équivalente au cadenassage. Il s’agit de la protection du personnel qui s’affaire autour des machines. Celles-ci comportent de nombreuses zones de danger, et ne s’approche pas qui veut!

Un bon programme de maitrise des énergies dangereuses, tenons-le pour dit, est une approche d’abord basée sur le cadenassage et, ensuite seulement, sur des méthodes alternatives qui procureront une protection suffisante aux travailleurs.