Une réalité présente en milieu de travail


Une réalité présente en milieu de travail

Marc, jeune employé de 22 ans, aimait bien relaxer avec un petit joint lors du repas du midi. Et ce, afin de calmer les effets euphoriques de la surconsommation de cocaïne de la veille. Un moment d’inattention, un accident stupide, il était loin de se douter, qu’aujourd’hui, cela couterait la vie à l’un de ses collègues de travail.

Daniel Béchard

Depuis la nuit des temps, la consommation abusive d’alcools, de drogues et d’opiacés fait partie du quotidien de l’humanité. Seuls les moyens de consommation et les substances ont changé. Nous pourrions comparer cela au plus vieux métier du monde, la prostitution.

Malheureusement, au Québec comme partout dans le monde, on constate depuis des années une augmentation de la consommation de drogues. Cette réalité est de plus en plus présente. L’économie du Québec est déjà confrontée au choc démographique résultant du départ massif à la retraite des babyboumeurs, pour faire place à une main-d’oeuvre plus jeune. C’est la fin d’une époque de consommateurs abusant de l’alcool vers une nouvelle apparition de consommation abusant de psychotropes.

Ensemble, il nous faut dès maintenant relever le défi que représentera cette profonde mutation du marché du travail, tout en conservant nos acquis dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Nous devons donc unir nos efforts pour poursuivre l’assainissement des milieux de travail et prévenir cette hémorragie actuelle que provoque la consommation abusive de substances psychotropes.

Dans ce contexte de renouvèlement de la main d’oeuvre, quel accueil leur réserverons-nous? Quelle formation, quelle information et quel entrainement en santé et sécurité leur transmettrons-nous? Ce sont là, je crois, quelques-unes des préoccupations que nous devons avoir en tête lorsque nous évoquons l’amélioration continue comme facteur de réussite dans les entreprises. Mais sommes-nous vraiment informés de la situation actuelle ou bien des effets des substances psychoactives qui se font de plus en plus fort ?

L’une des grandes difficultés dont les gestionnaires ont à faire face chez les consommateurs abusifs est le présentéisme au travail. Les gestionnaires et les centrales syndicales doivent plus que jamais comprendre les phénomènes humains qui amènent un individu aux portes du crash psychologique, le poussant à s’intoxiquer quotidiennement ou occasionnellement. Aujourd’hui, les problèmes d’épuisement professionnel prennent toutes sortes de visages, tels que le désengagement émotionnel vis-à-vis son travail, l’absentéisme chronique, la violence, la dépression, le jeu compulsif et les toxicodépendances. Ceci a pour effet de détruire l’environnement de la personne concernée, et par la même occasion met en péril leur vie et celles des autres.

Un phénomène répandu

Le sujet qui nous intéresse aujourd’hui est: pourquoi notre relève semble-t-elle en panne de sens ? Pourquoi ressent-elle un si grand besoin d’évasion dans les substances psychoactives telles que l’alcool et les drogues? Nos milieux de travail seront-ils menacés si nous n’intervenons pas? Quels en seront les dommages collatéraux? Quelles seraient les conséquences et les répercussions pour l’organisation à moyen et long termes ?

Le phénomène de l’assuétude

L’assuétude est une caractéristique de l’individu par sa façon d’envisager la vie, que ce soit en ayant recours à des substances psychoactives ou à d’autres comportements dépendants vis-à-vis quelque chose. En fait, c’est en quelque sorte remettre le contrôle de sa vie à l’extérieur de soi. C’est aussi perdre la maitrise de sa vie, et ce, de façon de plus en plus grandissante au fur et à mesure que s’installe la dépendance. Au stade de cette étape, le toxicodépendant est aux prises avec une sorte de masque qui s’empare de sa personne, comme une modulation de la personnalité en fonction de l’environnement. Carl Jung définissait très bien cet aspect de l’individu par la persona, soit le masque du théâtre antique.

L’assuétude n’est pas causée par un psychotrope ou par ses propriétés chimiques. Elle est rattachée à l’effet que produit la substance sur une personne donnée, dans des circonstances données, un effet recherché qui supprime l’angoisse, le stress, qui lui donne un sentiment de contrôle sur ses émotions, diminue la capacité de l’individu à faire face à la vie. Ce à quoi nous devenons assujettis, c’est l’expérience que nous fait vivre la substance.

Le commun dénominateur des psychotropes est la propriété qu’ils ont tous de réduire l’activité du système nerveux, atténuant ainsi les sensations de douleur ou la perception des difficultés de la vie chez l’individu et le rendant moins capable d’affronter ces mêmes difficultés. Voilà alors une caractéristique du cycle de l’assuétude.

Les personnes dépendantes ont un sentiment d’impuissance face à leur capacité à y résister et ont le sentiment qu’ils ne méritent pas de vivre ou de réussir dans leur vie. Leur perception négative de soi et une faible estime d’eux-mêmes contribuent à ce glissement vers la toxico dépendance. En résumé, il y a assuétude lorsque l’habitude de recourir à la consommation contrôle plus ou moins la vie d’une personne.

• Quand l’habitude de consommer détourne la personne de tous ses autres centres d’intérêt.
• Quand l’habitude de consommer de façon compulsive, n’étant plus agréable, sert surtout à supprimer la peine, la peur, l’angoisse, la culpabilité ou le mal de vivre.
• Quand, dans des circonstances qui produisent une situation stressante, la personne réagit toujours de la même manière et fait toujours le même choix, soit celui de consommer de façon abusive.

Aucun remède miracle à l’assuétude. Toutefois, des changements de l’individu dans ses rapports avec le monde et lui-même, la prise de conscience de lui-même et de ses comportements autodestructeurs ainsi que l’apprentissage du respect de soi peuvent amener des changements dans sa vie. L’individu doit pour ce faire, accepter que ces changements ne se fassent pas du jour au lendemain et qu’il y aura des périodes où il ne fera pas de progrès discernables, même plusieurs périodes de rechutes.

Quels sont les dommages collatéraux ?

Le maintien d’une stabilité de la main-d’oeuvre est de plus en plus important pour notre économie. Les climats de travail doivent opérer dans des contextes d’harmonie. On pourrait croire qu’une seule personne dans une équipe de travail aux prises avec le phénomène de la dépendance ne peut pas mettre en péril toute une équipe. Détrompez-vous ! Les dommages à moyen et long termes seront beaucoup plus importants qu’on peut l’imaginer. Trop d’accidents du travail ont comme cause un lien direct avec la consommation.

Réagissons collectivement

Malgré les multiples programmes et les méthodes d’intervention de plus en plus sophistiquées, nous devons regarder la situation bien en face. Si nous croyons avoir tout vu dans les 20 dernières années, ce n’est pas le cas. Plus que jamais, il est important de comprendre ce phénomène de notre nouvelle génération. Il n’est plus question d’alcool et d’un simple petit joint, mais plutôt de substances fabriquées avec du LSD, de l’extasy, du speed, de la kétamine, de la cocaïne synthétique, du crack communément appelé free-base et le Fentanyl qui gagnent de plus en plus les frontières canadiennes, ainsi que de nouveaux procédés de consommation dépassant l’imagination.

Conclusion

Malgré les multiples campagnes de sensibilisation, le problème demeure bien présent. Malheureusement, les messages que nous tentons de passer sont encore basés sur des méthodes radicales d’intervention et de gestion.

Ayant moi-même dû faire face à mes propres démons intérieurs et lutter pour vaincre une dépendance, je suis fier aujourd’hui de prononcer et partager lors de conférences et d’articles les expériences qui m’ont amené à un tout autre mode de vie.