SYSTÈME DE GESTION Complaisance ou performance


SYSTÈME DE GESTION Complaisance ou performance

Il est de plus en plus courant de voir des organisations se faire certifier relativement à leur gestion de la santé et de la sécurité. Les certifications sont variées, mais s’équivalent sensiblement.

Marc-André Ferron

Que l’on considère OHSAS 18001, CSA Z1000, ou encore des certifications correspondant à des critères de gestion internes à de grandes corporations, les éléments d’évaluations sont sensiblement les mêmes.

Toutes ces certifications vous exigeront d’identifier vos risques, gérer vos exigences légales, d’avoir une politique en matière de santé et sécurité, un programme, un plan de communication, des définitions des rôles et responsabilités, un programme d’audits internes et j’en passe.

Pourquoi les certifications sont-elles toutes semblables? La réponse est bien simple. La santé et la sécurité sont de la gestion des risques et on ne peut pas vraiment réinventer les principes de base de la gestion qui sont de planifier, organiser, diriger et contrôler.

Pourquoi une certification?

Si l’on fait déjà une saine gestion de la santé et de la sécurité, pourquoi serait-il pertinent de faire certifier votre système de gestion de la santé et de la sécurité. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles une organisation pourrait arriver à prendre cette décision. En voici quelques-unes.

La noble cause

N’y a-t-il pas plus noble cause que la gestion de la santé et de la sécurité? J’entends par ceci, tout simplement d’éviter que les gens ne perdent leur vie à la gagner. Normalement, cela devrait être la motivation numéro un derrière les décisions en matière de santé et de sécurité.

Le respect des normes les plus exigeantes au monde en matière de santé et de sécurité devrait donc pousser les entreprises à rehausser leurs standards, maximiser leurs efforts ainsi qu’à assurer une pérennité ainsi que l’amélioration de leurs performances.

Malheureusement cela n’est pas toujours le cas et je vous précise pourquoi dans quelques lignes.

Répondre à une exigence corporative

Dans un très grand nombre d’entreprises, la demande de faire certifier l’ensemble des sites provient des sièges sociaux qui, dans un désir de bien faire, demandent aux responsables de chacun de leurs sites de voir à l’implantation d’un système de gestion répondant à l’une ou l’autre de ces normes.

Encore une fois l’intention est des plus nobles. Toutefois les résultats sont souvent mitigés. Souvent, lorsque la directive corporative arrive, c’est le cauchemar pour les gestionnaires en poste qui ne voient qu’un fardeau supplémentaire provenant d’ils ne savent trop qui, dans un bureau lointain.

Pris devant cette demande aux délais souvent raccourcis, l’organisation confie la tâche d’implantation à un coordonnateur santé et sécurité qui, s’il ne démissionne pas, essaiera de se ruer vers un consultant qui le supportera dans l’implantation du système de gestion en question.

Il se construit alors souvent un système de gestion théoriquement parfait, mais détaché de la ligne de gestion étant elle-même normalement propriétaire du système de gestion. Des dizaines de procédures dignes des meilleures thèses de maitrises en santé et sécurité sont alors rédigées sans que les principaux joueurs concernés n’en maitrisent leurs rôles et responsabilités.

Par contre, lorsque le travail sera effectué l’effet magique de poudre aux yeux sera assurément un succès. Cependant, la seule chose qui aura vu le jour dans ces conditions sera un système de gestion de vœux pieux.

Si vous désirez savoir si c’est le cas de votre organisation, ce n’est pas très difficile. La seule chose que vous avez à faire est de regarder le fonctionnement de votre organisation dans les semaines précédant un audit externe. Si vous êtes à la course à essayer de trouver des preuves de quelque chose que vous ne faites pas réellement, pour fournir au registraire une preuve que vous le faites lors de l’audit, vous êtes fort probablement dans cette situation.

Assurer sa diligence

Suite aux modifications du Code criminel canadien il y a de cela un peu plus de dix ans maintenant, beaucoup d’organisations se sont mises à chercher des avenues leur permettant d’assurer leur diligence raisonnable en cas d’évènements majeurs.

Ce raisonnement est tout à fait logique, car ces certifications sont habituellement basées sur l’identification des dangers, le respect des exigences légales, la maitrise opérationnelle et j’en passe bon nombre. Tout cela sera certifié par un expert externe qui viendra mettre son sceau sur votre saine gestion des risques.

Cela constitue effectivement un sérieux atout lorsque vient le temps d’essayer de prouver que l’on a fait ses devoirs en temps de crises. La question est alors pourquoi ces systèmes on souvent de mauvaises réputations? Car cela est régulièrement le cas relativement à leur lourdeur, l’absence de maitrise de ces derniers par les gestionnaires en poste ou tout simplement l’absence de résultats qu’ils apportent.

Le grand piège L’un des grands malheurs des systèmes de gestion est le suivant: leur certification est confiée à un registraire et un registraire est comme toute organisation, c’est-à-dire qu’il dépend de ses clients.

Lorsque vient le temps de certifier un système de gestion, cela constitue pour un registraire la possibilité d’acquérir un nouveau client pour plusieurs années. Habituellement, personne ne rejette une telle occasion. Lorsque le grand jour J de la certification arrive, vous obtiendrez alors votre bulletin. Il s’agira alors en théorie de votre pire performance, car l’une des bases de ces systèmes de gestion est l’amélioration continue. Il serait donc passablement illogique de voir vos performances régresser avec le temps n’est-ce pas?

Alors, poursuivons la réflexion. Un registraire ne peut vous certifier si vous avez des dérogations majeures à la norme. Le cas échéant, il exigera des mesures correctives selon des délais précis et vous obtiendrez alors votre certification une fois ces dérogations corrigées. Vous serez heureux et votre registraire aussi.

Qu’advient-il par la suite? Normalement, tel que mentionné, vous ne pourrez habituellement pas plus mal performer à vos audits ultérieurs qu’à votre audit d’enregistrement. Cependant il n’est pas impossible qu’un jour vous tombiez sur un auditeur très consciencieux qui remarquera plusieurs failles à votre gestion. Il sera alors tenté de vous mettre quatre dérogations majeures, trois mineures et huit opportunités d’améliorations.

Voilà un portrait qui ne plait habituellement pas au directeur général d’un établissement. La performance était bonne avant et maintenant elle ne l’est plus? Cela signifierait alors que le DG en question serait responsable de la sous-performance de l’organisation. En moins de deux, ce dernier sautera sur le téléphone et appellera le patron de l’auditeur chez le registraire en question afin de lui faire savoir que son auditeur fait du zèle et qu’il manque de jugement.

Le patron de l’auditeur ne voulant pas perdre un client rappellera alors son auditeur, lui demandant d’être un peu plus souple dans la mesure du raisonnable. Les opportunités d’améliorations disparaitront, quelques non-conformités mineures seront transformées en opportunités d’amélioration et les majeures en mineures. Presque tout le monde sera heureux. Je dis presque, car cela exclut l’auditeur consciencieux qui se voit alors pris entre la conscience professionnelle et la petite politique.

Quoi faire alors?

Je suis le plus grand fervent des systèmes de gestion que vous pouvez imaginer et je suis fondamentalement convaincu qu’il est impossible de gérer la santé et la sécurité sans système de gestion. Je déplore toutefois l’utilisation qui est parfois faite de ces certifications ainsi que l’intention derrière elle qui n’est pas toujours aussi noble que la cause de la prévention.

Au cours des dernières années, plusieurs illusions relativement à ces systèmes de gestion sont tombées après avoir vu des organisations certifiées selon ces normes depuis plus de 10 ans et qui après analyses avaient le genre de manquements suivants:
• plus de 1000 mesures correctives en archivage et dépassant leurs échéanciers de correction;
• absence d’analyses de risques et de connaissance des risques par l’équipe de gestion;
• aucune connaissance des exigences légales de l’organisation ainsi que leur niveau de conformité;
• aucune pratique des mesures d’urgence;
• absence totale de maitrise des rôles et responsabilités par l’équipe de gestion;
• absence de plan de formation et de communication;
• absence de programme d’audits internes et j’en passe.

La solution est à mon avis la suivante: faites certifier votre gestion de la santé et de la sécurité, seulement si vous voulez gérer sincèrement la santé et la sécurité.

La question à vous poser est de savoir si vous voulez une bannière devant votre organisation ou si vous désirez avoir des résultats. Si vous désirez avoir des résultats, vous comprendrez rapidement que chaque mot et chaque virgule à l’intérieur de ces normes y sont pour une raison bien précise, servant à gérer les risques.

De plus, les non-conformités ne vous effraieront plus. Elles seront même les bienvenues, car elles vous indiqueront à quel endroit votre gestion de la prévention est plus faible.

Bâtir un système de gestion de performance qui reflète la réalité de gestion de la santé et de la sécurité de votre organisation et qui est appliqué avec rigueur demande de la vision, du leadeurship et de la rigueur.

De l’autre côté, il n’y a rien de plus facile que de monter un système de gestion de complaisance basé sur des procédures dignes des plus grandes œuvres de Shakespeare. Cependant, dans un tel cas, vous allez courir à la veille de vos audits, à tenter de prouver l’improuvable. Vous serez dans l’embarras, tout comme vos auditeurs qui seront pris entre l’arbre et l’écorce.

Les ingrédients d’un système de gestion efficace sont les suivants: simplicité, appropriation par la gestion et de la rigueur. Avec cela tout est possible, sans cela rien ne l’est.

Pour ceux qui voudraient masquer la réalité derrière une bannière, je vous rappellerais le vieux dicton suivant: «la vérité est la réalité». Dans le cas où vos risques ne sont pas gérés convenablement, la vérité finira par faire surface un jour ou l’autre.

La vérité est comme un ballon que l’on tente de garder sous l’eau, elle finit toujours par refaire surface. Le grand malheur ne sera peut-être malheureusement pas que vous perdrez votre certification, mais bien qu’un individu perdra peut être son intégrité physique voire la vie.

Alors avant de vous engager dans une démarche de certification, faites bien attention à ce que vous voulez, car c’est ce que vous obtiendrez. Voulez-vous de la complaisance ou de la performance. Le choix vous appartient.