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SST

RESPONSABILISATION EN SST

Rôle des superviseur

Michel Pérusse1

Christian Millet2

Au fil des ans, j’en suis venu à développer beaucoup de sympathie pour les superviseurs et gestionnaires de premier niveau. En effet, les attentes des organisations à leur égard sont énormes. Ils sont le niveau de gestion qui se retrouve au cœur même des opérations.

Ils ont à gérer la production, la qualité, les couts, en plus, évidemment, de gérer les employés et leur santé et sécurité au travail
(SST). Ils ont à se coordonner entre les autres quarts de travail et avec les autres départements. Ils ont toutes sortes de rapports à
remplir et d’exigences administratives à rencontrer. En somme, comme dans la caricature de la figure 1, les attentes à leur égard sont énormes, dans un contexte où ils sont parfois pris entre l’arbre et l’écorce.

Or ils ont un rôle crucial à jouer dans l’établissement d’une culture de SST. Alors quel est ce rôle exactement ? Et comment s’assurer qu’ils le remplissent adéquatement ? Des éléments de réponse à ces questions ont déjà été fournis dans un article précédent (1); le présent article
vise à explorer ce rôle plus en profondeur et à proposer quelques pistes pour qu’il soit rempli efficacement.

Une condition de départ

La véritable prise en charge doit se manifester au niveau des opérations, au sein même des équipes de travail. On comprend rapidement que, pour que ça fonctionne, il doit régner un bon climat au sein de l’équipe. Avant tout, le superviseur doit faire deux choses.

Premièrement, il doit régler les sources de tensions entre lui et les membres de son équipe. Dans l’anecdote, racontée précédemment (1) du travailleur qui affichait la tête de mort des pirates sur son casque en référence à ses relations avec son superviseur, il est évident que si ce travailleur a une suggestion de mesure préventive à proposer ou une situation dangereuse à signaler, il y a peu de chances qu’il s’adresse à son contremaitre. Quelles seront alors ses options ? Ne rien dire et ruminer sa frustration ? S’adresser à son représentant syndical ? Référer le tout au comité de santé et sécurité ? Aucune de ces solutions n’est aussi bonne qu’une discussion avec le superviseur pour décider ensemble d’une solution et l’appliquer sur-le-champ.

Pour régler les sources de tension avec ses équipiers, il devra pouvoir compter sur le support de la direction, par de la formation, du coaching et l’appui de ses décisions, par exemple. Ce qui sera le plus productif, dans ces circonstances, ce sera d’adopter une posture de coach plutôt que de dominateur. Le fait de travailler avec ses équipiers, de les écouter, de les encourager et d’appuyer leurs idées devrait permettre d’aplanir bien des  difficultés. Qui plus est, cette approche ralliera une majorité des membres de l’équipe qui, à leur tour, contribueront à la résolution d’un certain nombre de problèmes incluant certaines résistances indues occasionnellement.

Deuxièmement, le superviseur doit également chercher à éliminer les frictions entre les membres de son équipe. Il est trop facile de se dire que ce sont des adultes et qu’ils
sont capables de régler leurs problèmes entre eux. Ce sont des situations délicates. Si l’on
n’intervient pas elles se règlent rarement toutes seules et deviennent même, à la rigueur,
des sources de risques dans les tâches complexes qui nécessitent un haut niveau de  communication entre les équipiers, par exemple. Par contre, tel que mentionné dans un article précédent (2), quand les travailleurs veillent sur la sécurité l’un de l’autre, le climat d’entraide crée une ambiance très plaisante et on sait qu’on a en place une véritable culture de SST ; à son tour, cette culture assurera une élimination efficace des dangers et un contrôle serré des risques. Pour en arriver là, encore ici, l’écoute et l’approche de coach
devraient venir à bout de la majorité des obstacles.

Les principaux rôles

Évidemment, chaque organisation ou entreprise a ses propres caractéristiques et
spécificités. Il serait donc impossible d’en arriver à une description des rôles et  responsabilités qui soit universelle, qui s’applique absolument partout. Ce qui est possible, toutefois, c’est de proposer une définition générique, autour de trois grands thèmes, qui devraient s’appliquer à peu près partout. Ces trois thèmes sont :
1. assurer la réalisation des activités de prévention ;
2. responsabiliser ses employés pour susciter leur implication et favoriser leur prise d’initiatives ;
3. assurer la conformité des comportements prescrits aux règles et standards.

Examinons chacun plus en détail.

a. Les activités de prévention

Dans un premier temps, bien sûr, les activités de base en prévention doivent être réalisées. Il faut que les risques soient identifiés et analysés, que les inspections des lieux soient  effectuées, il faut que les enquêtes soient menées en cas d’accident, il faut que la formation SST soit dispensée, il faut que les réunions de sécurité soient tenues, et ainsi de suite. Les entreprises de classe mondiale disent Safety is a line function, ce qu’on peut traduire par Les activités de prévention sont la responsabilité de la ligne hiérarchique, c.-à-d. de la ligne d’exécution du travail. C’est donc dire que plusieurs des responsabilités inhérentes à la réalisation des activités de prévention atterrissent dans
la cour des superviseurs.

Selon l’approche traditionnelle, plusieurs entreprises s’attendent alors à ce que ce soit le
superviseur lui-même qui réalise tout ça. Cette approche n’est tout simplement pas viable. D’abord parce que les pauvres superviseurs sont souvent déjà débordés par leurs multiples autres tâches administratives ou de production. Ensuite parce qu’ils ne sont pas des  spécialistes dans tout ce qui concerne la sécurité, ni d’ailleurs dans tout ce qui concerne le changement de culture.

Alors, comment concilier le fait que le superviseur ne peut pas tout faire seul, mais
qu’il est le garant de la sécurité de son personnel ? C’est ici que la responsabilisation des employés entre en jeu et démontre tout son potentiel. En fait, tel que formulé plus haut, le superviseur a le devoir général d’« assurer la réalisation des activités de prévention ». Prenons l’exemple de la formation SST ; il est bien évident qu’il n’appartient pas au superviseur de développer les matrices de formation ni de dispenser lui-même  toute la formation requise. D’ailleurs, dans le cas des formations conduisant à des attestations, il est même obligatoire de recourir à des formateurs qualifiés. Ce qui est attendu de la part du superviseur, c’est de s’assurer que son personnel ait reçu les formations prescrites :
vérifier qui doit suivre quelle formation, planifier leur libération et vérifier qu’ils l’ont
bien suivie.

Alors on peut appliquer le même raisonnement à plusieurs autres activités de prévention. Par exemple, certains superviseurs sont moins habiles que d’autres pour animer des  réunions ou pour parler en public ; pourquoi ne pas leur permettre de déléguer l’animation
à un employé ? Encore une fois, la responsabilité du superviseur est de s’assurer que les réunions soient tenues telles que prescrites : identifier un animateur, planifier le temps de rencontre et vérifier les présences, par exemple ; bien sûr, on s’attend aussi à ce qu’il
y participe activement. Même chose encore pour les inspections des lieux : pourquoi ne pas confier la réalisation de ces tournées à un ou deux employés ? Il appartient au superviseur
de s’assurer que les inspections soient faites : choisir les employés, leur donner du temps et vérifier leur rapport. Cette façon de procéder présente deux avantages non négligeables.
Premièrement, ça évite de surcharger le superviseur, tout en lui permettant de rencontrer
ses responsabilités. Deuxièmement, ce sont autant de moyens d’impliquer les employés,
de les responsabiliser. En les responsabilisant, on génère chez les employés la mobilisation
nécessaire pour s’acheminer graduellement vers une culture de SST.

b. Les initiatives des employés

Les deux autres grandes sphères de responsabilités concernent le comportement
sécuritaire des employés. Certains expriment parfois des doutes quant à la pertinence
de s’intéresser aux comportements. Pourtant il y a de nombreuses raisons de s’y intéresser
à des fins de prévention. Pour en citer quelques-unes :

a. mieux comprendre comment l’humain interagit avec son environnement afin de rendre  celui-ci mieux adapté à l’humain et donc plus sécuritaire ;

b. identifier les comportements les plus appropriés :
• comme compléments à l’élimination des dangers à la source, ou
• dans les cas où l’élimination à la source est impossible (ex. Comment éliminer le froid
à la source en hiver pour les travailleurs de la construction ou pour les monteurs de
ligne ? Comment éliminer à la source la chaleur/risque de brulure pour les cuvistes
dans les alumineries ? etc.), ou

• dans les cas où c’est la mauvaise exécution d’un travail qui génère le risque, ou
• permettant aux travailleurs d’avoir des réponses et réflexes appropriés au cas où le danger surgirait à l’improviste, ou
• pour composer avec des situations d’urgence imprévues ;

c. trouver les meilleurs moyens de susciter ces comportements appropriés : par la formation ? par le renforcement positif ? par la supervision ? par la discipline ? par les normes de groupe ?

d. trouver les moyens de susciter l’adhésion des employés aux efforts de prévention, afin
d’en faire des partenaires actifs et engagés. La littérature scientifique est unanime à l’effet
que l’engagement actif des employés est l’une des deux plus importantes clés de succès en
sécurité.

Avant d’aller plus loin, il convient de rappeler brièvement une distinction qui a été présentée dans un article précédent (2). En fait, il y a deux sortes de comportements  sécuritaires. D’abord il y a les comportements prescrits ; il s’agit ici de tous les comportements considérés comme obligatoires : méthodes de travail appropriées,
procédures et règlements de sécurité, port des équipements de protection individuelle
(ÉPI), et ainsi de suite. Le plus souvent, quand on parle de comportements sécuritaires, c’est à cette catégorie qu’on pense en premier, voire même presque automatiquement. Le rôle du superviseur face à cette catégorie de comportements fait l’objet de la prochaine
section. Et puis il y a la deuxième catégorie, à savoir les initiatives de sécurité. Ce sont des comportements spontanés qui ne font l’objet d’aucun règlement ou d’aucune prescription. On se rappellera que les travaux du professeur Marcel Simard et de son équipe (3), de l’École des Relations industrielles de l’Université de Montréal, dans 108  entreprises manufacturières du Québec, ont démontré que ce sont les initiatives de sécurité qui ont le plus d’influence sur les résultats en sécurité. Les initiatives peuvent prendre plusieurs
formes, dont celles qui suivent.
• Partager ses trucs du métier avec ses collègues.
• Prendre un nouveau collègue sous son aile  pour l’aider à s’intégrer.
• Aider spontanément un collègue pour lui donner un coup de main.
• Rappeler à un collègue de porter ses ÉPI, de respecter un règlement ou d’appliquer la
bonne méthode de travail.
• Rapporter une situation dangereuse qu’on ne peut corriger soi-même.
• Isoler ou corriger spontanément une situation dangereuse.
• Fournir des suggestions de mesures correctives ou préventives.

Ce qu’il y a de bien, dans une culture de SST qui repose sur la reconnaissance des initiatives des employés, c’est que ces derniers prennent l’initiative de se conformer aux comportements prescrits. En d’autres mots, ils respectent les règlements de sécurité et ils
portent les ÉPI prescrits non pas parce qu’ils y sont forcés, mais bien parce que, dans leur
esprit, ça va de soi, tout naturellement. En favorisant les initiatives, on améliore la conformité en même temps. Les superviseurs doivent donc encourager cet esprit d’initiative plutôt que d’y voir une atteinte à leur autorité. Encore ici le passage d’un
rôle de contrôleur à un rôle de coach est une condition fondamentale.

c. Le respect des comportements prescrits

Évidemment, à chaque fois qu’on parle de culture de SST, de responsabilisation et d’initiatives de sécurité, invariablement surgit la question : Oui, mais en attendant que la culture ait fini de s’implanter, il y aura encore pour un certain temps des comportements non conformes ; alors, comment les gérer ? 

a. Quelques précisions

Pour répondre à cette question, il convient d’abord de préciser de quoi il s’agit quand on
parle de comportement non conforme. On a affaire à un comportement non sécuritaire
quand il n’est pas conforme à un standard prescrit : règlement, comportement obligatoire
ou au contraire interdit, et ainsi de suite. Il s’agit soit d’un comportement explicitement
interdit qui a quand même été posé, ou d’un comportement pourtant obligatoire qui n’a
pas été posé. Il y en a de plusieurs sortes. La non-application d’une procédure sécuritaire, le non-respect d’une méthode appropriée de travail, le non-port des ÉPI et la prise de risque, consciemment ou non, sont les principaux types qu’on rencontre.

Ensuite, il faut faire un certain nombre de mises au point. Premièrement, il faut bien comprendre que notre système québécois de SST est de type sans égard à la faute.
En d’autres termes, un employé qui se blesse au travail reçoit une indemnisation, peu importe si une faute a été commise et peu importe qui a commis cette faute. Il est donc inutile, voire contreproductif de chercher un coupable lors d’une enquête d’accident. D’ailleurs, un chercheur australien du nom de Wigglesworth (4) affirmait déjà en 1972  que la recherche d’un coupable lors d’une enquête avait constitué le principal obstacle au progrès de la sécurité au travail au cours des 150  années précédentes. Ça reste encore vrai, même 45 ans plus tard.

Par contre, ça ne veut pas dire que les comportements non conformes ne représentent pas des causes d’accidents. Ainsi, il y a tout lieu de croire qu’un nombre insuffisant de freins à main ont été serrés sur le train qui a dévasté Lac-Mégantic. Également, on voit
malheureusement encore trop souvent de mauvaises pratiques de travail provoquer des incendies lors de travaux de soudage. Et ainsi de suite. Les rapports d’enquête, même les rapports officiels, en contiennent pratiquement toujours.

L’existence d’un régime sans égard à la faute ne veut pas dire non plus qu’on ne doive
pas s’intéresser aux comportements non conformes et qu’il n’y a pas des leçons à en tirer
pour rendre un programme de prévention plus performant. Il faut donc clairement
identifier les comportements problématiques, se demander quelles en sont les causes et comment il faut s’y prendre pour les améliorer. La façon de le faire n’est donc pas de culpabiliser qui que ce soit, mais plutôt de travailler sur les causes fondamentales de la présence de comportements non conformes.

La deuxième mise au point majeure qui s’impose est la suivante. Quand on parle de comportement non sécuritaire ou non conforme, trop souvent on pense encore automatiquement au comportement des travailleurs. On oublie malheureusement qu’un service des achats qui ne respecte pas les prescriptions du SIMDUT, qu’un service d’entretien qui néglige l’entretien préventif d’équipements critiques ou qu’un contremaitre qui ordonne de procéder au nettoyage de la machine pendant que celle-ci est en marche posent tous des comportements non sécuritaires.

Troisièmement, certains pourraient être portés à penser que, parce que le focus premier de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) est l’élimination à la source du danger, il n’existe pas d’obligation légale en matière de comportement sécuritaire. C’est une grave
erreur. Examinons quelques-unes de ces exigences.
1. L’article 59  de la LSST, qui détaille le contenu du programme de prévention, stipule
au 3e alinéa qu’il doit comprendre les normes d’hygiène et de sécurité spécifiques à l’établissement. Le législateur s’attend donc à ce que l’entreprise se dote d’un manuel de règlements en SST et que ce manuel fasse partie du programme de prévention. Une fois cela fait, ces règlements ont force de loi comme s’ils avaient été adoptés en vertu de la LSST.

2. L’article 49 de la LSST décrit les obligations du travailleur. En plus des obligations reliées au fonctionnement du programme de prévention, on constate deux obligations de nature
éminemment comportementale. Ainsi, le 2 alinéa mentionne que le travailleur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.
De plus, le 3e alinéa stipule qu’il doit également veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de
travail ou à proximité des lieux de travail.
3. L’article 219 du Code criminel canadien, tel que modifié par la Loi C-21, stipule que : (1)Est coupable de négligence criminelle quiconque :
a. soit en faisant quelque chose ;
b. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2)Pour l’application du présent article, <devoir> désigne une obligation imposée par la loi.

Trois précisions s’imposent à propos de ce dernier article. Premièrement, tel que précisé
plus haut, on remarque que le comportement non conforme peut être soit une action (a)
ou une omission (b). Deuxièmement, le mot quiconque a été surligné pour faire ressortir une chose : cet article s’applique à tout le monde, représentants de l’employeur aussi bien que travailleurs. Troisièmement, donc, à partir du moment où tant l’employeur que le travailleur ont des obligation(s) imposée(s) par la loi en matière de SST, l’article 219  s’applique, et un manquement aux dites obligations pourrait constituer de la négligence criminelle.

Toujours en vertu du Code criminel, et selon la jurisprudence, les entreprises ont un devoir
de diligence raisonnable. Cette diligence se manifeste par l’exercice de trois grands devoirs. Les deux premiers, soit le devoir de prévoyance et le devoir de performance, sont en dehors du sujet du présent article. Le troisième devoir, celui d’autorité, par contre, est on ne peut plus pertinent, pour le présent propos.

En quoi consiste le devoir d’autorité ? L’employeur a le devoir d’établir des standards en matière de règles et de comportements, de les faire connaitre, et de prendre les moyens pour les faire respecter : formation, information, sensibilisation, mise à disposition des
moyens nécessaires, rappels, avertissements, et sanctions si nécessaire. Une grande entreprise publique a failli rater sa démonstration de diligence raisonnable parce qu’elle
peinait à démontrer sa capacité à recourir à des sanctions si nécessaire.

b) Et le superviseur ?

On voit donc que, si quelqu’un prétendait que les lois n’ont pas d’exigences en matière de comportements sécuritaires, cela constituerait une hérésie grave. Les comportements sécuritaires ont une importance primordiale, que ce soit à des fins de prévention ou d’un point de vue légal. On comprend alors que ce sont les superviseurs, les gestionnaires de premier niveau, qui sont le plus près des opérations quotidiennes, qui ont la responsabilité
cruciale d’assurer la conformité des comportements aux standards prescrits. Alors si on en
revient à la question du début de la présente section, comment les superviseurs peuvent-ils
s’y prendre pour faire cela ?

En fait on peut dire qu’il y a deux volets à cette tâche : susciter l’adhésion aux comportements prescrits et corriger les comportements non conformes. Examinons
ces deux volets un à un.

La pire façon de procéder pour susciter l’adhésion à des comportements prescrits, c’est de décréter unilatéralement une nouvelle méthode de travail ou un nouveau règlement, pour ensuite chercher des façons de le faire respecter, quitte à utiliser la coercition. L’expérience démontre que la meilleure façon de procéder consiste à impliquer activement
les travailleurs dans la définition ou la redéfinition d’un règlement de sécurité ou d’une
méthode de travail. Le nouveau standard devient LEUR standard et on constate généralement que les travailleurs eux-mêmes contribuent à en assurer le respect. Il s’agit ici d’une autre forme de responsabilisation qui favorise une culture de SST.

Comment gérer les non-conformités ? Trop souvent on pense que la sanction disciplinaire est le seul moyen. En fait il s’agit du dernier recours. Avant d’en arriver là, encore une fois on va miser sur la responsabilisation. Ainsi, lorsqu’un manquement ou un comportement non conforme est constaté, faire semblant de ne pas le voir passerait un très mauvais signal. Un tel laisser-faire risque de saper tout le travail qui a été fait en vue d’établir une  ulture de SST. Il faut plutôt discuter franchement et ouvertement avec la personne pour chercher à comprendre les raisons de la non-conformité. Il est possible qu’il y ait des blocages ou des obstacles qui empêchent l’application du comportement conforme; la solution est alors de faire disparaitre les obstacles. Il manque le bon outil ? On s’assure de le fournir. La méthode prescrite n’est pas applicable à cause du contexte ou de l’environnement particulier ? On élabore ensemble une alternative sécuritaire et ainsi de suite.

En quelque sorte on signe un contrat psychologique avec la personne à propos de l’application du comportement conforme à l’avenir. Souvent le seul fait de s’arrêter et d’observer suffit comme rappel. Ce n’est que si les manquements continuent à se produire
qu’on devra hausser le ton progressivement : rappel verbal, avertissement verbal, avertissement écrit, et finalement sanctions qui augmenteront progressivement en sévérité. Les règles en cette matière sont bien connues dans le domaine des relations de travail, et il n’y a aucune raison pour laquelle elles seraient différentes quand il s’agit de la SST.

Finalement, il va de soi que le comportement du superviseur lui-même doit être sécuritaire. Cela implique deux choses. Premièrement, il doit faire preuve de respect ; on se rappellera que, d’entrée de jeu, le bon climat au sein de l’équipe fait foi de tout en matière de responsabilisation. L’ouverture aux idées et suggestions des travailleurs est une forme très
productive de respect. L’attitude respectueuse du superviseur est donc absolument  indispensable à l’établissement d’un climat harmonieux.

Deuxièmement, les travailleurs sont particulièrement sensibles à l’application de deux poids, deux mesures. Le superviseur qui ne porte
pas sa lunette protectrice ne devrait pas se surprendre d’avoir de la difficulté à la faire
porter par ses équipiers. Pour un superviseur, un comportement sécuritaire est un comportement exemplaire.

Conclusion

La fonction de superviseur est lourde, il faut bien le reconnaitre. Quand on lui confie un
département et une équipe, on lui confie en même temps la responsabilité de tout ce qui se
passe dans ce département et dans cette équipe.

Dans le passé, de nombreuses tentatives pour faire prendre la SST en charge par les superviseurs ont échoué parce que la façon de s’y prendre avait pour effet d’alourdir leur tâche encore plus. Par contre, plusieurs expériences ont démontré qu’en misant sur la responsabilisation des employés, le niveau de sécurité s’améliore visiblement sans rendre  la tâche du superviseur plus ardue pour autant. La voie à suivre est-elle assez évidente ?


1 – Michel Pérusse – CONSULTANT ET PROFESSEUR ASSOCIÉ, ÉCOLE DE GESTION,
UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE [perussem@hotmail.com]
2 – Christian Millet – CONSEILLER SÉNIOR, OPÉRATIONS SST INTERNATIONAL
[christianmillet.1957@gmail.com]

Références bibliographiques

1. Pérusse, M. (2017) Intégrer la SST à la culture de l’organisation, Travail et santé, 33(3), pp 24-27.
2. Pérusse, M. (2017) Pour une culture en SST : la responsabilisation,
Travail et santé, 33(2), pp 34-37.
3. Simard, M. et Marchand, A. (1997). La participation des travailleurs à la prévention
des accidents du travail : formes, efficacité et déterminants. (Rapport R-154). Montréal :
IRSST.
4. Wigglesworth, E.L. (1972) A teaching model of injury causation and a grid for selecting countermeasures Occupational Psychology, Vol 46:69-78.